25 octobre 2017
Débat "Participation dans l'entreprise, outil de croissance et perspective" (ORDRE DU JOUR RÉSERVÉ À NOTRE GROUPE)
Jean-Pierre DECOOL - Introduction au débat
Monsieur le président,
Monsieur le secrétaire d’État,
Mesdames, messieurs les sénateurs,
Je souhaite tout d’abord saluer l’initiative prise par le président Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants, d’aborder le sujet de la participation.
Ce sujet correspond parfaitement aux valeurs que nous défendons. Avec mon collègue Dany Wattebled, je vous présenterai une première approche de ce dispositif ancien, aujourd’hui remis au goût du jour.
Lors de son intervention télévisée du 15 octobre 2017, le Président de la République a souhaité remettre sur la table des négociations la question de l’intéressement et de la participation des employés aux entreprises françaises. À ce titre, le Président a évoqué une « belle invention gaulliste ».
Ce thème, porté par des gouvernements successifs, est entré partiellement dans notre droit, y compris dans le code du travail. Toutefois, si la participation financière est bien une réalité, à travers les multiples dispositifs d’épargne salariale, il en va différemment de l’autre participation, celle, plus diffuse, plus sociale que Charles de Gaulle évoquait dans son discours devant les mineurs de Saint-Étienne en 1948 : « Dans un même groupe d’entreprises, tous ceux qui en font partie, les chefs, les cadres, les ouvriers fixeraient ensemble entre égaux, avec arbitrage organisé, les conditions de leur travail. »
L’ordonnance du 17 août 1967 sur la participation des salariés aux fruits de l’expansion des entreprises n’est qu’un succédané de la pensée gaulliste. C’est une simple étape vers un ordre social nouveau, marqué, lui, par la triple répartition aux bénéfices, au capital et aux responsabilités.
En 2015, 8 millions de salariés ont eu accès à au moins un dispositif de participation, d’intéressement ou d’épargne salariale.
En effet, la participation est obligatoire pour les entreprises réalisant un bénéfice supérieur à 5 % de capitaux propres. Pour assurer son développement, les gouvernements précédents ont mis en place une exonération de certaines cotisations en cas de blocage des sommes. En contrepartie, à partir de 2008, certaines ont été soumises au forfait social.
La loi d’août 2005 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a permis des avancées notables : une simplification, avec un renouvellement des modalités de reconduction tacite des accords d’intéressement ; un élargissement, avec le recours à la négociation de branche et la mise en place d’accords d’épargne salariale « clés en main » ; une réforme du financement des PME, avec une modulation à la baisse du forfait social.
Affirmer toutefois qu’environ la moitié des salariés bénéficient d’un type de participation financière, c’est reconnaître que la moitié reste à l’écart. Le bilan est donc en demi-teinte.
Les déblocages exceptionnels pratiqués dans le passé, dont le dernier sous la présidence de François Hollande, n’ont pas atteint les objectifs de relance et sont perçus comme une menace pour la situation financière des entreprises. Il ne faut pas pour autant baisser les bras.
Les maux sont connus et analysés de longue date : la faible connaissance par les salariés des dispositifs, la forte suspicion de fraude ou de détournement.
Dès lors, quelles perspectives pour cette belle idée gaulliste ? Est-ce l’extension de la participation obligatoire à toutes les entreprises sans seuil minimal ?
Dans son intervention, le chef de l’État semble vouloir construire un nouveau compromis social et politique. Mais que deviendra cette idée dans le futur projet de loi « Entreprises » porté par le ministre de l’économie en 2018 ?
La participation est, et doit être la composante principale de la stratégie financière et économique, mais ce débat est aussi l’occasion de garder vivantes ses origines intellectuelles, de rappeler que la participation, « grande question du – XXe – siècle », c’est d’abord la sauvegarde de l’homme. Il s’agit bien d’« un idéal, un élan, un espoir » permettant à l’homme, « bien qu’il soit pris dans les engrenages de la pensée mécanique », de voir « sa condition assurée » afin qu’il garde sa dignité et qu’« il exerce – enfin – ses responsabilités ».
