05 mars 2019
Proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Madame la Présidente,
Monsieur le Ministre,
Madame la Présidente de la commission,
Madame la rapporteure,
Mes chers Collègues,
Cette proposition de loi de Bruno Gilles nous permet d'évoquer un sujet important pour nos concitoyens, d'autant qu'il est souvent leur premier poste de dépenses, celui du logement et, plus particulièrement, du droit à un logement décent.
Même si la loi ÉLAN prévoit des mesures pour renforcer la lutte contre l'habitat indigne, beaucoup reste à faire concrètement sur le terrain, et l'actualité récente nous l'a rappelé à plusieurs reprises.
Au travers de cette question du logement, de nombreuses problématiques se font jour : enjeux économiques, territoriaux, sanitaires, sociétaux.
Selon un récent rapport de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail, le mal-logement coûte aux pays de l'Union européenne près de 194 milliards d'euros par an, en coûts directs et indirects.
Si on compare cette somme aux 295 milliards d'euros d'investissements nécessaires pour la remise à niveau du parc immobilier en Europe, on constate que la rentabilité d'un tel investissement serait rapide pour l'État, pour ses entreprises et pour les Français.
En France, les chiffres parlent d'eux-mêmes ; si le taux de logement insalubre est, à Marseille, supérieur à la moyenne, avec environ 40 000 logements, soit 35 % du parc, le chiffre reste élevé dans beaucoup de régions de France, avec, par exemple, 10 % dans le nord de la France. C'est toujours trop.
La Fondation Abbé Pierre évalue à 3,8 millions le nombre de personnes mal logées, mais elle estime en outre que 12 millions de personnes sont susceptibles de basculer dans cette catégorie, au vu de la cherté des loyers et des charges.
Au total, plus de 15 millions de personnes seraient touchées par la crise du logement, soit près d'un Français sur quatre, principalement dans les grandes villes et les centres-villes.
Face à ce constat, il est primordial d'agir à la fois sur le volet répressif – c'est l'objet de la présente proposition de loi –, mais également sur le volet préventif, non traité dans ce texte.
En effet, pour agir efficacement, la prévention est essentielle. Les logements insalubres doivent être mieux identifiés. Pour cela, le travail de repérage sur le terrain, fondé principalement sur des signalements d'occupants ou de propriétaires, est primordial. Suite à ceux-ci, les services de l’État et des communes peuvent réagir et décider si des travaux permettent de remédier à la situation d’insalubrité constatée.
Les moyens octroyés aux Agences régionales de santé, les bras armés de l’Etat pour constater les logements insalubres, doivent, en ce sens, être renforcés. En réduire les moyens, reviendrait à vouloir lutter contre la délinquance en supprimant des effectifs dans la police.
Et même si le nombre de logements indignes a diminué, passant de 600.000 à 400.000 durant les dix dernières années, il est maintenant nécessaire de réduire le délai entre le temps du signalement et le temps de l’intervention pour éviter d’autres drames comme celui de Marseille.
Il convient également de se préoccuper de l’insalubrité des logements dans les zones périurbaines constituées essentiellement de propriétaires occupants.
Pour cela, il faut notamment plus et mieux communiquer sur les aides à la rénovation disponibles.
Le grand débat nous permet de constater à chaque réunion que l'éloignement de la chose publique entraîne une méconnaissance forte des institutions et du modèle social français, mais aussi une ignorance des opportunités que représentent les dispositifs mis en place par l'Etat ou les collectivités.
Cela est notamment vrai pour les aides aux travaux d'isolation et de rénovation, d'autant que le rapport coût/avantages est aussi compliqué à appréhender pour les ménages.
Ainsi, selon le Baromètre habitat sain 2018, les deux tiers du parc ont été construits avant l’entrée en vigueur des premières réglementations thermiques (1979) et seulement 10 % possèdent une étiquette énergétique A ou B. Parallèlement, seul 1 à 2 % de ce parc est rénové chaque année.
Pour lutter efficacement contre l’habitat insalubre, il faut éviter d’être dans la réaction face à des situations dramatiques mais bien dans de l’anticipation et de la prévention constructives.
Concernant le volet répressif, certaines mesures de la proposition de loi vont dans le bon sens. Il convient de renforcer les capacités de contrôle et d’intervention des collectivités locales, d’accélérer les procédures et, surtout, de les simplifier. Sous l’égide de grands principes ou de politiques nationales et avec l’appui d’administrations et d’agences, c’est bien aux collectivités qu’il revient de piloter ces volets de l’action publique territoriale.
J’espère d’ailleurs que la mission confiée au député Guillaume Vuilletet contribuera à simplifier et harmoniser le dispositif législatif et réglementaire actuel, pour le rendre plus efficace et simplifier la vie des collectivités locales, mais aussi pour une meilleure appréhension par les habitants des opportunités des politiques publiques en la matière.
La proximité est une donnée essentielle sur le sujet du logement, qui pourra être incarnée par les collectivités territoriales.
Mais ce renforcement des sanctions est pertinent s’il est accompagné de contrôles plus importants et de moyens humains et financiers appropriés et l’Etat ne pourra pas se défausser sur les territoires : le nouveau cadre devra prévoir la répartition des moyens humains et financiers appropriés.
Le groupe Les Indépendants soutient la motion de renvoi en commission de la proposition de loi telle que demandée par la rapporteure pour en permettre un examen plus approfondi et étoffer les mesures initialement proposées.
L’existence de logements insalubres en France est un fléau qu’il faut combattre de façon déterminée au moyen d’une politique publique volontariste en mettant l’accent sur ces volets à la fois répressif et préventif.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Charles Revet applaudit également.)