04 avril 2018
Proposition de loi visant à proroger l'expérimentation de la tarification sociale de l'eau prévue à l'article 28 de la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013
Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, l'article 1er de la Charte de l'environnement, texte de valeur constitutionnelle, garantit à chacun de vivre dans un environnement sain, « équilibré et respectueux de la santé ».
Ce droit est garanti en premier lieu aux êtres humains. Or, que ce soit en métropole ou, comme l'a rappelé à juste titre M. Karam, en outre-mer, ce n'est pas le cas pour tout le monde.
La situation de l'eau n'est pas bonne – il faut avoir le courage de regarder cette réalité en face. Ayons à l'esprit que, en 2018, selon une enquête récemment publiée par Que choisir, 2,8 millions de personnes en métropole – je n'ai pas de chiffres pour l'outre-mer – boivent une eau contaminée, par pesticides ou nitrates.
Nos engagements et obligations européens et les engagements que nous avons pris en 2015 à l'ONU dans le cadre des objectifs de développement durable pour 2030 – M. le ministre d'État a insisté sur l'objectif n° 6 – doivent nous conduire à être extrêmement proactifs sur ces sujets. Nous ne pouvons ni admettre ni tolérer cette situation !
La loi Brottes a une origine assez ancienne, puisque, si ma mémoire est bonne, elle a été inspirée par une ONG dans laquelle travaillait un professeur de droit que j'ai eu l'honneur d'avoir pour directeur de thèse et qui m'a sensibilisé à ces questions : Bernard Drobenko, qui, par ses travaux sur ce sujet, a préfiguré intellectuellement et juridiquement la loi qui, voilà bientôt cinq ans, a autorisé la mise en place d'expérimentations sur la tarification sociale de l'eau.
L'eau est une ressource rare et vitale – les hommes le savent depuis toujours ; à l'avenir, elle le sera probablement de plus en plus. En la matière, l'augmentation de la population, les problèmes de pollution et les difficultés climatiques n'incitent pas à l'optimisme.
Gilles Bœuf rappelle souvent que 70 % de notre corps, au moins, est constitué d'eau. C'est dire si l'eau nous est essentielle ! L'accès à l'eau doit donc être un droit pour tous, et l'accès à une eau de qualité une ligne d'action de nos services de distribution et de nos politiques. La loi Brottes a eu le mérite de remettre ces questions à l'ordre du jour de nos débats politiques. Je crois que nous pouvons tous nous en réjouir, car il reste beaucoup à faire.
Le Parlement a voulu alerter les pouvoirs publics au sujet de nos concitoyens dont les ressources sont insuffisantes pour leur permettre d'accéder à l'eau. Il existait auparavant une possibilité de recours au fonds de solidarité pour le logement. Même si nombre d'élus locaux l'ont pratiquée, cette aide financière et le mécanisme pour y avoir recours étaient peu connus et mal usités.
L'expérimentation a permis d'envisager d'autres solutions, notamment préventives, sous la forme d'un « chèque eau » ou d'un tarif progressif avec une première tranche de consommation gratuite.
L'expérimentation devait prendre fin en 2018. Il s'agissait peut-être du « prix à payer », si j'ose dire, pour bénéficier de cette première étape. Compte tenu des premiers résultats, nous sommes nombreux à souhaiter une généralisation de ces dispositions sur le territoire national.
Comme les auteurs du texte et Mme la rapporteur l'ont dit, nous manquons de recul pour juger de la pertinence des dispositifs. Les décrets concernant les villes choisies pour l'expérimentation ont tardé à être publiés. Par ailleurs, le rapport du Comité national de l'eau dresse un simple bilan de mi-parcours. Les données sont donc insuffisantes pour prendre une décision. J'espère que les assises de l'eau dont a parlé le ministre d'État permettront de renforcer l'expérimentation en lui donnant un nouvel élan.
Mes chers collègues, prorogeons cette expérimentation pour trois ans ! Le groupe Les Indépendants – République et Territoires n'y verrait que des avantages ! Il faut savoir donner du temps au temps, faire confiance à l'action locale et à l'expérience pratique, afin d'être en mesure de prendre une décision nationale en toute connaissance de cause.
L'examen de ce texte est l'occasion pour notre groupe, tout particulièrement attaché aux territoires, de rappeler l'importance et la fonctionnalité des mécanismes d'expérimentation locale, qui sont prévus par la Constitution, mais que nous n'utilisons peut-être pas assez.
Je profite des quelques instants qui me restent pour souligner l'opportunité qu'offre la création d'une nouvelle association.
Mes chers collègues, vous connaissez tous l'Association nationale des élus du littoral, présidée par notre collègue Jean-François Rapin, ou l'Association nationale des élus de la montagne. Les élus qui s'occupent des questions d'eau au sein des établissements publics territoriaux de bassin, les EPTB, dans les six ou sept bassins versants qui délimitent notre territoire, ont eu l'idée judicieuse, me semble-t-il, de créer une Association nationale des élus des bassins.
Cette association représente un moyen pour les élus de travailler sur ces sujets. Je vous invite à venir rejoindre les responsables de cette association, dont je fais partie d'ailleurs, car nous devons être nombreux pour parler aux pouvoirs publics.
Notre groupe votera évidemment en faveur de la prorogation de l'expérimentation. Celle-ci va dans le bon sens : elle s'inscrit dans les objectifs du millénaire pour le développement, ainsi que dans ceux du programme de développement durable de 2015. Elle permettra de surcroît une transposition rapide et pratique du dispositif dans notre droit. Le droit à l'eau est un droit à la vie, un droit fondamental que la République doit consacrer et assurer à chaque citoyen !