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Alain MARC : Débat - Le suivi des ordonnances

01 février 2022


Débat sur le suivi des ordonnances

 

Le constat est unanime : le nombre d’ordonnances publiées ne cesse d’augmenter et cette tendance se poursuit, même si la bataille des chiffres ne fait pas rage. Au Sénat, il n’y a aucune bataille qui fasse rage, mais nous voulons en discuter.


Entre 2012 et 2018, il est un fait avéré, leur nombre dépasse celui des lois adoptées selon la procédure ordinaire et cette progression s’est accentuée depuis le début de la crise sanitaire.


Ainsi, au cours de la session parlementaire 2019-2020, ce sont 100 ordonnances qui ont été publiées, contre 59 durant la session précédente, et leur part au sein des textes relevant de la loi s’élève à 70% !

Nous avons le désagréable sentiment que la loi n’est plus considérée comme le processus normal de législation et, par là-même, que l’exécutif dépossède les parlementaires de leur pouvoir législatif.


Quelques exemples ont été donnés par notre Collègue Pascale Gruny, par exemple sur la haute fonction publique.


Un tel recours abusif aux ordonnances ne reflète pas l’esprit initial de la Constitution de 1958 : d’exceptionnel, ce phénomène est désormais devenu habituel !


En outre, la ratification de la grande majorité des ordonnances s’effectue dans des conditions qui ne donnent pas la possibilité aux assemblées parlementaires d’examiner les mesures qu’elles instaurent : les projets de loi de ratification des ordonnances sont déposés par l’exécutif afin qu’ils ne soient pas caducs, mais leur discussion n’est pas inscrite à l’ordre du jour.


Cela est source d’inquiétudes bien légitimes… par ailleurs accentuées par la jurisprudence récente du Conseil Constitutionnel. En effet, dans une décision en date du 28 mai 2020, le Conseil Constitutionnel a considéré que si le projet de loi de ratification avait été déposé dans les délais, l’ordonnance non ratifiée acquérait une valeur législative de façon rétroactive, dès la fin du délai d’habilitation.


Monsieur le Ministre,

L’inscription à l’ordre du jour des projets de loi de ratification des ordonnances revêt une importance cruciale pour la démocratie parlementaire.

Envisagez-vous d’y apporter une vigilance accrue ?


Réponse de Marc FESNEAU – Ministre déléguée chargé des Relations avec le Parlement et de la Participation Citoyenne


Monsieur le Sénateur Alain Marc,

Vous m'interrogez sur le taux de ratification des ordonnances et puis sur les décisions du Conseil Constitutionnel.


D'abord, vous m'avez interrogé sur le nombre d'ordonnances en particulier faisant référence à la session 2019-2020, reconnaissant que dans la session 2019-2020, nous avons tous le premier semestre 2020, je ne suis pas sûr que, pardon de vous le dire ainsi, que ce soit la meilleure comparaison que nous ayons quand on sait à quel point, dans le printemps 2020, avec le soutien et le concours du Sénat d'ailleurs, souvent, nous avons dû recourir à des ordonnances parce que là, nous étions face à un impondérable que vous connaissez toutes et tous.


Deuxièmement, vous avez fait état de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel. En effet, si, dans sa décision sur la QPC du 28 mai 2020, dite Force 5, le Conseil Constitutionnel a semblé assimiler une ordonnance non ratifiée à une disposition législative dès lors que le délai d'habilitation était échu, il l'a fait uniquement au sens et pour l'application de l'article 61-1 de la Constitution, c'est-à-dire pour déclarer cette QPC recevable devant lui.


Le juge constitutionnel a d'ailleurs eu l'occasion de préciser cela dans une décision du 3 juillet 2020. Il a également rappelé qu'une ordonnance qui n'est pas explicitement ratifiée devant le Parlement demeure un acte réglementaire susceptible de recours devant le juge administratif. Cela peut être le cas notamment lorsque le pouvoir exécutif outrepasse les limites de l'habilitation.


En aucun cas les prérogatives du Parlement ne sont donc atteintes par cette jurisprudence, dont le Conseil d'État considère qu'elle ne modifie en rien son rôle de garant de la conformité de l'ordonnance à la loi de d'habilitation. Elle permet simplement de transférer au Conseil Constitutionnel l'intégralité du contrôle de la conformité des lois et des ordonnances aux droits et libertés fondamentales.


Cela apporte de la lisibilité à notre État de droit et garantit au fond une meilleure protection des libertés de nos concitoyens.


Dès lors, le Gouvernement n'a pas considéré que ces décisions devaient avoir un impact sur sa pratique de ratification.


J'ai rappelé les éléments de réflexion qui devaient être les nôtres sur les ratifications.


Partant du constat que s'il fallait ratifier l'ensemble des ordonnances, nous aurions un sujet "d'ordonnancement de l'ordre du jour" qui serait assez difficile devant nous, mais qu'en revanche, nous devions faire un travail avec le Sénat et avec l'Assemblée sur certaines ratifications d'ordonnances.




Interventions au Sénat

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