8 octobre 2024
Débat sur la nécessité de former davantage de médecins et soignants
Question de Corinne Bourcier, Sénatrice de Maine-et-Loire :
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers Collègues,
Dans beaucoup de territoires, il suffit d'essayer de prendre rendez-vous avec un médecin généraliste, un spécialiste ou d'aller aux urgences pour rapidement parvenir à un constat évident : notre pays manque de médecins. Je m'en excuse tout de suite auprès des soignants, mon intervention traitera davantage des médecins que des soignants au sens large, car je pense que la nécessité de former davantage de médecins soulève déjà beaucoup de questions en soi. Et même si le sujet de l'accès aux soins nécessite en pratique de traiter la coopération entre tous les professionnels de santé.
En 2024, le nombre de médecins, y compris remplaçants et retraités actifs, est d'environ 237 000, contre 215 000 il y a à peine 15 ans. C'est donc 22 000 de plus. Et cette augmentation est tout aussi encourageante que frustrante. Comment peut-on ne pas réussir à faire mieux avec plus ? Tout d'abord, il est évident que les nouveaux médecins travaillent différemment des générations précédentes. Beaucoup d'entre eux, et c'est bien légitime, recherchent un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle, et ne souhaitent plus travailler 12 h par jour, six jours sur sept, voire sept.
Par ailleurs, plusieurs facteurs concourent à ce que les besoins de la population en termes de soins augmentent : le vieillissement de la population, l'augmentation de la dépendance, l'explosion des maladies chroniques ou encore la dégradation de la santé mentale. C'est donc une nécessité que de continuer à former davantage de médecins, et plus largement, de soignants. Mais il est tout aussi nécessaire d'optimiser le temps médical que représentent ces effectifs supplémentaires.
Les difficultés sont connues depuis longtemps. Évidemment, je ne peux commencer sans mentionner la surcharge administrative. Un accident de travail, par exemple, implique la rédaction d'un certificat médical initial, éventuellement d'un arrêt de travail, d'une ordonnance, d'une feuille de soins, etc. Autant de documents sur lesquels il faut à chaque fois remettre des informations identiques. Il y a aussi les nombreux certificats médicaux inutiles. Diminuer cette surcharge administrative serait du temps médical supplémentaire pour les médecins et davantage de consultations pour les patients qui en ont besoin.
L'informatique représente aussi une perte de temps ahurissante. Comment est-ce possible que dans certains, je dis bien certains hôpitaux, en 2024, il n'y ait pas de logiciel unique ? Un médecin doit se connecter sur le logiciel des scanners, puis avec un mot de passe différent sur celui de biologie, et ainsi de suite, en fonction des examens nécessaires. Un urgentiste me disait récemment : "5 min avec un patient, c'est 15 min d'informatique."
Il y a aussi le sujet de la répartition des médecins sur le territoire et parmi les différentes spécialités. La psychiatrie, et notamment la pédopsychiatrie, sont en grande souffrance. J'en profite d'ailleurs pour saluer le choix du Premier ministre de faire de la santé mentale la grande cause nationale de 2025. Il y a quelques mois, ici, au Sénat, nous adoptions une résolution similaire en faveur de la santé mentale des jeunes. La médecine générale et beaucoup d'autres spécialités sont aussi en difficulté. On manque d'urgentistes, de rhumatologues, de chirurgiens pédiatriques, de gastroentérologues, etc. Cela pose la question du nombre de places et de celle de la possibilité de redoublement des étudiants en vue d'avoir certaines spécialités au détriment d'autres. Redoublement qui a été particulièrement fort cette année.
Optimiser le temps médical, cela relève aussi de la responsabilité des patients. C'est tout bonnement inacceptable qu'un patient se rende aux urgences parce qu'il a le nez qui coule, qu'il bénéficie d'un examen et d'un traitement qui doit durer quatre jours, et qu'il retourne aux urgences le lendemain pour exactement le même symptôme. Heureusement, cela ne représente pas la majorité des patients, mais c'est une réalité dont tous les médecins vous parleront. Responsabiliser, ça ne veut pas dire pénaliser les plus démunis. Ça veut dire sanctionner les abus, et c'est une nécessité.
