5 mars 2025
Question d'actualité au Gouvernement
Question d'Emmanuel Capus, Sénateur de Maine-et-Loire :
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,
L'Europe est à un tournant critique de son histoire. Cette nuit, Donald Trump, devant le Congrès, a claironné que, d'une manière ou d'une autre, il aura le Groenland, territoire sous souveraineté d'un pays de l'Union européenne.
D'une manière ou d'une autre !
De ce côté de l'Atlantique, l'ancien président intérimaire Dmitri Medvedev indiquait ce matin que la Russie doit infliger une défaite maximale à l'Ukraine. C'est sans doute ce que Trump appelle, je cite, "donner des signaux forts de paix".
La vérité, mes chers Collègues, c'est que Poutine ne s'arrêtera pas à l'Ukraine, pas plus qu'il ne s'est arrêté à la Crimée en 2014. La nécessité de bâtir une défense européenne pour assurer la sécurité du continent doit donc maintenant être une évidence pour tous. Dans la douleur, tous les Européens en prennent conscience.
La France défend depuis toujours l'autonomie stratégique européenne. Ursula von der Leyen a dévoilé des propositions d'ampleur pour une montée en puissance militaire en urgence. 800 milliards d'euros pour permettre à l'Union de s'équiper et de se préparer à la poursuite de conflits de haute intensité.
Demain, Monsieur le Ministre, aura lieu un Conseil européen exceptionnel sur ces questions. La sécurité de notre continent passe par le soutien à la résistance ukrainienne. Avec l'abandon de l'aide américaine, les Européens devront fournir des efforts encore plus importants que par le passé.
Pour se défendre, les États membres doivent se réarmer. Les domaines prioritaires sont identifiés : défense anti-aérienne, missiles, artillerie, drones et anti-drones. Alors, Monsieur le Ministre, ma question est très simple : comment pouvons-nous accélérer enfin pour aider efficacement l'Ukraine et pour que notre base industrielle de défense soit le socle de la défense européenne ?
Très concrètement, quelle est la position que vous défendrez demain ?
Réponse Jean-Noël Barrault, Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères :
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Monsieur le Sénateur, vous avez évoqué les déclarations provenant d'outre-Atlantique et, sur ces sujets comme sur tous les autres, notre réponse est claire : les frontières de l'Union européenne ne sont tout simplement pas négociables.
Mais sur le sujet de l'Ukraine plus spécifiquement, les épisodes de ces derniers jours ont fait apparaître de manière très éclatante, le Premier ministre l'a rappelé hier lors du débat qui était organisé sur le fondement de l'article 50-1 de notre Constitution, la dépendance inacceptable de l'Ukraine et des Européens aux approvisionnements militaires en provenance des États-Unis et d'ailleurs.
Nous avons vécu pendant des décennies dans l'insouciance. Nous avons progressivement accepté que, dans la richesse nationale, la part de nos dépenses militaires baisse ou en tout cas soit divisée par trois, qu'elle passe de 6 à 7% dans les années 50 à moins de 2%.
Heureusement, depuis huit ans, sous l'impulsion du Président de la République, sous l'autorité du ministre des Armées, vous avez adopté deux lois de programmation militaire qui vont nous permettre de revenir à un niveau qui se rapproche des 2% du PIB et de réarmer notre pays.
Mais il faut évidemment aller beaucoup plus loin, et c'est tout l'objet de ce Conseil européen extraordinaire qui se tiendra demain et qui sera l'occasion, je dirais, de réaffirmer avec beaucoup de force que nous soutiendrons la résistance ukrainienne, qui est la première ligne de défense de l'Union européenne, et de nous accorder sur des moyens extraordinaires pour réarmer les pays européens.
La présidente de la Commission européenne a fait une proposition : 800 milliards d'euros mis à disposition des États membres pour se réarmer, qui passe à la fois par un assouplissement des critères du pacte de stabilité et de croissance, une nouvelle facilité pour que les pays européens puissent s'endetter jusqu'à hauteur de 150 milliards d'euros, et puis une repriorisation des fonds européens non utilisés aux fins de la sécurité de notre continent.
Tout cela converge vers la priorité française, vous l'avez dit, celle de l'autonomie stratégique que nous avons réaffirmée depuis huit ans inlassablement et à laquelle un certain nombre de nos partenaires européens, enfin, sont en train de se rallier.