19Décembre 2023
Projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires
Monsieur le Président,
Mesdames les Ministres,
Madame la Rapporteure,
Mes chers Collègues,
Renforçant des dynamiques déjà à l’œuvre, la crise sanitaire a considérablement accru la part du numérique dans nos vies. Les réseaux sociaux en ont massivement profité. De 54 millions d'utilisateurs en janvier 2018, TikTok est passé à plus de 689 millions en juillet 2020.
Les algorithmes et les bulles de filtres fracturent nos sociétés et mettent en péril nos institutions. Sur ces plateformes, les individus sont de plus en plus seuls et la désinformation circule de plus en plus vite. Alors qu’ils devaient nous relier, les réseaux sociaux nous isolent.
Des individus plus isolés sont des individus plus vulnérables. Le phénomène des dérives sectaires n’est pas nouveau mais il s’adapte et tire avantage des évolutions technologiques.
L’arrestation de plusieurs responsables d’une secte de yoga sévissant en Europe nous rappelle la réalité des menaces qui pèsent sur les plus faibles de nos concitoyens : traite de personnes, séquestration, viol ou encore abus de faiblesse.
Nous devons faire davantage pour les protéger. Le texte que nous propose le gouvernement entend renforcer la répression des mouvements qui exploitent la vulnérabilité des personnes.
La commission a déploré à juste titre que la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, MIVILUDES, ne dispose pas de suffisamment de moyens. D’autant plus qu’elle doit répondre à un nombre de signalements en forte augmentation, comme la commission a pu elle-même s’en convaincre.
La commission a cherché à enrichir le texte. Elle l’a fait par la création de circonstances aggravantes relatives à l’utilisation, pour la commission de certaines infractions, de moyens de communication en ligne.
Nous comprenons que l’objectif poursuivi par la Rapporteure a été de ne pas ajouter de nouvelles dispositions à notre droit mais bien de mieux faire appliquer celles qui existent déjà.
Nous remarquons cependant que le texte n’a pas été réduit en commission mais augmenté, y compris pour transcrire dans la loi des dispositions qui figurent déjà dans un décret. Nous craignons que ces mesures soient insuffisantes.
La commission a dans le même temps supprimé l’article 1er, qui créait le délit de placement ou maintien dans un état de sujétion psychologique ou physique, puni de 3 ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende.
Tout comme les associations d’aide aux victimes, nous regrettons cette suppression. Ce nouveau délit aurait en effet contribué à mieux protéger nos concitoyens, en donnant à nos forces de l’ordre et nos magistrats les moyens de poursuivre et condamner des actes qui échappent encore à la justice.
L’article 4 visait quant à lui à mieux réprimer les dérives relatives aux médecines alternatives, c’est-à-dire aux médecines qui n’en sont pas. La MIVILUDES indique faire face à une hausse très significative des signalements les concernant. La pandémie a libéré semble-t-il la créativité des détracteurs de la science, même parfois au sein de cette assemblée.
La commission a fait le choix de supprimer l’article 4. Nous voulons croire que ce choix a été motivé par les réserves exprimées par le Conseil d’État plutôt que par les centaines de mails envoyés par les principaux intéressés. Reste qu’il faudra bien trouver un moyen de mieux lutter contre ces dérives en matière de santé.
L’article 5 constitue à cet égard une avancée. Nous nous félicitons qu’il ait échappé à la suppression. Il nous semble important que les ordres professionnels concernés soient informés des dérives de leurs membres et puissent prendre les mesures qui s’imposent à leur égard.
Dans un monde de plus en plus numérique, nous redoutons que les dérives sectaires ne continuent leur progression. La question des moyens financiers consacrés à la lutte contre ces mouvements est assurément incontournable. Nous devons renforcer ceux dont dispose la MIVILUDES.
La prévention est elle aussi une étape importante dans la lutte contre les dérives sectaires. Nous devons faire davantage en la matière si nous voulons éviter que nos concitoyens vulnérables n’en deviennent victimes.
Il faudra cependant nécessairement adapter notre arsenal répressif si nous voulons que la justice puisse agir en amont, avant que des drames ne se produisent.
Notre groupe soutient les objectifs poursuivis par le texte du Gouvernement.
SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI