01 décembre 2021
Débat sur le thème "Situation des comptes publics et réforme de l'État"
Vanina PAOLI-GAGIN - oratrice pour notre Groupe
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes Chers Collègues,
Au milieu du 19e siècle, le député Frédéric Bastiat affirmait qu’il n’y a rien de plus facile que de voter une dépense, et rien de plus difficile que de voter une recette.
De prime abord, le bilan du projet de loi de finances pour 2022 au Sénat semble lui donner tort, puisque notre Haute Assemblée a voté toutes les recettes du budget, et aucune dépense. Mais je crois que nous avons, en fait, confirmé la maxime de Bastiat.
En refusant le débat sur l’examen, mission par mission, programme par programme, des dépenses du budget, le Sénat a en fait montré qu’il refusait de se prêter à l’exercice si difficile, et pourtant au combien nécessaire, de cibler les dépenses à couper, pour réduire effectivement le déficit public. Il a préféré rejeter en bloc le budget pour 2022.
Tel est donc l’exercice auquel nous sommes invités aujourd’hui : critiquer en bloc, pour ne pas discuter dans les détails. Je doute que le fait de verser dans des considérations générales et abstraites, plutôt que de procéder à l’examen des différentes missions, serve, in fine, notre institution.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, mes Chers Collègues, la semaine dernière, notre Groupe regrette profondément cette décision. Nous aurions préféré mener les discussions budgétaires jusqu’à leur terme. La critique est aisée, l’art est difficile.
Ce sont vos mots, Monsieur le Rapporteur général.
Quelle crédibilité avons-nous encore sur l’impératif de réduction des dépenses publiques, alors que nous avons renoncé à notre pouvoir, voire à notre devoir, de voter les dépenses ?
Cependant, le sujet est trop grave pour que nous nous refusions à confronter nos points de vue. Je vais donc tâcher de dresser un bref diagnostic, et d’esquisser quelques pistes de solutions. Jamais, en temps de paix, notre pays n’a été si endetté. Le poids de notre dette ne cesse d’augmenter, que ce soit en valeur absolue ou par rapport à la richesse que nous produisons.
La situation n’est pas nouvelle malheureusement. Voilà au moins 15 ans que cette tendance se poursuit et s’aggrave. Il y a 3 quinquennats, le ratio d’endettement était le même en France et en Allemagne, autour de 65% du PIB. Aujourd’hui, notre ratio français a augmenté de 50 points et s’établit à 115%. Celui de nos voisins allemands à 73%.
Cette situation, mes Chers Collègues, est très préoccupante. Bien sûr, les crises sanitaire et financière expliquent pour une large part l’explosion de notre dette. Mais l’Allemagne, qui a connu les mêmes crises, s’en sort beaucoup mieux.
Il y a donc, je dirais, un mal français qui nous empêche de réduire notre dette, qui fragilise la situation de nos comptes publics, et qui menace in fine notre souveraineté nationale. Ce mal français, c’est notre immense difficulté à réduire la dépense publique et à réformer notre État.
Certains, ici, pensent que le Gouvernement actuel en porte toute la responsabilité. Certes les dépenses publiques n’ont cessé de croître au cours du quinquennat.
Mais il est vrai, aussi, que ce Gouvernement est le seul, au cours de ces 15 dernières années, à être parvenu à stabiliser la dette publique. Avant la crise sanitaire, le déficit était maîtrisé et le taux d’endettement avait même commencé de baisser.
En l’occurrence, il me paraît trop facile de critiquer le Gouvernement sur son impuissance à baisser la dépense publique, sans jamais dire quelle dépense il aurait fallu réduire.
Voilà, à mes yeux, la cause profonde de ce mal français, qui, nous empêche de réduire notre dette publique.
J’ai cru utile de remettre ainsi les pendules à l’heure, car nous devons, sur ce sujet, tenir un discours de vérité. Il est difficile de prêcher sans cesse la réduction des dépenses, sans jamais se risquer à préciser le propos.
Au cours de la crise sanitaire, le Sénat a voté tous les projets de loi de finances rectificative, à l’exception du tout dernier. Il est facile de dénoncer aujourd’hui la hausse des dépenses publiques, alors que nous avons soutenu, mes Chers Collègues je vous le rappelle, le « quoi qu’il en coûte ».
Cela est d’autant plus grave que, pour relever les défis auxquels notre pays fait face, au premier rang desquels la transition écologique et la révolution numérique, la puissance publique devra jouer un rôle majeur de soutien de l’innovation.
Ainsi, le plan « France 2030 », présenté par le Président de la République, a fixé des objectifs ambitieux d’investissements publics, dans des verticales clés de rupture technologique.
