Louis Vogel : Faire exécuter les peines d'emprisonnement ferme
- Les Indépendants
- 1 juil.
- 3 min de lecture
1er juillet 2025
Proposition de loi visant à faire exécuter les peines d'emprisonnement ferme - Dossier législatif
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Madame la Présidente de la Commission des Lois,
Monsieur le Rapporteur,
Mes chers Collègues,
La proposition de loi visant à faire exécuter les peines d'emprisonnement fermes que nous examinons aujourd'hui ouvre le débat devant notre Assemblée, de notre politique pénale. Prononcé de la peine, application de la peine, exécution de la peine.
Avec 83 681 détenus au 1er janvier 2025 pour 62 570 places, la surpopulation carcérale empêche la prison de répondre à ses missions. Protéger la société d'abord, réinsérer les prisonniers ensuite.
La solution bâtimentaire, le fameux plan 15 000, bien que nécessaire notamment pour remplacer les prisons insalubres, ou inadaptées, ne pourra pas résoudre à lui seul cette question. Ce constat, je l'ai fait dans mon premier rapport au nom de la Commission des Lois du Sénat pour le budget de l'administration pénitentiaire. En effet, pour suivre l'évolution actuelle du nombre de détenus, il faudrait construire un établissement par mois, ce qui est strictement impossible.
Le Garde des Sceaux a lui-même constaté que les objectifs du plan 15 000 devaient être revus et privilégie désormais des solutions modulaires, adaptées et ambitieuses.
Cette situation inacceptable aboutit à une impasse que les Français vivent douloureusement et qui explique largement le divorce entre eux et la Justice de notre pays.
Les lois créant de nouvelles infractions sont de plus en plus nombreuses. Le quantum des peines prévues par ces lois est de plus en plus lourd.
Les peines prononcées sont de plus en plus sévères. La durée de la détention est de plus en plus longue. Mais plus de 40% des peines de prison fermes n'ont pas été exécutées en détention en 2023. De même, en raison de cette surpopulation carcérale, les peines de prison inférieures à un an sont quasi systématiquement aménagées.
Disons-le clairement, notre politique pénale dysfonctionne et est inefficace en ce qu'elle condamne trop et trop tard ou pas du tout. Ne pas faire exécuter la peine ou libérer pour faire de la place constitue un remède pire que le mal.
Beccaria déjà le disait, il a été cité plusieurs fois aujourd'hui.
"Ce n'est pas la rigueur des châtiments qui prévient le plus sûrement les crimes, c'est la certitude du châtiment (...) La perspective d'un châtiment modéré, mais inévitable, fera une impression plus forte que la crainte vague d'une punition terrible auprès de laquelle se présentent quelques espoirs d'impunité."
Pour que la sanction retrouve tout son sens, toute son efficacité, il faut l'appliquer le plus rapidement possible après l'infraction.
Nous qui avons été maires, élus locaux, que nous disent les gens ? Il est de nouveau en liberté. Il a été arrêté avant-hier.
En ce sens, l'exemple des Pays-Bas est éloquent. Le gouvernement néerlandais a en effet réformé sa politique pénale au début des années 2000 pour introduire plus de rapidité dans la procédure. Aujourd'hui, si la Justice pénale envoie en prison pour des durées plus courtes, elle le fait aussi beaucoup plus souvent.
23% des condamnations contre 15% des condamnations en Europe en moyenne. Les peines sont plus courtes, mais elles sont certaines. C'est le but de cette proposition de loi.
La proposition de nos collègues députés Loïc Kervran et Agnès Firmin-Le Bodo, dont je salue le travail, va exactement dans ce sens et répond donc en partie au dysfonctionnement de notre politique pénale.
Avec ce texte, il s'agit de rétablir la possibilité pour le juge de prononcer une peine de prison ferme, même inférieure à un mois, et de supprimer enfin l'automaticité de l'aménagement des peines inférieures à un an.
Je salue donc le travail aussi de notre Rapporteur Stéphane Le Rudulier et de la Commission des Lois qui ont fait deux apports majeurs : rendre au juge la liberté de prononcer de courtes peines d'emprisonnement qui puissent être réellement exécutées, mettre fin à l'obligation d'une motivation spéciale pour l'exécution des peines de prison.
Ce texte est aujourd'hui une réponse adéquate pour traiter rapidement de la délinquance du quotidien et des mineurs qui nécessitent le plus souvent des peines courtes prononcées rapidement dès le premier fait de délinquance.
Nous devrons demain poursuivre ce travail en facilitant les peines alternatives comme notamment les travaux d'intérêt général ou la probation, le Ministre y a fait allusion, elles aussi beaucoup plus nombreuses et beaucoup mieux appliquées aux Pays-Bas.
C'est ainsi que nous lutterons contre le sentiment d'impunité et la lenteur décriée de notre Justice. C'est ainsi que nous rendrons son sens à la peine.
Le Groupe des indépendants votera en faveur de cette proposition de loi.