03 mars 2018
Débat sur la constitutionnalisation de l'IVG
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse dans le droit français a été un combat de longue haleine. Rappelons-nous le courage des femmes du mouvement de désobéissance civile qui, au début des années 1970, ont pratiqué des avortements interdits et punis par la loi.
Rappelons-nous encore le 26 novembre 1974, où le discours prononcé par Simone Veil devant une Assemblée nationale qui ne comptait à l’époque que 9 femmes pour 421 hommes allait marquer l’histoire. Celle qui reposera bientôt au Panthéon avait su nous rappeler, avec force et conviction, une situation à la fois intolérable pour l’État et injuste aux yeux de la plupart.
Rappelons-nous également la promulgation de la loi en 1975, une loi provisoire. Il en faudra une deuxième, adoptée le 31 décembre 1979, pour que l’avortement soit définitivement légalisé. Il faudra aussi la mobilisation de femmes pour que la loi Veil soit vraiment appliquée. Celles-ci ont profondément marqué l’histoire et leur engagement a été vital pour la cause des femmes, même si les livres d’enseignement n’ont pas retenu leurs noms.
Rappelons-nous, surtout, le courage, l’engagement et la conviction qu’il faudra, lors du débat national, en 1982, pour obtenir le remboursement de cet acte. Cette étape ne fut qu’un premier pas sur le chemin du remboursement. Il faudra en effet attendre 2013 pour que l’IVG soit remboursée à 100 % pour toutes les femmes.
Ce long parcours a été jalonné d’étapes fondamentales pour les droits des femmes : l’autorisation de l’IVG médicamenteuse en milieu hospitalier en 1990 et en ville en 2004, la création d’un délit d’entrave à l’IVG avec la loi Neiertz de 1993 puis la loi de 2001, enfin l’autorisation d’avortement pour les mineures sans autorisation parentale.
L’IVG, madame la ministre, est un droit : un droit à disposer de son corps, un droit à disposer de son avenir, un droit enfin pour les femmes ou pour les couples à affirmer librement leur choix, tout en gardant à l’esprit que l’avortement doit rester l’exception, car aucune femme n’y recourt de gaieté de cœur. C’est pourquoi les accusations de facilité ne sont pas tolérables.
Dans beaucoup de pays voisins, l’IVG est encore un chemin de croix. En Allemagne, le simple fait de donner des informations sur l’avortement est passible de poursuites ; en Pologne, le Parlement étudiait en février dernier un texte durcissant le droit au recours à l’avortement.
Nous avons donc la chance, en France, d’avoir une législation ouverte à l’IVG, consacrant le droit de chaque femme à prendre une décision concernant son corps et la vie en son sein. Est-ce pour autant un droit inaliénable ? Faut-il le constitutionnaliser, comme le proposent nos collègues communistes ? C’est un débat, et c’est tout l’enjeu de nos échanges que d’appréhender la portée d’une telle décision.
Mon groupe adhère à l’idée d’une imprescriptibilité du droit à l’IVG. Inscrit dans le marbre, ce droit ne pourrait plus être menacé par des remises en question, et ce serait tant mieux.
Pour autant, son inscription dans la Constitution soulève de vrais questionnements juridiques. Quelle sera la formulation de ce droit ? Comment éviter, par une tournure imprécise ou maladroite, de conditionner ou limiter les droits des femmes ? Par ailleurs, cette inscription constitutionnelle doit-elle concerner le seul droit à l’IVG ou aussi sa gratuité ? Ces questions préliminaires, madame la ministre, méritent également toute notre attention.