03 mars 2020
Projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique
Monsieur le Président,
Madame et Monsieur les Ministres,
Monsieur le Président de la Commission spéciale,
Madame la Rapporteure,
Mes Chers Collègues,
Alexis de Tocqueville écrivait en 1856 que les Français sont plus doués pour faire la Révolution que les réformes. Ces propos n’ont rien perdu de leur pertinence. Et puisque nous ne pouvons pas faire la révolution tous les 4 matins, nous devons donc composer avec cette prédisposition nationale.
Cela vaut tout particulièrement pour notre administration, dont l’abondance et la complexité font notre réputation au-delà même de nos frontières. La tentation est grande de faire table rase du passé et repartir de zéro… mais elle est illusoire.
Nous devons travailler sur l’existant pour améliorer l’action publique, en gardant à l’esprit ses deux raisons d’être : assurer la permanence de l’organisation sociale et servir l’intérêt général.
Mais je crois que nous devons surtout nous efforcer, avec la plus grande exigence et la plus grande détermination, de toujours simplifier le fonctionnement de notre administration. C’est notre devoir vis-à-vis de nos concitoyens. Mais aussi vis-à-vis des étrangers, qui aiment notre pays pour la richesse de sa culture et de ses paysages plutôt que pour la complexité de ses règles et de ses formulaires.
Ce projet de loi visant à accélérer et simplifier l’action publique va donc dans le bon sens. Mais il est à la révolution ce que le Canada Dry est à l’alcool : ça y ressemble, mais ce n’en est pas.
Le titre 1er du projet de loi opère un toilettage utile pour de nombreuses instances nationales consultatives. Ces mesures sont pour la plupart bienvenues : la France est ralentie par la profusion des comités parisiens qui décident pour le pays tout entier.
Je pense notamment à l’article 8 que nous avons voté en Commission spéciale et qui vise à rapprocher le comité de suivi du droit au logement opposable et le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées
Idem pour le deuxième titre. Transférer des compétences des ministères aux préfets améliorera l’action de l’État. Il s’agit de confier plus de responsabilités aux acteurs de terrain et de faire le pari que l’action publique est plus efficace lorsqu’elle menée par ceux qui sont aux prises avec les spécificités locales.
Nous avons besoin d’une action publique plus décentralisée et plus déconcentrée, qui puisse s’exercer au plus près des territoires et des citoyens. Ce sont nos forces vives que nous étouffons en suspendant les destins aux décisions, parfois absconses, souvent obscures, de l’administration française.
Le titre 3 du projet de loi contient également de nombreuses mesures attendues par nos entrepreneurs. Elles relèvent du bon sens et parviennent à articuler efficacité économique et précaution environnementale.
Certaines mesures ne vont cependant pas assez loin. Je pense notamment à l’article 26, qui permet aux entrepreneurs d'anticiper le début de certains travaux de construction sans attendre la délivrance de l'autorisation environnementale, aux frais et risques du demandeur.
Le dispositif n’est pas assez sécurisant, et à la vérité, il ne change pas grand-chose : on permet à l’entrepreneur de commencer les travaux mais on ne le protège contre aucun risque et il reste, finalement, à la merci de l’administration. C’est un peu comme si nous leur disions : « prêtez-moi votre montre et je vous dirai l’heure. »
Plus fondamentalement, je crois que ce texte apportera des aménagements utiles pour nombre de concitoyens. Mais il échouera à placer l’administration au service des citoyens, et ceux-ci resteront dans la dépendance de celle-là.
L’une des façons d’engager une vraie révolution en la matière serait de redonner force au principe de « silence gardé par l’administration vaut acceptation ». Ce serait mettre enfin et pour de bon l’administration au service des citoyens.
J’ai proposé, avec l’ensemble de mon Groupe, deux amendements qui vont dans ce sens. Ils visent à mettre fin au régime d’exception qui prévaut en la matière. Aujourd’hui, il y a moins de procédures qui sont concernées par ce principe que l’inverse : en clair, c’est l’exception qui est devenue la norme.
D’autres problèmes figurent dans le projet de loi. Ainsi de l’article 34, qui risquait de mettre les officines à la merci des grandes plateformes, ou l’article 45, qui mettait en danger la liberté contractuelle des avocats, sous le mauvais prétexte d’une surtransposition de normes européennes.
Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, vous le savez, « sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ». Ce texte va donc dans le bon sens, et, malgré ces quelques doléances, notre Groupe le soutiendra.
Seul le prononcé fait foi
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