15 décembre 2020
Nouvelle lecture du Projet de loi relatif au retour de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal
Madame la Présidente,
Madame la Ministre,
Monsieur le Président de la Commission,
Madame la Rapporteure,
Mes chers Collègues,
Les deux Assemblées ont autorisé la sortie des vingt-sept biens culturels inscrits en annexe du présent projet de loi afin qu’ils soient restitués aux Républiques du Bénin et du Sénégal. Pourtant, la commission mixte paritaire a échoué et nous le regrettons. Nous regrettons la position du Gouvernement au sujet de l’article 3 introduit au Sénat. Il s’agissait de faire de cette loi de circonstance, une loi nécessaire, capable de sécuriser les situations à venir dans une démarche transparente et démocratique.
L’enjeu de ce texte dépasse son objet. Il s’agit de la gestion du patrimoine culturel de la France. Le Sénat n’est pas une simple chambre d’enregistrement des décisions gouvernementales et je regrette d’avoir à le rappeler. Nous ne pouvons faire l’impasse d’un débat contradictoire, lorsqu’il s’agit des collections publiques régies par les caractères imprescriptible et inaliénable.
Les demandes de restitution sont nombreuses et vont probablement se multiplier. A l’heure où nous examinions en première lecture, ce projet de loi, une couronne royale conservée au Musée de l’Armée suite au don d’un particulier, était transférée à Madagascar. Encore une fois, la décision du pouvoir exécutif précède celle du Parlement, mis devant le fait accompli. Nous devons retrouver le chemin de nos Institutions républicaines et veiller à mettre en place une procédure applicable à toutes les situations, à tous les Gouvernements. C’est la raison pour laquelle la commission de la culture avait introduit en première lecture un nouvel article, prévoyant la création d’un Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour des biens culturels extra-européens. Il s’agit non seulement de soustraire le sort de notre patrimoine culturel aux aléas politiques mais aussi de fonder les transferts de biens culturels sur une démarche scientifique et démocratique. Avant toute décision officielle du Gouvernement, cette instance et le Parlement devraient être consultés. Le Sénat y est très attaché. L’actuelle Commission scientifique nationale des collections s’est déclarée incompétente pour expertiser les demandes de restitution, s’éloignant de l’esprit de la loi qui l’avait créée.
Je partage le point de vue de Madame la Rapporteure sur les conclusions trop caricaturales du rapport de Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, plaidant pour une restitution massive, à leur pays d’origine, des œuvres africaines. Les collections extra-occidentales représentent une part importante de nos collections publiques. Nos musées ne sauraient se réduire à la seule représentation de la culture française. Les musées du monde entier sont les témoins du caractère universel de l’art, d’une richesse culturelle qui dépasse les frontières et les civilisations. La sculpture africaine, pour reprendre les mots de Malraux, s’est lentement imposée au monde mais de façon décisive. Nous sommes passés d’un référentiel d’imitation du réel à la recherche de l’expression libre, indifférente à la ressemblance. L’art africain, largement représenté dans nos collections, a bouleversé des pans entiers de l’art occidental, de Picasso à Matisse, Braque, Derain… André Malraux en témoigne dans ses discours et ses écrits. Les masques Fang au Gabon, les portes Dogon au Mali, les poupées Ashanti au Ghana, de par leur puissance et leur retentissement, sont autant de manifestations du génie de l’Afrique, leur berceau. S’inscrivant dans le patrimoine culturel de l’humanité, ces œuvres ont une vocation universelle.
Madame la Ministre, je connais votre grande implication en matière d’accès à la culture. Toutefois, je soutiendrai la position de la commission de la Culture et voterai la motion de rejet déposée. Je serai très attentif aux conclusions de la mission d’information présidée par Mme Catherine Morin-Desailly et j’espère vivement que ce travail se traduira très prochainement par une proposition de loi à la hauteur des enjeux que représentent les restitutions d’œuvres pour les collections publiques françaises.
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