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Vanina PAOLI-GAGIN : PLF 2021 - Explication de vote sur l'ensemble du texte

08 décembre 2020


Explication de vote sur l'ensemble du Projet de loi de finances pour 2021

Monsieur le Président,

Monsieur le Président de la Commission,

Monsieur le Rapporteur général,

Monsieur le Ministre,

Mes Chers Collègues,


À la façon d’un Janus, le visage que nous présente ce projet de loi de finances pour 2021 est double : on y voit le passé en même temps que le futur.


Le passé, c’est le poids de la crise, la très forte dégradation de nos comptes publics. Ce sont les conséquences des dépenses que nous avons votées et des recettes qui ont manqué. Le passé, ce sont les stigmates budgétaires du « quoi qu’il en coûte », dont nous avons fait notre mot d’ordre collectif.


Le futur, c’est l’horizon qu’il est de notre devoir de dessiner ensemble pour la France. C’est l’impérieuse nécessité de renouer avec la croissance, notamment en accélérant notre transition écologique. C’est l’innovation scientifique, la réindustrialisation de nos territoires, avec pour objectif d’adapter notre modèle de développement aux enjeux de demain.


En un mot, ce budget est placé sous le signe de la relance. Dans cette période que nous savons si particulière, où nous doutons de nos choix de société dans un monde qui se bipolarise, nous devons être à la hauteur. L’enjeu consiste à bien articuler ces deux temporalités, celle du passé et celle du futur.


D’une part, il s’agit de répondre au besoin de protection exprimé par les Français au cours de la crise sanitaire et économique. La colère sociale monte et fait planer une menace inquiétante sur notre avenir.


D’autre part, il s’agit de ne pas laisser croire que l’ambition de notre réponse politique ne se mesure qu’à l’aune des deniers publics débloqués pour la relance. Les efforts collectifs ne se jaugent pas exclusivement en denier public.


La dette obère le futur des jeunes générations, déjà obscurci par l’épidémie. La situation très inquiétante de nos finances, en cette fin d’année, doit à cet égard nous alerter. Notre taux d’endettement a bondi de 20 points en moins d’un an. Les dépenses publiques représentent près des deux tiers de la richesse nationale. C’est du jamais vu.


Mais comme je l’ai dit, on ne peut pas analyser ce projet de loi finances pour 2021 en se contentant de commenter les principaux indicateurs macroéconomiques. L’important est de déterminer si ce budget « Plan de relance » nous met, oui ou non, sur les bons rails pour le futur.


Pour cela, nous devons reparamétrer notre grille d’analyse. L’exemple de la dette suffit à nous le prouver : alors qu’en 2020 l’État s’est financé par l’emprunt plus que par l’impôt, et que la dette n’en finit pas d’enfler, la charge de la dette, elle, continue de baisser.


Cette bizarrerie découle d’un contexte macroéconomique où les taux sont maintenus artificiellement bas par la Banque centrale européenne. Il est facile, même logique, d’y voir une certaine incitation à l’endettement. Mais le risque d’une remontée des taux, longtemps agité comme un chiffon rouge, se précise.


Dans un article paru il y a un mois dans Les Échos, l’économiste Pierre CAHUC nous explique ainsi pourquoi le miracle de l’argent gratuit pourrait bientôt cesser, avec une remontée des taux d’intérêt réels et ceci doit interroger notre stratégie d’endettement.


Cette hypothèse nous oblige à changer de logiciel : certes, on ne peut pas se satisfaire d’une analyse des indicateurs classiques ; mais on ne peut pas non plus continuer comme si l’argent allait demeurer si bon marché, à cause d’une épargne qui tendrait à se réduire dans les années à venir.


Mais pour l’heure, la situation est toute autre. Grâce aux mesures d’urgence et à cause des restrictions sanitaires, les Français ont épargné plus de 90 milliards d'euros supplémentaires cette année.


