21 décembre 2018
Projet de loi portant mesures d'urgence économiques et sociales
Monsieur le président,
Mesdames les ministres,
Mes chers collègues,
Nous examinons ce projet de loi dans un contexte préoccupant, qui a vu depuis plusieurs semaines la violence prendre le pas sur le débat démocratique, qui a vu certains irresponsables extrémistes appeler à la disparition de nos institutions républicaines, et qui a vu monter une colère populaire couvant depuis plus de trente ans, face à laquelle le gouvernement actuel a sa part de responsabilité, par son manque de dialogue et son obstination difficilement compréhensibles.
Votre gouvernement doit reprendre la main pour que notre pays sorte de cette crise par le haut en s’appuyant sur les corps intermédiaires. Comme l’a rappelé Claude Malhuret, c’est au Parlement que l’on fait la loi, et non sur les ronds-points.
Le Sénat, qui a un rôle majeur dans ce pays, a été force de proposition tout au long de la crise, notamment lors de l’examen du projet de loi de finances. Un grand nombre de ses préconisations ont été retenues – un peu tard, il faut le dire – par le Gouvernement.
Je veux notamment parler du gel de la hausse de la fiscalité énergétique. Quelles sont les causes de la colère ? Quel est le déclencheur ? C’est une vision de l’écologie trop punitive, trop peu adaptée aux territoires, trop décalée par rapport à la réalité de ce que vivent nos concitoyens.
La voiture n’est pas un ennemi : c’est le gagne-pain de millions de nos concitoyens. Pourquoi prendre les automobilistes pour des vaches à lait ? Je pense au contrôle technique, à la hausse du prix des carburants, ou encore aux 80 kilomètres à l’heure, dont le Président de la République aurait dit récemment que c’était « une connerie » ! (Murmures amusés.) Pourquoi les maintenir, d’autant que les résultats sont loin d’être probants ? Nous devons proposer aux Français des solutions alternatives crédibles et des mobilités plus adaptées. Nous devons également développer des filières industrielles d’avenir. La transition écologique ne doit pas se résumer au « toujours plus d’impôts, toujours plus de normes, toujours plus de sanctions » pour renflouer, en partie – c’est bel et bien ce dont il s’agit –, les caisses de l’État.
Pour éteindre l’incendie, il fallait revenir sur ces hausses indiscriminées ; le Gouvernement reprend certaines propositions émanant du Sénat – il faut le dire –, et c’est une bonne chose. Mais il fallait aller plus loin, car le malaise d’une partie de nos concitoyens est plus profond : malaise des classes populaires, dont le pouvoir d’achat s’érode depuis dix ans ; malaise d’un travail parfois difficile et pénible, qui ne rapporte pas assez pour permettre de vivre dignement ; malaise, enfin, d’une partie de la population, qui ne se sent plus écoutée par ceux qui dirigent.
C’est au Gouvernement de proposer des solutions concrètes, face aux revendications légitimes qui se sont exprimées ces dernières semaines, tout en étant attentif, naturellement, aux propositions du Parlement.
C’est l’objet de ce projet de loi, d’une importance capitale pour répondre à l’urgence de la situation ; et l’urgence, c’est d’abord de mieux rémunérer le travail.
Ce thème est au cœur du présent texte, avec l’exonération d’une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat et l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires et complémentaires. Avec la revalorisation de la prime d’activité, que nous avons votée au titre du projet de loi de finances, ces mesures pourraient permettre, selon l’INSEE, une hausse de pouvoir d’achat de plus de 2 % au début de 2019. Ce n’est pas l’idéal, mais c’est une première avancée pour nos concitoyens, et elle mérite d’être notée.
L’urgence est également de faire un geste pour les retraités les plus modestes, qui ont été trop taxés par le Gouvernement. Ce projet de loi annule l’augmentation de la CSG subie en 2018 par les retraités dont la pension mensuelle nette était comprise entre 1 400 euros et 2 000 euros. C’est une décision de bon sens.
Toutes ces mesures arrivent un peu tard ; il aurait été plus simple de réagir plus tôt et d’éviter ainsi ces manifestations.
Le Président de la République et le Gouvernement doivent maintenant changer de cap et écouter en priorité les parlementaires, les élus locaux, les corps intermédiaires et, surtout, les citoyens. À défaut, vous ouvrirez la porte aux extrêmes, avec des conséquences catastrophiques. Prenez garde, le risque est grand ! En démocratie, le pouvoir ne peut ignorer les forces vives de la Nation.
Nous voterons ce projet de loi, car c’est un premier progrès attendu par nos concitoyens, mais, mesdames les ministres, tout reste à faire.
La question est maintenant de savoir si vous parviendrez à aller plus loin que ces mesures de crise pour sortir, enfin, la France de l’ornière. Nous partageons la même préoccupation : ne perdons plus de temps !
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