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Emmanuel CAPUS : Pour un accès plus juste, simple et transparent au marché de l'assurance emprunteur

26 janvier 2022


Proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur (voir le dossier législatif)


NB : 🗣 Retrouvez l'intervention du Sénateur Emmanuel Capus lors de l'examen du texte issu de la Commission mixte paritaire le 17 février 2022 en cliquant ici

 

Madame la Présidente,

Monsieur le Ministre,

Messieurs les Rapporteurs,

Mes Chers Collègues,


La France a beau être la patrie de Tocqueville, la liberté individuelle pâtit chez nous d’une image semble-t-il mitigée, à tout le moins. Le mot reste attaché à un imaginaire sauvage, où David doit affronter Goliath sans sa fronde. On dit parfois que le libéralisme, c’est la loi de la jungle, où le plus fort écrase le plus faible. J’ai noté un effort sur les bancs de gauche, sur ce point, toutefois aujourd’hui.


Or c’est tout l’inverse, Monsieur le Ministre. La libre concurrence, en particulier, a pour vocation première d’établir des règles qui garantiront la liberté de chacun, et singulièrement la liberté des faibles contre la liberté des forts.


Et l’ambition du libéralisme économique, c’est que cette organisation, fondée sur des règles et la liberté, contribue à rendre notre société tout à la fois plus prospère, plus tolérante et plus juste.


Cette proposition de loi nous offre à cet égard, un cas d’étude intéressant.


Elle vise spécifiquement un marché : l’assurance-emprunteur ; elle y introduit davantage de liberté, en permettant à l’assuré de résilier son contrat à tout moment.


L’enjeu est important, car ce changement des règles du jeu devrait générer de nouvelles opportunités économiques, en introduisant la concurrence là où les acteurs établis disposent d’une position de force, qui ressemble fort à une rente…


Mais surtout, nous avons l’opportunité de redonner du pouvoir aux consommateurs, en offrant la possibilité aux emprunteurs, de faire jouer la concurrence sur un marché qu’ils connaissent mal.


Je ne vais pas m’appesantir sur ce point, car nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen des articles. Je vous proposerai – comme beaucoup ici – de rétablir la version initiale du texte, en restaurant la résiliation à tout moment.


Je me contenterai simplement de revenir sur trois arguments avancés par nos Rapporteurs, contre cette mesure.


Le premier, c’est la compétitivité présumée des offres d’assurance-crédit sur le marché, Monsieur Grémillet. On nous dit : si les banques détiennent encore 88% des parts de marché – j’ai noté qu’on n’était pas d’accord sur le chiffre –, ce n’est pas parce qu’elles font de la rétention de clientèle, mais parce qu’elles proposent des offres très compétitives pour les assurés.


Formidable, super ! Mais dans ce cas, les parts de marché des banques ne sont pas en danger, et il n’y a aucune raison de s’opposer à la résiliation infra annuelle, si elles sont déjà compétitives.


Le deuxième argument, c’est le risque de créer beaucoup de désagréments pour les consommateurs, qui peuvent être démarchés de manière excessive par des assureurs – on en a débattu en commission, ça n’a pas été rappelé par les Rapporteurs sauf erreur de ma part, tout à l’heure.


Cet argument est contestable. On a envie d’y croire, car nous avons tous reçu, une fois au moins, un SMS bidon sur le CPF. Mais on ne condamne pas une offre parce qu’elle introduit une prospection commerciale.


Mieux vaut encadrer les pratiques que supprimer les offres qui peuvent donner lieu à un démarchage. Ou alors, il faudrait tout bonnement administrer toute l’économie, je ne crois pas que ce soit la volonté de la majorité.


Le troisième argument, c’est la déstructuration du marché, la liquéfaction complète de la demande, qui rendrait impossible toute offre solide. En permettant aux emprunteurs de résilier leur contrat quand ils le souhaitent, ils en changeraient tout le temps, comme on zappe les chaînes de télévision, ou comme on déroule un fil d’actualité sur son téléphone.


Mais cette crainte ne cadre pas avec la réalité. Les consommateurs n’ont aucune envie de changer sans cesse d’assurance. Ils ont mieux à faire.


Cependant, lorsqu’ils se rendent compte qu’ils pourraient bénéficier d’une meilleure offre, ils n’ont pas envie d’attendre plusieurs mois, que leur assureur leur envoie un document obscur – quand il le fait –, qui leur indiquerait une démarche compliquée. On peut alors être sûr qu’ils ne l’effectueront pas, précisément parce qu’ils auront, encore mieux à faire…


Mes Chers Collègues, je crois que notre rôle est de défendre le faible plutôt que le fort, et en l’espèce le consommateur, plutôt que la banque ou l’assureur. Je vous proposerai donc des amendements en ce sens.


Nos rapporteurs ne s’y sont d’ailleurs pas totalement trompés, puisqu’ils ont aussi proposé une mesure importante sur la suppression, sous certaines conditions, du questionnaire de santé pour l’établissement d’un contrat d’assurance-emprunteur.


J’avais défendu – comme d’autres ici, je pense à Rémi Féraud, je pense à Catherine Deroche qui n’est pas là mais qui avait déposé un amendement identique au mien qui avait été adopté lors du PLF – des amendements sur l’instauration de contrats inclusifs, c’est-à-dire des contrats qui ne tiennent pas compte du passif médical des emprunteurs. Je crois que ce type de contrat alternatif, demeure la meilleure solution.


Je tiens en tout cas à affirmer une conviction : il est insupportable que les assurances proposent des offres dégradées aux personnes qui ont vaincu un cancer ou qui souffrent d’une pathologie chronique.


De telles discriminations à raison de la santé, ne sont tolérées dans aucun domaine de la société. Il n’y a aucune raison que l’assurance fasse exception. J’espère que nous pourrons faire bouger les lignes sur ce point. Le Sénat y gagnerait. C’est le sens des amendements que j’ai déposés.

Interventions au Sénat

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