27 novembre 2024
Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat et d'un vote sur cette déclaration, en application de l'article 50-1 de la Constitution, portant sur les négociations en cours relatives à l' accord d' association entre l' Union européenne et le Mercosur
Madame la Présidente,
Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,
Le Mercosur est en négociation depuis une vingtaine d'années, et il m'est difficile de concevoir aujourd'hui la nécessité de se précipiter. Entre le mandat donné à l'Union européenne par les États membres et aujourd'hui, le cadre a beaucoup changé.
L'inflation normative a multiplié les exigences demandées à nos agriculteurs en Europe et particulièrement en France. Nos normes environnementales et sanitaires européennes ont beaucoup évolué aussi. Nous ne pouvons pas non plus oublier le contexte récent au niveau national. Après les fortes mobilisations, manifestations agricoles du début d'année, l'imminence de la signature remobilise les agriculteurs exténués par le sentiment d'être encore une fois la variable d'ajustement.
Le volet agricole inquiète particulièrement en France, car la Ferme France n'est plus aussi compétitive. De deuxième exportateur mondial de produits agricoles au début des années 2000, la France a désormais dégringolé au sixième rang, avec une balance commerciale qui se dégrade fortement depuis. Ce débat sur le Mercosur nous invite inévitablement à nous questionner, entre autres, sur les conséquences de surtranspositions européennes en France.
Nous avons voulu aller vite, très vite, trop vite pour l'environnement et la santé. Toutefois, dans un marché commun, cela revient à se tirer une balle dans le pied si les autres ne nous suivent pas. Notre faible compétitivité est déjà visible au niveau européen. Nos contraintes sont plus lourdes que celles de nos voisins. Il est urgent d'aligner les normes françaises sur les normes européennes afin d'éviter toute distorsion de concurrence interne à l'UE et de pouvoir enfin discuter de ce traité commercial de façon cohérente avec nos alliés européens.
Jusqu'alors fierté nationale, notre agriculture semble aujourd'hui déconsidérée. Le Mercosur n'en est pas la cause, mais il pourrait briser un peu plus encore la compétitivité de notre agriculture française.
S'il est signé, cet accord deviendra le plus important accord de libre-échange conclu par l'UE avec l'ouverture d'un marché de 780 millions d'habitants. Or, nos normes sanitaires et environnementales sont aux antipodes : les antibiotiques, l'agriculture intensive, faible traçabilité, déforestation, pesticides interdits... Nous ne pouvons pas enclencher une telle marche arrière.
La suppression de la majorité des droits de douane fait dès lors craindre une déstabilisation de certaines de nos filières agricoles européennes face à cette concurrence déloyale, car, de fait, nous ne jouons pas avec les mêmes règles. La signature de cet accord en l'état aura des conséquences sur nos filières de viande bovine, de sucre ou encore de volaille et fragilisera nos exploitations, qui n'ont vraiment pas besoin de cela en ce moment.
Alors, nous entendons que certains aspects de cet accord pourraient constituer une opportunité, y compris pour certaines filières agricoles. Le vin, les spiritueux, le fromage pourraient en tirer profit. C'est également le cas pour d'autres secteurs et services à forte valeur ajoutée, comme la chimie, les produits pharmaceutiques ou encore l'automobile.
Un accord de libre-échange facilitera l'import de métaux rares, indispensables aussi à nos économies pour l'électronique, le numérique et même les voitures électriques.
Les crises de ces dernières années, climatiques, sanitaires ou liées à la guerre d'agression russe contre l'Ukraine, de même que les tensions géopolitiques actuelles et la menace d'une nouvelle guerre commerciale avec la Chine et les États-Unis nous incitent à diversifier nos partenariats. Et aujourd'hui trouver de nouveaux débouchés pour notre économie, limiter notre dépendance économique à quelques acteurs, trouver des solutions pour les secteurs stratégiques est certes nécessaire pour pouvoir résister aux menaces extérieures.
Certains accords commerciaux comme le CETA ont pu se révéler bénéfiques. Les échanges bilatéraux de biens entre l'UE et le Canada ont augmenté de 51% entre 2017 et 2023 et de 34% entre la France et le Canada. Par l'activation d'une clause de sauvegarde réellement garantie, nos exigences sanitaires ont pu être respectées comme on l'a vu avec le secteur bovin. Mais le Mercosur n'est pas le CETA.
Et nous ne voulons ni sacrifier notre agriculture et nos agriculteurs, qui sont un des joyaux de notre pays, ni transiger sur nos ambitions environnementales. Le commerce international peut se révéler être une opportunité pour peu que les règles du jeu soient équitables.
Aujourd'hui, nous entendons l'inquiétude de nos agriculteurs. Nous ne sommes pas favorables, à ce jour, à un accord avec les pays du Mercosur. Pas en l'état. Nous avons besoin de réassurance sur différents aspects :
Se donner les moyens de réaliser de manière régulière les contrôles sanitaires existants et renforcer la traçabilité.
Avoir réellement la possibilité d'activer la clause de sauvegarde en cas de besoin.
Avoir des clauses miroirs indispensables.
Respecter les droits fondamentaux du travail.
Mettre véritablement en œuvre l'Accord de Paris sur le climat.
Ces points sont déterminants. Nous comptons sur la France et ses partenaires européens pour lever nos inquiétudes et trouver une solution équilibrée sans nous diviser.
La France, sous l'impulsion du Président et du Gouvernement, n'est plus isolée sur la scène européenne. Hier c'était la France, aujourd'hui l'Italie, la Pologne... Qui demain ? Nous souhaitons une poursuite des travaux entre l'Union européenne et le Mercosur et être rassurés sur nos demandes qui sont indispensables.
Nous ne pouvons pas en l'état soutenir la position de la Commission européenne. Il en va de notre souveraineté alimentaire. Nous voterons donc, comme le Gouvernement, en faveur de cette proposition.