Tous ces problèmes, madame la Ministre, sont connus et beaucoup de solutions le sont elles aussi : revoir les études et le choix des spécialités, augmenter les capacités d'accueil des facultés et des lieux de stage, investir dans des systèmes informatiques adaptés, automatiser l'usage du dossier médical partagé, alléger et simplifier la charge administrative.
Madame la Ministre, ma question est plutôt simple.
À l'heure où la situation budgétaire nous oblige à des choix particulièrement contraints, parmi toutes les solutions possibles, laquelle vous semble prioritaire afin d'optimiser le temps des médecins ?
Je vous remercie.
Réponse de Geneviève Darrieussecq, Ministre de la Santé et de l’Accès aux soins :
Merci, Monsieur le Président.
Madame la Sénatrice,
Mesdames les Sénatrices,
Messieurs les Sénateurs,
Vous posez une question importante. Effectivement, comment faire en sorte que les médecins fassent de la médecine, soignent les personnes, fassent des diagnostics, des examens cliniques, pour très simplement soigner leurs patients ? Bien entendu, vous le savez, les assistants médicaux ont été et sont une des solutions qui ont été mises en œuvre. Solution qui a été mise en oeuvre déjà depuis deux ans, je crois. En septembre 2024, nous étions à 6700 assistants médicaux recrutés. Ce qui est quand même quelque chose de tout à fait significatif.
C'est vrai que c'est un nouveau métier qui se déploie - pardon depuis fin 2019. Et grâce à un assistant médical, le médecin généraliste peut augmenter le nombre de patients pris en charge de 10% à peu près du même nombre d'heures travaillées. Et c'est plus de 500 000 patients qui ont déjà trouvé un médecin traitant grâce à ce dispositif. Donc c'est une amélioration. Mais il n'y aura pas qu'un seul axe. Bien sûr, la présence dans des cabinets médicaux ou des maisons de santé d'infirmières en pratique avancée dans certains domaines peut aussi soulager les médecins et décharger les médecins de certains actes, voire de certains temps passés à la prévention, qui est un sujet majeur pour les médecins et pour notre santé publique.
Et c'est véritablement ça aussi, ce sont des améliorations, enfin, de la libération du temps médical pur. Et je crois que nous avons aussi les simplifications administratives, vous l'avez dit, des certificats médicaux inutiles, faciliter les facturations à l'assurance maladie, bien sûr, pour les médecins libéraux. Et bien sûr, vous l'avez dit, s'appuyer sur les outils informatiques. La difficulté des outils informatiques, je l'ai connue, c'est que chacun a son outil, qui ne sont pas toujours compatibles avec les outils des hôpitaux ou avec les outils des laboratoires. Ce qui peut créer une véritable difficulté.
Donc cette transformation numérique, elle doit se faire avec tous les acteurs, afin de fluidifier, faciliter tout cela, bien sûr, au bénéfice des patients.
Réplique de Corinne Bourcier :
Merci, Madame la Ministre.
En effet, il y a des choix importants à faire qui n'apporteront pas forcément des réponses immédiates. Les assistants médicaux, comme les orthoptistes ou autres, sont extrêmement importants et apportent des solutions aux patients. Il faut agir vite et bien pour que nos concitoyens, effectivement, puissent être soignés comme il le faut.
Et il faut bien sûr s'interroger, comme je l'ai dit tout à l'heure, sur les études de médecine, parce que beaucoup d'étudiants aujourd'hui souhaiteraient faire ces beaux métiers, mais ne peuvent pas, effectivement, faire ce parcours. Et certains partent à l'étranger.
Voilà. Merci.