Je laisse maintenant la parole à mon collègue Dany Wattebled, qui va évoquer la question de l’actionnariat salarial.
Dany WATTEBLED - Introduction au débat
Monsieur le président,
Monsieur le secrétaire d’État,
Mes chers collègues,
Ainsi que mon estimé collègue vous l’a présenté, le principe de la participation financière des salariés à l’entreprise assure une convergence des intérêts entre patronat et salariat.
À l’heure de la réforme en profondeur de la gouvernance de l’entreprise, et à quelques jours des annonces du Président de la République, l’amélioration de ce type de dispositif est donc pleinement d’actualité.
Le principe de cette participation des salariés à la vie de l’entreprise à travers un mécanisme d’actionnariat salarial n’est pourtant pas une idée nouvelle.
Bien avant l’ordonnance gaullienne du 17 août 1967, la question de la participation financière des salariés au capital de l’entreprise avait été posée par une ordonnance du 7 janvier 1959.
Cette ordonnance est le premier texte législatif instituant, en France, une formule de participation financière. Elle incarnait parfaitement cette alliance du capital et du travail souhaitée par le général de Gaulle.
À partir des années soixante-dix, ce régime d’actionnariat salarial a connu une accélération par une série de lois plus ou moins complexes.
Ces lois ont mûri l’idée d’une participation actionnariale des salariés, tout en nourrissant un système complexe et pesant.
Les deux décennies suivantes ont d’ailleurs connu un véritable foisonnement de textes à ce sujet. Dans une actualité politique plus récente et dans un souci de simplification de ces mécanismes, la loi Macron du 6 août 2015 a cherché à redynamiser ce dispositif à travers deux mesures : les attributions d’actions gratuites et les bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise.
Il s’agit de revisiter le dispositif de l’actionnariat salarial avec des critères élargis et des méthodes remises à plat.
Toutes ces initiatives législatives ont conduit notre pays à devenir le champion européen de l’actionnariat salarial.
Ainsi, 76 % des entreprises françaises ont des plans d’actionnariat, contre une moyenne européenne de seulement 47 %. De même, 36 % des salariés français sont actionnaires de leur entreprise, contre une moyenne de 22 % en Europe.
Cette dynamique n’est pas seulement française ; elle s’observe également à l’échelle européenne. Aujourd’hui, sur 2 335 entreprises européennes représentant 99 % de la capitalisation boursière, un tiers placent les salariés en position stratégique ou déterminante dans le contrôle du capital de leur entreprise.
Cette situation redonne donc le pouvoir aux salariés de participer directement à la gouvernance de l’entreprise. Elle leur permet aussi de se protéger contre la réorientation des activités entrepreneuriales ou une possible délocalisation vers un pays étranger.
Pourtant, un certain nombre de freins à l’actionnariat salarial persistent encore. On peut citer la complexité du dispositif, en raison d’un empilement d’ordonnances et de lois, ou encore l’instabilité fiscale, véritable obstacle à l’appropriation de cet outil par l’ensemble des entreprises.
Depuis des années, les précédents gouvernements ont privilégié des politiques de soutien à la consommation, plutôt que des incitations à l’actionnariat salarial et à l’épargne.
La hausse du forfait social depuis 2012 est le témoin de ce choix du court terme plutôt que de l’avenir. Il faut revenir sur ces mesures. Cette situation invite en effet à la plus grande prudence quant à la pérennité de ces mécanismes.
Si nous voulons simplifier les dispositifs de participation et tenir la promesse d’une revalorisation du travail des Français, alors des mesures énergiques doivent être rapidement prises à ce sujet. Tenons l’engagement de faire payer le travail, ajoutons une ligne supplémentaire au bulletin de paye de nos concitoyens récapitulant leur participation au capital des entreprises. Il faut qu’à la fin du mois le salarié puisse évaluer son effort au regard de son salaire, de ses cotisations sociales et de sa participation financière à l’entreprise.
