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Jérôme BIGNON : Débat sur "La juste mesure du bénévolat dans la société française"

13 mars 2019


Débat sur "La juste mesure du bénévolat dans la société française"

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes Chers Collègues,

A mon tour de remercier le Groupe UC de son initiative bienvenue.

L’Etat n’a plus le monopole de l’intérêt général « les grandes vocations se poursuivent en dehors du lieu de travail » disait Camus. Des millions d’hommes, de femmes, de jeunes s’engagent chaque jour pour agir dans le sens du bien commun.

En pleine effervescence, le secteur de la vie associative se professionnalise, des cours sur l’engagement, sur l’économie sociale et solidaire sont désormais enseignés dans les plus prestigieuses écoles et universités. Le moteur essentiel de la vie associative reste le bénévolat. L’engagement bénévole a sa grandeur : c’est un acte solennel dont on mesure difficilement la valeur en terme monétaire, un signe de courage et de générosité, une forme de promesse à soi et aux autres.

« Être homme, c’est précisément être responsable. », disait Saint Exupéry. Il ajoutait « C’est connaitre la honte en face d’une misère qui ne semblait pas dépendre de soi. C’est sentir, en posant sa pierre, que l’on contribue à bâtir le monde. » Il ne s’agit pas de vouloir changer le monde, mais de redresser une injustice locale, d’améliorer le quotidien de quelques personnes, de trouver des solutions à un problème concret… Les voies de l’engagement sont multiples, les lieux et les raisons de s’engager le sont tout autant. Leur dénominateur commun, c’est le lien social qui se tisse entre des personnes qui unissent leur volonté autour d’une cause commune : bâtir une école au milieu du Burkina Faso, apporter des repas à des gens qui ont faim, lutter contre la prolifération des algues vertes sur les plages de Bretagne… Souvent, ces initiatives viennent d’idées un peu folles mises en forme sur un coin de table, naissent de la rencontre fertile entre les rêveries d’un visionnaire et l’esprit pratique d’un bâtisseur.

Comment mesurer l’apport inestimable de ces initiatives bénévoles, c’est-à-dire désintéressées de toute considération monétaire, lorsque l’on peine déjà à mesurer objectivement la valeur du travail de chacun ? Nous estimons que le bénévolat représente entre 1 et 2% du PIB, soit l’équivalent du budget de la défense ! Les sapeurs-pompiers ont un engagement bénévole pour la plus grande part de leur activité. Ils représentent l’essentiel des effectifs mobilisables. La grande majorité des élus locaux sont bénévoles, je tiens à les remercier pour leur engagement. Le secteur associatif est en quelque sorte le continent immergé de l’économie marchande. Si la valeur économique est énorme, sa vraie valeur ne se quantifie pas en masse monétaire. Au-delà des statistiques, la générosité, l’honneur, le courage d’entreprendre ne se mesurent pas en termes de chiffres agglomérés comme des grains de sable. Faut-il introduire une logique comptable dans le bénévolat ?

Mon activité bénévole m’a apporté tant de joie que je suis convaincu que la plus grande valeur du bénévolat, c’est de rendre heureux.

C’est un moment désintéressé, un moment privilégié de reconnaissance mutuelle, de liberté, d’expression de soi, une réponse à l’individualisme ambiant, au narcissisme d’une société qui se noie dans son propre reflet, à la recherche de sens et de liens. Je fais référence à cette étude de l’école de médecine d’Harvard sur le bonheur, publiée en novembre 2015. Des scientifiques ont observé le quotidien de 724 personnes, pendant 75 ans. Ils en sont venus à la conclusion suivante : loin devant la richesse et le succès, le principal ingrédient du bonheur et de la santé serait la qualité des relations humaines. Aussi, n’en déplaise à Jean-Paul Sartre pour qui l’enfer serait les autres, l’isolement est sans doute la plus terrible épreuve qu’un être humain puisse traverser. En œuvrant à rapprocher les hommes, la vie associative participe à la restauration du lien social, lutte contre l’isolement et l’exclusion, et permet à chacun de trouver sa place au sein de la société. Ce rapprochement, au-delà des âges, des origines géographiques, culturelles et sociales, ce goût pour l’altérité, porte en lui-même les conditions de la vie en société. En ce sens, la vie associative, consacrée dans la société française depuis la loi de 1901, est le creuset de la démocratie. Grâce à l’implication d’une multitude de personnes, progressivement des projets jugés utopiques à leur lancement ont pu prendre corps, devenir réalité et améliorer le quotidien de toute une population. Beaucoup de ces engagements sont en outre, sources d’innovation. N’oublions jamais que quantité de pratiques nouvelles ont diffusé au sein de la société grâce à des initiatives bénévoles, dont certaines ont fait l’objet de nouvelles lois. A la genèse des Restos du Cœur, des bénévoles distribuaient des repas aux plus démunis et offraient une réponse concrète à un besoin criant. Aujourd’hui, la loi contre le gaspillage alimentaire produit ses effets, et dans quelques mois, nous aurons l’occasion d’examiner le projet de loi pour lutter contre le gaspillage des produits invendus, annoncé par le Gouvernement.

La France ne peut se concevoir sans l’engagement de ces citoyens qui ne comptent pas leurs heures, ni leur portefeuille pour donner de leur temps, de leur compétence et de leur générosité au profit de la solidarité nationale.

Chers collègues, le tissu associatif est un élément essentiel du ciment de la République, un des derniers remparts contre l’isolement, je le disais à l’instant, de la montée du populisme. Si l’État ne peut être partout, il doit prendre ses responsabilités pour valoriser l’action de ceux qui agissent là où il ne peut lui-même aller, au cœur du terrain, au plus près des besoins des grandes pauvretés et des initiatives citoyennes.


Interventions au Sénat

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