4 mars 2025
Proposition de loi relative à la consultation du Parlement sur la nomination de membres français dans certaines institutions européennes - Dossier législatif
Madame la Présidente,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Durant les premières décennies de leur construction, les institutions européennes ne passionnaient pas les foules. Aujourd’hui encore, il est souvent reproché à l’Union européenne d’être technocratique, déconnectée du quotidien et des préoccupations de nos concitoyens.
Au fil des années, le rôle de l’Union européenne a été étendu. De crises en crises, les Européens ont été conduit à prendre conscience de l’impérieuse nécessité de s’unir plus étroitement.
Les partis des extrêmes pouvaient encore, il y a quelques années, proposer de quitter l’Union européenne.
Désormais, sans doute grâce au contrexemple du Brexit, plus personne n’est assez irréaliste pour prétendre qu’un pays européen, seul, pourrait faire face aux grandes puissances régionales du monde.
L’invasion de l’Ukraine par Poutine, les manœuvres de Pékin, ou encore l’inconstance de notre allié états-unien, laisse penser que le renforcement du rôle de l’Union européenne devrait se poursuivre.
A mesure que le pouvoir de ces instances s’accroît, et notamment s’agissant de la Commission européenne, les nominations deviennent de plus en plus stratégiques.
Ce raisonnement a conduit le Président Rapin à déposer la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Son objet est de renforcer la place du Parlement dans les nominations des candidats aux fonctions de commissaire européen, de membre de la Cour des comptes européenne, ou encore de juge ou d’avocat général près des juridicitions de l’UE.
Le texte prévoit ainsi que les candidats pressentis soient auditionnés par les commissions du Parlement, une audition qui serait suivi d’un vote consultatif.
La perspective du renforcement des prérogatives du Parlement est toujours séduisante. Elle ne doit cependant pas nous conduire à méconnaître les principes essentiels de la démocratie, dont la séparation des pouvoirs fait partie.
Madame le rapporteur, tout comme Monsieur le rapporteur pour avis, ont exposé la fragilité constitutionnelle du texte. Ces nominations appartiennent à l’exécutif.
La rapporteur a toutefois indiqué en commission que ce n’est pas le rôle de la commission des lois d’anticiper la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Cette position peut étonner lorsque l’on connaît la sensibilité avec laquelle les commissions de notre Haute assemblée appliquent les irrecevabilités des articles 40 et 45 de la Constitution.
En réalité, ce texte est inconstitutionnel. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est, à cet égard, parfaitement claire, comme l’a noté le rapport de la commission.
Sous réserve du dépôt en séance publique d’amendements destinés à apporter des correctifs ne pouvant être qu’insuffisants, la commission a adopté sans modifications un texte qu’elle sait inconstitutionnel. Cette démarche doit nous interroger.
Le texte que nous examinons ne semble pas avoir vocation à prospérer, ni encore à être promulgué. Il s’agit d’une proposition d’appel. Nous considérons que cela ne devrait pas être l’objet d’un texte de loi. Faut-il prendre ainsi le risque de fragiliser nos institutions afin de permettre à certains d’exprimer leur désapprobation à l’égard des nominations ?
« Les formes sont les divinités tutélaires des associations humaines » écrivait Benjamin Constant. Notre groupe considère que nous devons avant tout veiller à préserver les institutions de notre démocratie.
L’inconstitutionnalité de ce texte devrait amplement suffire à son rejet. Nous devons cependant également examiner les conséquences que son adoption entraînerait.
Les candidats resteraient choisis par le pouvoir exécutif. Le Parlement serait consulté sans pouvoir s’opposer à la nomination mais pourrait en revanche la désavouer.
Si le vote consultatif plébiscite le candidat, la situation est inchangée : ce vote signifie que le Parlement français soutient le candidat français.
A contrario, si le vote traduit la défiance du Parlement, le candidat de la France s’en trouvera affaibli. A cet égard, même une absence d’unanimité suffira à éroder la légitimité des candidats.
Au final, cette proposition de loi ne saurait renforcer la légitimité du candidat français, mais elle permet simplement au Parlement de l’affaiblir.
Les divisions politiques intérieures sont une conséquence normale de la démocratie. Il nous semble, en revanche, que les afficher sur la scène internationale affaiblit la France.
Quand bien même le Parlement verrait son pouvoir s’accroître, nous estimons qu’une telle réforme serait préjudiciable à notre pays. Pour que la France continue de peser au sein des institutions européennes, il nous paraît essentiel que les candidats français ne soient pas fragilisés.
Par conséquent le Groupe Les Indépendants ne votera pas en faveur de l’adoption de cette proposition de loi.
SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.