J’en viens à ma question, monsieur le secrétaire d’État. Le Président de la République a lancé un signal fort en évoquant la nécessité de repenser la participation financière des salariés à l’entreprise. C’est pourquoi le groupe Les Indépendants souhaite savoir quelles mesures concrètes le Gouvernement entend prendre pour défendre l’actionnariat salarial et lever les derniers freins à la mobilisation de cet outil.
Jean-Pierre DECOOL - Question à Benjamin Griveau, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances
Monsieur le président,
Monsieur le secrétaire d’État,
Mes chers collègues,
Les débats de cet après-midi mettent en évidence l’importance d’apporter un regard neuf sur la question de la participation. Il faut repenser en profondeur les mécanismes d’intéressement et de l’actionnariat salarial pour augmenter le pouvoir d’achat des Français. Il faut aussi, et peut-être même surtout, en faire la publicité pour assurer leur développement rapide.
Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, il faut que le travail paye et, pour matérialiser cette réforme, que la participation financière soit effectivement visible dans le salaire mensuel de nos compatriotes. Cela pourrait faire l’objet d’une ligne supplémentaire sur le bulletin de paye, ainsi que nous l’évoquions plus tôt dans l’après-midi, en introduction de nos débats. Cette idée aurait, en outre, le mérite de changer le regard des Français sur leur paye mensuelle.
La participation financière des salariés dans l’entreprise ne fait pas débat. Je crois que nous sommes tous favorables à ce que les employés aient une place consacrée au sein de l’entreprise et qu’ils soient capables de protéger leur activité contre les délocalisations ou les réorientations d’activité. Le bilan reste cependant en demi-teinte, comme je le disais précédemment. Aussi, nous devons redoubler d’efforts.
Pour accompagner le développement de ces outils, il faut donc communiquer auprès des Français, les convaincre de la dimension positive de ces dispositifs de participation financière. Des actions de communication doivent ainsi être entreprises pour mieux faire connaître ces dispositifs. Cette politique tient sur deux jambes : d’un côté, un renforcement de l’usage de la participation financière par les entreprises ; de l’autre, une sensibilisation des employés à la pertinence de ces outils et à leur rôle de levier dans l’augmentation du pouvoir d’achat.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte donc sur la valorisation de la participation financière : quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer la communication autour de ces dispositifs ?
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le sénateur, je suis prêt à ajouter une ligne sur le bulletin de salaire puisque nous en enlèverons deux avec les cotisations. (Sourires.) Or, comme vous le savez, nous avons fixé comme principe, avec le Premier ministre, qu’il fallait supprimer deux règles lorsqu’une nouvelle était créée. Si vous m’ajoutez une ligne, je suis donc tout disposé à y réfléchir, car, je suis d’accord avec vous, la question de l’identification, sur le bulletin de paie, de ce que représente la participation est un élément permettant à chaque salarié de se rendre compte très concrètement, à la fin de chaque mois, de ce que cela représente.
Toutes les propositions qui peuvent permettre d’identifier, de s’approprier, bref de gagner la bataille culturelle sur cette question, peuvent recevoir un accueil favorable si elles sont soumises, sous votre autorité, au groupe de travail conduit par Stanislas Guerini et Agnès Touraine.
Des campagnes de communication existent et ont vocation à être pérennisées. En 2017 s’est tenue la première édition de la semaine de l’épargne salariale. Ce n’est pas faire injure à cet événement que d’avouer qu’il m’a un peu échappé… Sans doute pouvons-nous améliorer ce mécanisme et amplifier le phénomène. Je suis certain que cette semaine de l’épargne salariale saura trouver son public.
Par ailleurs, il ne faut pas négliger les réseaux sociaux, c’est-à-dire des médias un peu différents, dans la communication pouvant être faite autour des bienfaits des mécanismes de participation et d’intéressement. Ainsi, nous pourrons cibler des publics qui ne sont pas les lecteurs de la presse économique, des journaux spécialisés ou des différents prospectus que vous pouvez trouver dans des magazines spécialisés, afin d’en faire un sujet plus populaire.
Nous sommes très ouverts pour conduire une campagne de communication offensive, différente à la fois dans le message, dans la manière de le porter et dans le support pour le diffuser. Toute idée innovante et disruptive est évidemment la bienvenue sur ce sujet.