15 mai 2018
Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à prendre en compte la situation des « Américains accidentels » concernés par le Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui est la conséquence de la ratification par la France, le 29 septembre 2014, de l’accord bilatéral France-États-Unis relatif à la loi FATCA, en vue d’améliorer le respect des obligations fiscales à l’échelle internationale.
Cette ratification a créé pour certains de nos compatriotes une injustice que nous n’avions pas anticipée. En effet, seuls deux pays au monde pratiquent une taxation fondée sur la nationalité : les États-Unis et l’Érythrée, petit pays de six millions d’habitants…
D’une part, aux États-Unis, le droit du sol est total : une personne née sur leur territoire est de fait américaine. D’autre part, seuls les États-Unis appliquent à tout Américain un impôt fédéral, quel que soit son lieu de résidence.
Ces deux particularités du système américain ont conduit des Français nés accidentellement aux États-Unis à devenir des contribuables américains sans avoir de liens familiaux dans ce pays, sans y résider et même parfois sans en maîtriser la langue. Nous pouvons nous demander combien de nos compatriotes se trouvent ainsi piégés : des centaines, des milliers, sans doute, mais aucune information précise n’existe à leur sujet.
Le paradoxe est que les États-Unis, eux, peuvent obtenir cette information : il leur suffit d’interroger le système bancaire français. On leur indiquera, sur la seule base du lieu de naissance, combien de ressortissants considérés comme américains vivent sur notre territoire. Je souhaite que la Banque de France soit interrogée et qu’elle puisse nous répondre, comme elle l’a fait aux États-Unis, sur le nombre précis de personnes concernées par cette situation.
En ratifiant la convention relative à la loi FATCA, l’État français a obligé nos banques à déclarer au fisc américain les clients présentant des « indices d’américanité ». C’est très facile : il suffit d’identifier le lieu de naissance ! Les banques craignent, si elles ne se mettent pas en conformité avec le droit américain, de se voir infliger des amendes considérables. Le syndrome de la BNP, qui a été pénalisée à hauteur de 9 milliards de dollars, a laissé une trace indélébile, qui explique la frilosité de nos établissements bancaires.
La nécessité apparaît clairement de reprendre les négociations par la voie diplomatique pour corriger les accords de 2014, en prenant en considération ce qui a probablement échappé aux rédacteurs de l’époque. Il me semble qu’il n’y a que deux solutions.
La première consiste à laisser à nos ressortissants la possibilité de renoncer à la citoyenneté américaine par une procédure simple et gratuite. Aujourd’hui, ils doivent se plier à une démarche lourde et souvent menaçante – quand ils sont reçus, on leur explique combien il sera dangereux pour eux de renoncer à la nationalité américaine. De plus, ils devront s’acquitter, pour cette procédure, de frais de dossiers, qui s’élèvent aujourd’hui à 2 400 dollars dans le meilleur des cas.
La seconde solution consisterait tout simplement à ce qu’ils soient exonérés d’obligations fiscales américaines. Cette action diplomatique doit être menée à l’échelon français, c’est vrai, mais également au niveau européen, avec l’ensemble de nos partenaires qui sont dans notre situation.
Monsieur le secrétaire d’État, ce qui nous interroge aujourd’hui, c’est la position des autres pays : ont-ils ratifié la convention FATCA dans les mêmes termes que nous ? Les Pays-Bas ont réagi pour défendre les « Américains accidentels » hollandais. Qu’en est-il des autres États européens ? Comment réagissent les établissements bancaires des autres pays ? Pouvez-vous nous éclairer sur ces sujets ?
La première conséquence de cet abus du droit américain est la crainte des institutions financières françaises. Celles-ci redoutent de ne pas respecter à la lettre des engagements de la France vis-à-vis des États-Unis relatifs à la communication de leurs données clientèle. Elles craignent de devoir supporter de lourdes sanctions, de voir leur réputation entachée, voire d’être bloquées dans leur activité aux États-Unis.
Sans pour autant approuver cette position, on peut comprendre dans ces conditions, mes chers collègues, que certaines banques préfèrent fermer ou refuser l’ouverture des comptes des « Américains accidentels », plutôt que d’avoir à assumer des risques liés à une ratification dont elles ne sont pas à l’origine.
Notre rôle, celui du politique, des parlementaires, du Gouvernement, est de briser cet engrenage qui contraint nos banques et pèse sur nos concitoyens.
Bien des interrogations restent en suspens, notamment quant au nombre de personnes concernées – je l’ai dit –, aux contraintes qui pèsent sur les banques françaises – jusqu’où doivent-elles aller ? –, à la situation des autres ressortissants européens nés aux États-Unis, à la réaction des autres États à travers le monde, au comportement des établissements bancaires dans d’autres pays, aux conséquences imposées par les États-Unis en cas de retrait de nationalité, aux conditions de la réciprocité, aux effets induits pour les membres de la famille de ces Américains dits « accidentels », puisque certains peuvent être inquiétés, aux héritages, aux contrôles, à la suspicion, etc.
Toutes ces questions mériteraient un travail approfondi, qui serait bien mené s’il était confié à une mission sénatoriale, afin d’identifier des solutions politiques structurelles et durables à la problématique de l’application du droit fiscal américain sur notre territoire, sujet beaucoup plus global qu’il serait bon de traiter au fond et dans le détail.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires est prêt à contribuer à cette réflexion d’intérêt national et votera toute avancée sur ce sujet.