10 juin 2021
Proposition de loi visant à nommer les enfants nés sans vie
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,
N’oublions pas que jusqu’à récemment, les enfants nés sans vie étaient qualifiés de « pièces anatomiques », de « déchets hospitaliers », de « produits innommés » ou encore de « débris humains ».
En tant que tels, ils étaient incinérés dans les services hospitaliers ad hoc, avec les autres pièces opératoires.
Dans le contexte de perte d'un enfant, de telles formules, de telles classifications et des procédures en découlant étaient psychologiquement traumatisantes et ajoutée à la douleur sans nom des parents.
Prendre en compte la réalité d'une existence, fut-elle in utero, fut-elle fugitive, mais néanmoins porteuse de l'espérance d'un couple, est une démarche nécessaire, d’autant plus que nous avons très tôt, au cours de la grossesse, la possibilité technique d’avoir une représentation de la vie de ce fœtus, qu’elle soit visuelle ou sonore.
L'interruption de cette vie en est ainsi plus douloureusement ressentie et le travail de deuil plus que jamais indispensable.
Aussi, en complétant la reconnaissance mémorielle de ces enfants nés sans vie, l’initiative de notre collègue Anne-Catherine Loisier est sensible et honorable.
Au cours de ces dernières années, beaucoup a été fait pour mieux prendre en compte la détresse de ces parents venant de perdre un enfant mort-né ou non viable ; cela a été rappelé.
Tout d’abord, la loi du 8 janvier 1993 a donné un cadre juridique à ces enfants, permettant aux parents d’obtenir un « acte d’enfant sans vie » qui figure dans le registre des décès.
Ensuite, deux décrets du 20 août 2008 ont apporté des précisions : l’un stipulant que l’ « acte d’enfant sans vie » est conditionné à la production d’un certificat médical attestant de l’accouchement de la mère ; l’autre autorisant les couples non mariés dont le premier enfant est né sans vie à faire inscrire celui-ci dans le livret de famille.
L’année suivante, la circulaire de 2009 a permis aux parents de donner un ou plusieurs prénoms à leur enfant mort-né ou non viable.
L’établissement d’un « acte d’enfant sans vie » reconnaît ainsi aux parents la possibilité de faire jouer à l’état civil un rôle symbolique : désormais il existe une trace de l’existence de leur enfant et une individualisation de celui-ci par l’attribution d’un ou plusieurs prénoms.
Surtout, l’établissement d’un « acte d’enfant sans vie » permet aux parents de réclamer à l’établissement de santé, dans les dix jours de l’accouchement, le corps de leur enfant décédé et d’en obtenir la remise afin d’organiser, s’ils le souhaitent, des obsèques.
Enfin, il accorde certains droits sociaux, comme l’attribution d’un congé de maternité ou de paternité.
La proposition de loi que nous examinons à l’instant constituerait une étape supplémentaire dans ce processus de reconnaissance symbolique de l’enfant mort-né ou non viable en permettant de porter sur l’« acte d’enfant sans vie » le nom de l’enfant.
Il s’agirait d’une simple faculté offerte aux parents confrontés à un deuil périnatal et non d’une obligation.
L’attribution de ce nom serait limitée au seul « acte d’enfant sans vie », ne créerait donc aucune filiation et ne reconnaîtrait aucune personnalité juridique à cet enfant mort-né ou non viable.
C’est pourquoi le Groupe « Les Indépendants » est favorable à cette évolution dans la reconnaissance mémorielle de l’enfant sans vie et votera en faveur de ce texte.