04 juin 2020
Proposition de loi relative au statut des travailleurs des plateformes numériques
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le Président de la commission des affaires sociales,
Madame le Rapporteur,
Mes chers collègues,
En proposant de renforcer les droits des travailleurs des plateformes numériques, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui cherche à combler une situation d’insécurité juridique à laquelle nous sommes, en tant que parlementaires, spécialement sensibles.
Ces dernières années, de nouvelles formes de travail se sont développées, en lien avec l’essor des nouvelles technologies de l’information, permettant la mise en relation de millions d’utilisateurs en temps réel. Ces plateformes numériques ont cela en commun qu’elles servent d’intermédiaires entre travailleurs et clients, équilibrant l’offre avec la demande au moyen d’algorithmes, ouvrant le champ de l’économie collaborative à l’échelle mondiale.
Ils sont actuellement 200 000 en France à travailler comme coursier, chauffeur VTC, ou réalisant ce que l’on appelle des micro-tâches, de façon indépendante et autonome. Bien qu’ils ne représentent que 1% des actifs, le nombre de ces travailleurs connait une forte croissance dans de multiples secteurs tels que l’hôtellerie, les transports ou encore les secteurs bancaire et juridique. Les plateformes concurrencent l’offre traditionnelle de services encadrée par un droit du travail plus protecteur et offrent de nouvelles perspectives d’emploi pour des personnes éloignées du marché du travail, essentiellement des jeunes, dans un contexte de chômage élevé.
Les difficultés d’interprétations juridiques se posent lorsque ces travailleurs indépendants sont économiquement dépendants. Au-delà d’être de simples interfaces, certaines plateformes organisent le temps de travail, sa rémunération, les conditions de mises en relation, hiérarchisant les contenus selon les utilisateurs. Le niveau d’intervention de ces plateformes et l’importance des revenus générés justifient l’attention que nous leur portons.
Pour autant, ces travailleurs ne sont pas sans statut, ce sont des travailleurs indépendants et ils bénéficient à ce titre du régime de protection sociale propre aux indépendants. Je partage l’avis de l’inspection générale des affaires sociales qui recommande d’intervenir non pas en créant un statut ad hoc, mais sur le terrain de la protection sociale. La réflexion que nous menons actuellement devrait bénéficier à l’ensemble des indépendants dont le régime de protection sociale n’est pas aussi complet que celui qui s’applique dans le cadre du salariat.
J’ai été longtemps avocat, je sais de quoi je parle en le disant. Et les progrès qui ont été faits ne sont pas encore suffisants y compris pour les indépendants que sont les nombreuses professions libérales, je pense également à certains médecins qui se plaignent actuellement de ne pas être bien couverts.
Je ne pense pas qu’il soit pertinent d’ajouter un nouveau niveau de complexité administrative, source d’insécurité juridique. En revanche, il apparait opportun d’offrir à ces travailleurs un accès à une complémentaire santé, à une couverture des accidents du travail et des maladies professionnelles, en particulier pour les plus exposés à ces risques. Nous l’avons vu lors de la crise sanitaire, les livreurs à vélo et chauffeurs de VTC étaient en première ligne, le sont encore et ne disposent d’aucun filet de sécurité pour leur permettre de se mettre à l’abris.
Il parait également important de poser les conditions d’un dialogue entre les plateformes et les travailleurs autour des algorithmes utilisés, lorsqu’ils impactent de façon significative les conditions de travail et de rémunération.
Il s’agit donc de trouver un juste équilibre entre liberté d’entreprendre et besoin de protection, sachant qu’un statut trop rigide risque de limiter les opportunités d’emploi offertes à de nombreux travailleurs. Faut-il aller vers une segmentation plus marquée du droit du travail ou au contraire vers une convergence des droits entre travailleurs salariés et indépendants au sein d’un droit de l’activité professionnelle ? La question reste ouverte. Une réflexion globale sur la question du statut des travailleurs des plateformes numériques est engagée par le Gouvernement. Notre Groupe sera attentifs aux propositions qui seront formulées.
Les plateformes collaboratives sont une composante à part entière de la révolution digitale et représentent un atout majeur pour l’avenir de notre économie. Leur développement est exponentiel, peut être que plus tard, comme le dit un article parût dans le New York Times, nous ne dirons plus à un ami où nous travaillons, mais sur quoi nous travaillons. Tout changement est source de déséquilibre, d’incertitudes et de recherches.
Prenons le temps de mener, avec le Gouvernement et les acteurs concernés, tous les groupes et particulièrement, au sein de ces groupes, les gens qui sont concernés et ont travaillé sur ces sujets, une réflexion ouverte sur la question du droit des travailleurs des plateformes, et plus largement sur les frontières entre professionnels et non professionnels, entre salariés et travailleurs indépendants.
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