22 février 2018
Proposition de loi sur le régime de l'exécution des peines des auteurs de violences conjugales
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, tous les trois jours, dans notre pays, une femme meurt sous les coups de son compagnon ou de son ex-conjoint.
Malheureusement, cette statistique ne reflète pas la réalité, car elle n’intègre pas les données concernant les suicides consécutifs aux violences psychiques et psychologiques ni les séquelles provoquées par la consommation de psychotropes, de tabac ou d’alcool.
En 2016, 110 000 victimes de violences commises par le conjoint, concubin ou ex-conjoint ont déposé plainte auprès des services de police, entraînant la condamnation de seulement 17 660 personnes pour violences conjugales.
À ce jour, seule une femme victime de violences au sein du couple sur cinq dépose plainte.
Je souhaitais rappeler à cette tribune ces quelques chiffres afin d’insister sur la gravité du sujet que nous abordons aujourd’hui et sur les drames humains qu’ils révèlent.
La présente proposition de loi part du constat que les aménagements de peine et les crédits de réduction de peine entraînent un sentiment d’impunité pour les auteurs de ces violences, ainsi qu’un sentiment d’incompréhension et d’abandon pour les victimes et leurs proches.
Ce texte tend ainsi à prévoir la création d’un régime dérogatoire, afin notamment de mettre un terme à la non-exécution des « petites » peines d’emprisonnement lorsqu’elles relèvent de ces faits. Toutefois, il appelle un certain nombre de remarques.
Tout d’abord, concernant le champ des infractions retenues pour l’application des articles, celui-ci recouvre des violences d’inégale gravité, en excluant l’homicide et en incluant le harcèlement téléphonique ou le harcèlement moral au travail. En outre, certaines infractions pénales, liées notamment à la répression des violences faites en groupe, ne peuvent être commises à l’encontre d’une victime par son conjoint ou compagnon.
Ensuite, l’adoption de l’article 1er aurait pour conséquence d’empêcher le prononcé de certaines mesures probatoires encadrant les sorties de détention comme des mesures de semi-liberté ou de placement à l’extérieur, alors que celles-ci pourraient permettre de réduire le risque de récidive.
Enfin, l’article 2 prévoit la création d’un régime dérogatoire pour les auteurs de violences conjugales. La mise en œuvre d’une telle disposition porterait inévitablement atteinte au principe constitutionnel d’égalité devant la loi.
Au cours de l’examen de ce texte en commission des lois, vous avez par ailleurs fait observer, madame la rapporteur, et je salue la qualité de vos travaux, que la proposition de loi serait sans conséquence sur les possibilités pour le tribunal correctionnel d’aménager ab initio, au stade du jugement, les peines d’emprisonnement prononcées d’une durée inférieure ou égale à deux ans ou, pour le juge de l’application des peines, de prononcer une mesure de placement sous surveillance électronique.
Vous l’avez également rappelé à juste titre, avec l’adoption, en octobre 2017, de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice, la commission des lois avait déjà proposé une réforme d’envergure du régime de l’exécution des peines.
Même si des progrès substantiels doivent encore être accomplis, de nombreuses avancées ont été réalisées en matière de protection civile et pénale des victimes de ces violences. Ainsi, depuis 1994, les peines encourues par les auteurs de violences conjugales sont aggravées lorsqu’elles ont été infligées par le conjoint ou par le concubin.
Cette circonstance aggravante a été élargie au partenaire lié à la victime par un PACS, ainsi qu’à l’ancien conjoint, concubin ou partenaire pacsé, par la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs. Enfin, depuis la loi du 26 mai 2004 relative au divorce, le droit civil organise également l’éviction de l’auteur des violences conjugales du domicile commun.
En effet, lorsque ces violences, exercées par l’un des époux, mettent en danger son conjoint et/ou un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales peut statuer, en amont de la procédure de divorce, sur la résidence séparée des époux. Une mesure d’éviction peut également être prononcée dans le cadre d’un contrôle judiciaire.
Depuis la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, les personnes reconnues coupables de violences conjugales peuvent également être condamnées à un suivi socio-judiciaire.
En complément, une ordonnance de protection de ces victimes peut également être délivrée en urgence par le juge aux affaires familiales depuis la loi du 9 juillet 2010. Le juge peut alors retirer l’autorité parentale au parent condamné comme auteur ou complice d’un crime sur l’autre parent.
Cette même loi a également prévu, vous l’avez rappelé, madame la ministre, un dispositif de téléprotection, appelé « Téléphone grave danger », généralisé par la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Madame la ministre, mes chers collègues, je partage pleinement l’objectif des auteurs de cette proposition de loi, c’est-à-dire l’amélioration de la lutte contre les violences conjugales. Néanmoins, je regrette que ce texte soulève trop de difficultés juridiques et pratiques pour pouvoir être adopté. Aussi, pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne votera pas en faveur de la proposition de loi.