Ces injonctions sont apparemment contradictoires : d’une part, nous devons nécessairement réduire les dépenses publiques pour abaisser notre endettement ; d’autre part, nous devons poursuivre activement l’investissement public afin de ne pas décrocher, dans tous les domaines stratégiques pour notre souveraineté nationale et aussi pour notre capacité à continuer de créer de la valeur.
Je suis convaincue, mes Chers Collègues, que nous avons tous à cœur de relever cet immense défi. Bien sûr, nos sensibilités politiques et nos différences d’approche, nous opposeront sur les chemins à emprunter pour y parvenir. Mais il nous faudra bien accepter, le moment venu, de remettre sur le métier l’ouvrage budgétaire.
Pierre-Jean Verzelen VERZELEN interroge le Gouvernement au nom de notre Groupe
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Comme nous sommes dans un débat sur la situation des comptes publics, je voulais vous interroger sur la dette, sur la structuration de la dette française et plus précisément sur la question suivante : A qui appartient la dette ?
Depuis des dizaines d’années, la France quand elle empreinte, en général, elle empreinte sur les marchés financiers et on s’est retrouvé, on se retrouve dans une situation où il y a une part importante, on est monté quasiment à plus de 70 %, de la dette qui est détenue par des opérateurs étrangers – alors on dit non-résidents – dans le jargon. C’est-à-dire des fonds de pension, c’est-à-dire des groupes d’assurances.
Les choses ont un peu évolué ces dernières années suite à la crise, puisqu’il faut bien le reconnaître, la Banque Centrale Européenne est extrêmement active et le balancier est revenu à, à peu près 50-50. Ce qui fait d’ailleurs une différence de la France et de certains pays européens avec beaucoup d’autres pays, le Japon, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, où en général, une grande partie de la dette est détenue par des opérateurs, des opérateurs nationaux. Et chacun comprend bien que le jour où il y a un problème, c’est beaucoup plus simple d’aller discuter avec une banque ou un groupe d’assurances français qu’avec quelqu’un qui est à l’autre bout du monde.
Ma question, Monsieur le Ministre, est de savoir si le Gouvernement a une stratégie en la matière et s’il réfléchit à toper, le terme n’est pas bon mais en tout cas à discuter directement, pour lever de la dette auprès d’opérateurs, de groupe français ?
Réponse de M. Cédric O, Secrétaire d’Etat chargé de la transition numérique et des communications électroniques
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Monsieur le Sénateur Verzelen,
Quelques éléments de réponse à votre question.
D’abord rappeler la répartition de la dette française aujourd’hui en matière de détention. Vous avez cité l’évolution dans le temps, qui est qu’en quelques années, nous étions à seulement 30% de la dette qui était détenue par les français, nous sommes aujourd’hui à peu près de l’ordre de 50%, ce qui est quand même donc une forme de rééquilibrage.
Aujourd’hui, on estime qu’environ un quart de la dette est détenue par des investisseurs étrangers situés en zone euro, un quart par des investisseurs hors zone euro dont les grandes banques centrales européennes, internationales pardon, un quart par des investisseurs français et un quart par la banque de France ; et la part de cette dernière étant progressive.
Alors, premier commentaire, on ne peut pas totalement comparer la situation des américains ou des japonais avec la situation française pour une raison assez simple. C’est que les japonais et les américains fonctionnent par retraite par capitalisation. Et que donc, la très grande puissance financière de ces pays est liée au choix d’avoir une retraite par capitalisation et donc d’avoir des financements extrêmement importants qui sont à placer sur les marchés financiers et qui profitent à la dette nationale.
On a fait un choix différent, que nous ne regrettons en aucun cas, mais en tout état de cause, cela nous met dans une situation – effectivement, disons que nous avons fait collectivement un choix différent, Monsieur le Rapporteur général, il y a quelques temps – et donc, nous sommes dans une situation un peu différente.
Deuxièmement, c’est que je vous rejoins sur la nécessité de développer la détention par les français de leurs propres dettes. Cela a parfois des effets contradictoires en matière de taux d’intérêt. Si vous prenez l’exemple de la dette italienne, plus possédée par ses nationaux que la dette française, ses taux d’intérêt sont supérieurs, ne serait-ce que parce que la compétition est inférieure. Deuxième élément, dire qu’un étranger qui détient de la dette française ne possède aucun pouvoir sur la France si ce n’est, celui d’être remboursé et que, donc toute la question de la soutenabilité et de l’influence éventuelle des détenteurs étrangers c’est celle de la dynamique de la dette, de la dynamique de réadmission de la dette et c’est donc dans ce cadre là qu’il nous semble nécessaire, à l’avenir de réduire le déficit public.
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