26 juin 2018
Explications de vote sur le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Monsieur le président,
Madame la ministre,
Monsieur le rapporteur de la commission des lois,
Mes chers collègues,
La question migratoire, sujet sensible pour les Français s’il en est, est devenue un enjeu de souveraineté nationale et de cohésion sociale.
Illustration de cette importance, nos débats ont été passionnés, parfois difficiles, mais à la hauteur d’un enjeu fort pour nos concitoyens.
Un enjeu fort, car nos concitoyens constatent que le phénomène n’est toujours pas enrayé. Alors que les demandes d’asile refluent partout en Europe, elles augmentent en France.
Comme l’a affirmé le Président de la République dimanche dernier, la France est le deuxième pays d’accueil en Europe pour cette année. Quelques chiffres : notre pays a délivré 262 000 titres de séjour en 2017 ; plus de 300 000 étrangers en situation irrégulière sont inscrits à l’aide médicale de l’État. Quant au nombre de demandeurs d’asile, il a lui aussi franchi un record, avec plus de 100 000 demandes déposées l’an dernier. Enfin, selon la Cour des comptes, 96 % des déboutés du droit d’asile restent dans notre pays.
À la lecture de ces chiffres, vous comprenez, madame la ministre, mes chers collègues, que la situation est intenable. Elle est d’autant plus tendue que nos procédures de traitement et les dispositifs d’hébergement sont d’ores et déjà saturés, particulièrement en Île-de-France et dans le Pas-de-Calais, où se constituent des campements illégaux, au détriment de tous, surtout des riverains et des pouvoirs publics.
Quant à la question de l’intégration des étrangers dans notre pays, leur insertion linguistique, économique et sociale est particulièrement insuffisante en comparaison de belles réussites chez nos partenaires, notamment chez nos voisins allemands.
Ce projet de loi ne peut laisser insensible, puisqu’il tente d’apporter une réponse à un défi immense et complexe.
Aussi, nul ne peut prétendre détenir la vérité absolue, nul ne peut prétendre au « monopole du cœur », quelles que soient les responsabilités et les sensibilités politiques de chacun d’entre nous.
En effet, mes chers collègues, on peut constater une continuité politique assez nette sur le sujet de l’immigration entre tous les gouvernements depuis plus de vingt ans.
Cette continuité est celle de la recherche d’un équilibre entre l’immigration, l’intégration et le droit d’asile.
C’est aussi celle d’une cohérence de ces trois enjeux majeurs, qui sont encore une fois abordés ici dans un seul et même texte.
Le gouvernement actuel est resté dans la droite ligne de la tradition française, l’esprit de ce texte était donc le bon. Néanmoins, il pouvait être amélioré, en faisant preuve d’un pragmatisme qui a guidé la commission des lois de notre assemblée.
En effet, si notre commission est allée assez loin sur certains sujets, elle a également fait œuvre d’amélioration et de réalisme sur d’autres. Nos débats et les ajustements apportés en séance ont permis de prendre en compte les préoccupations de certains de nos collègues et des ajouts du Gouvernement.
Un certain nombre de dispositions ont ainsi été apportées. Elles vous aideront à donner des réponses cohérentes à des difficultés techniques.
C’est pourquoi nous appelons de nos vœux la construction d’une réponse globale et stratégique à ces défis qui ne feront que s’accroître et s’intensifier.
Pour apporter une réponse globale à cette question, il faut deux choses : de la volonté politique et des moyens financiers.
De la volonté, il vous en faudra, madame la ministre, pour contrôler l’application de cette loi et faire enfin respecter l’intégralité des dispositions de notre droit. Il faudra d’ailleurs plus que des mesures techniques pour régler la question, nous devrons avoir une grande stratégie.
Dans un contexte différent certes, mais confronté à la même urgence, le général de Gaulle appelait en mars 1945 à un grand plan national « afin d’introduire au cours des prochaines années, avec méthode et intelligence, des éléments d’immigration dans la collectivité française ». Inspirons-nous de cette démarche, madame la ministre, afin de proposer une vision politique du problème.
En ce qui concerne le financement, le compte n’y est pas, tant s’en faut.
Nous aurons beau adopter les textes les plus complets du monde, tant que nos forces de l’ordre, nos magistrats, nos interprètes, bref tant que tous nos fonctionnaires de l’asile continueront à œuvrer dans des conditions déplorables, nous ne réglerons rien.
À titre d’exemple, la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, avec plus de 53 000 demandes d’entrée en 2017, a connu une progression du nombre de dossiers de 34 % par rapport à 2016. Plus d’un tiers d’augmentation ! Ces chiffres sont impressionnants et nous devrons nous en souvenir lors des discussions sur le budget pour 2019.
Enfin, c’est bien au niveau européen que doit être portée cette question. Nous espérons que les chefs d’État et de gouvernement réunis en Conseil européen cette semaine parviendront à un accord équilibré sur la réforme du régime d’asile européen.
Le sommet de dimanche dernier n’est malheureusement pas de bon augure : l’Europe apparaît divisée et prisonnière des agendas politiques des uns et des autres.
La France devra défendre une approche conforme à sa tradition de responsabilité et d’humanisme. Elle devra s’efforcer d’obtenir un consensus sur ce sujet qui divise l’Europe. Elle devra redonner corps à la promesse européenne de sécurité, de prospérité et de responsabilité.
Si nous échouons, en Europe, si vous échouez, madame la ministre, tous nos débats n’auront servi à rien. Cet énième texte sur l’immigration, malgré votre bonne volonté, restera une coquille vide. Madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants accueille donc favorablement ce projet de loi modifié par le Sénat, en espérant qu’il apportera une réponse aux problèmes actuels.
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