22 janvier 2025
Question d'actualité au Gouvernement
Question de Louis Vogel, Sénateur de Seine-et-Marne :
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Ma question s'adresse à Monsieur le garde des Sceaux.
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Nous le savons tous ici, la surpopulation carcérale est devenue insoutenable.
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Lors de votre premier déplacement, Monsieur le Ministre, au centre pénitentiaire de Liancourt, vous avez manifesté votre préoccupation face à ce qu'il faut bien appeler la crise de notre système carcéral.
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Le plan "15 000", qui visait précisément à créer 15 000 places de prison supplémentaires, se voulait une réponse massive, pragmatique à ce problème.
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Or, notre taux d'incarcération continue de progresser.
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Dans ce contexte, il faudrait en réalité construire une prison nouvelle par mois pour répondre à la demande. De fait, de nombreuses prisons ne sont pas encore livrées.
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Où en sommes-nous, Monsieur le Ministre, dans le calendrier de programmation de ces prisons ?
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Vous avez d'ores et déjà annoncé une inflexion en reconnaissant la nécessité de différencier les prisons et leurs constructions en fonction de leur destination.
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Vous avez même évoqué une spécialisation des prisons selon la nature et la gravité des faits, par exemple en prévoyant un établissement expérimental à sécurité renforcée pour les narcotrafiquants dont nous parlons ici beaucoup au Sénat.
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Avez-vous déjà une idée en ce qui concerne le nombre de ces sites expérimentaux ?
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Plus généralement, Monsieur le Ministre, ne devrions-nous pas profiter des contraintes financières qui pèsent sur nous pour redéployer les crédits, pour réhabiliter l'existant, pour investir dans des établissements spécialisés, notamment destinés à des détenus présentant des troubles psychiatriques, qui sont à l'origine de 80% des incidents dans nos prisons, pour financer davantage de peines alternatives, notamment de TIG ?
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Bref, pour redéfinir le plan de construction, l'inscrire dans un plan plus global destiné à remédier, pour de vrai, à la situation actuelle.
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Réponse de Gérald Darmanin, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice :
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Merci, Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Monsieur le Sénateur Vogel,
Il y a 15 000 places de prison prévues depuis 2017. Le Gouvernement en a construit un peu plus de 6 500 places en brut, puisqu’en net, soutirées des places qui ont été supprimées pour indignité, et une partie de ces places continue à être indignes, c'est en fait 4 500 places de plus qui ont été construites depuis 7 ans.
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Ce retard, il a plusieurs raisons, vous le savez. Le fait de ne pas toujours trouver des lieux, et de nombreux élus locaux souhaitent des prisons mais pas chez eux, vous le savez bien.
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Le fait d'avoir des longueurs de construction qui est imputable au ministère de la Justice, nous mettons 7 ans en moyenne pour construire une prison, ce qui est évidemment inacceptable, parce que nous construisons toujours la même prison pour tout le monde, vous l'avez dit.
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Et puis d'autres difficultés sur lesquelles je reviendrai si vous le souhaitez, mais qui tiennent notamment à notre incapacité française à faire confiance aussi au projet des élus locaux, un certain nombre sont bloqués depuis très longtemps au ministère de la Justice.
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Vous avez parfaitement raison de dire, Monsieur le Sénateur, qu'il faut discriminer, différencier les lieux de détention, ce n'est pas la tradition française et donc les détenus.
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Ce qui est vrai, vous l'avouerez avec moi, c'est que la surpopulation carcérale est inacceptable, plus de 4 000 personnes qui dorment sur des lits, des matelas par terre, c'est dans les maisons d'arrêt, c'est moins vrai dans les prisons pour peine.
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On doit se concentrer sur la question des maisons d'arrêt et notamment des personnes qui sont en détention provisoire, soit parce qu'ils attendent un jugement et donc on a un énorme sujet d'audiencement qui recule pour des raisons, là aussi, d'organisation du ministère de la Justice et du code de procédure pénale. Je proposerai sa simplification.
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Mais aussi du fait que nous mettions les mêmes détenus français dans des lieux qui devraient être vus différemment entre celui qui a commis un délit routier, celui qui est radicalisé, celui qui fait de la criminalité organisée.
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Et donc je proposerai dans le débat sur la PPL narcotrafic, mais aussi demain à l'école nationale d'Agen où je me rendrai, pour répondre à l'interrogation du Premier ministre et à son invitation vers le ministère de la Justice, un nouveau plan prison.
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Je détaillerai la stratégie du Gouvernement qui sera, je crois, tout à fait dans ce que vous avez évoqué, une différence et un changement profond dans notre milieu carcéral.