Leur taux d'épargne, déjà élevé par rapport à la moyenne européenne, a explosé. Le Livret A a connu une collecte nette de presque 25 milliards entre janvier et octobre. C’est deux fois plus qu’en 2019 et c’est un véritable record historique.


L’enjeu collectif me semble-t-il est donc aujourd’hui de mobiliser utilement cette épargne privée pour consolider les dépenses publiques. Certes, l’avenir de nos commerces et de nos restaurants dépendra largement de la propension des Français à consommer, comme lors du premier déconfinement.


Mais il faut aussi que cette épargne soit investie dans les secteurs d’avenir, au premier rang desquels, la transition écologique. Nous ne réussirons la relance verte que si nous sommes capables de faire des Français – et je le crois sincèrement – dans l’ensemble des territoires, non seulement des acteurs, mais aussi des actionnaires de la transition.


Il en va de notre capacité à renouer avec la croissance sans recourir à l’endettement ni aux hausses d’impôts. Il en va aussi de l’adhésion des Français à la dynamique de la relance, voire de notre cohésion. Le Projet de loi de Finances pour 2021 prévoit des dispositifs intéressants pour mobiliser cette épargne, je tiens à le saluer.


Je pense notamment à la garantie de l’État pour l’investissement dans nos PME et nos ETI permettant de renforcer leurs fonds propres et leur capacité d’investissement. Idem avec la bonification/prorogation de l’IR-PME, dont j’espère, Monsieur le Ministre, que l’Assemblée nationale aura la sagesse de la conserver.


Nous avons également voté des budgets déterminants pour la relance. Je pense évidemment à la mission « Plan de relance », pilotée par Bercy, qui prévoit 2 milliards d’euros pour financer le développement de l’hydrogène.


Je pense aussi à la mission « Écologie », pour moderniser nos infrastructures de mobilités et assurer la rénovation thermique des bâtiments, et à la mission « Travail et emploi » qui permettra de faciliter la reprise d’activité et la montée en compétences pour les plus précaires.


Je pense enfin à la mission « Recherche et Enseignement supérieur », que j’ai eu l’honneur de rapporter avec mon collègue Jean-François Rapin.


Les crédits de cette mission donnent une ossature budgétaire à la loi de programmation de la recherche, que nous avons récemment adoptée. Ils concrétisent notre engagement en faveur d’une croissance plus durable, en phase avec les enjeux de compétitivité, que la France ne saurait ignorer.


Le retour à une forme de croissance est une impérieuse nécessité. Ce sera la seule façon pour nous de retrouver la maîtrise de notre destin national et de réinventer notre souveraineté. Car il serait bien naïf de croire que le monde sortira de cette crise sanitaire plus stable et plus sûr.


Alors que le risque d’un décrochage européen n’a jamais été aussi grand, face à une Amérique en surchauffe et une Asie en accélération continue, nous avons besoin d’un État protecteur, en pointe sur le régalien et juste en appui dynamique sur le reste.


En conclusion, mes Chers Collègues, je voudrais vous livrer une conviction : la réussite de la relance dépend moins des crédits que nous voterons que de notre capacité collective à délivrer des résultats tangibles, dans les territoires. Il en va de l’adhésion des Français à ce projet. Et dans cet élan collectif, la Chambre des territoires doit jouer un rôle clé.


C’est pourquoi, tout en saluant le travail de Monsieur le Rapporteur général, je regrette que le Sénat n’ait pas adopté les crédits de certaines missions pour lesquelles nous devons réarmer l’État. C’est notamment le cas pour les missions « Immigrations » et « Agriculture » et le compte spécial « Participations de l’État ». Ces crédits sont en effet essentiels pour préparer notre pays aux défis qui l’attendent.


Malgré cela, nous voterons ce Projet de loi de Finances tel qu’amendé par le Sénat, en soutien, Monsieur le Ministre au plan de relance initié par le Gouvernement et attendu par nos territoires.

Interventions au Sénat

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