12 octobre 2022
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur la politique énergétique de la France
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Monsieur le Président,
Madame la Première Ministre,
Messieurs les Ministres,
Mes chers Collègues,
Entre le printemps 2020 et le 1er septembre 2022 les prix de marché ont été multipliés par 3 pour le pétrole, 5 pour le gaz et 40 pour l’électricité. Comment en sommes-nous arrivés là ?
La reprise économique, après le plus fort de la pandémie, a généré des tensions sur les marchés avec le retour de l’inflation.
Le 24 février, en envahissant l’Ukraine, Vladimir Poutine a déclenché un conflit entrainant, en autre, une flambée sans précédent des cours de l’énergie, en se servant ainsi du gaz comme moyen de pression.
L’Europe, qui était dans un état de dépendance vis-à-vis des hydrocarbures russes, est aujourd’hui dans une situation difficile. Ce qui nous annonce un hiver particulièrement compliqué !
Il faut le dire la France est structurellement moins dépendante du gaz russe que l’Allemagne et notamment, qui a renoncé au nucléaire.
La situation de la France semblait meilleure… en théorie. Alors que le nucléaire était l’un des atouts de la politique énergétique française, la moitié de nos 56 réacteurs est aujourd’hui à l’arrêt pour des problèmes de maintenance.
Cette année, nous serons pour la première fois importateur d’électricité parce que nous n’avons pas su anticiper et préserver notre parc !
Pour illustrer cela, le 21 juillet 2022 RTE a importé en moyenne plus de 7000 MW sur le marché spot européen, soit 15 % de la consommation nationale.
Une certaine idée de l’écologie poussait donc pour la réduction voire la disparition du nucléaire. Aujourd’hui notre filière va mal, est mal en point et fragilisée. Nous devons tout faire pour conserver nos savoir-faire et garantir son avenir.
À Saint-Nazaire, le 22 septembre dernier, le Président Macron a esquissé - alors que nous sommes au pied du mur - l’accélération de la stratégie nucléaire de la France.
Il y a 20 ans encore, nous étions les champions du monde de l’énergie nucléaire civile. Nous disposions d’une autonomie et nous exportions même notre excédent électrique.
Nous avons baissé la garde en menant des politiques contradictoires guidées par des choix idéologiques manquant souvent de réalisme.
Je pourrais citer Ségolène Royal qui souhaitait baisser de 75% à 50% la part du nucléaire à l’horizon 2025 ! Une orfèvre en matière de géopolitique et de planification énergétique.
Ne-devrions-nous pas, Madame la Première ministre, réviser cet objectif qui subsiste encore dans la loi à horizon 2035 ? Nous sommes bientôt en 2023 !
Alors même que nous le savons, les besoins d’électricité seront croissants.
A la longue liste qui nous conduit à la situation actuelle on peut ajouter :
- l’abandon du projet de centrale Superphenix de traitement des déchets nucléaires en 1997 ;
- le projet Astrid pourtant lancé en 2010 abandonné en 2019 sans programme de recherches alternatif fermant ainsi la porte à de nouvelles avancées technologiques !
- la décision de fermeture de Fessenheim prise sous la présidence de François Hollande nous obligeant aujourd’hui, dans notre région Grand-Est, à réouvrir une centrale à charbon.
- Je ne parlerai pas de l’affaiblissement continu des capacités financières d’EDF – notamment fragilisé par l’AREN – et qui ne seront pas exclusivement réglées par la nationalisation.
C’est autant d’injonctions contradictoires qui ont contribué à fragiliser cette filière d’excellence française.
La structuration même des portefeuilles ministériels antérieurs ne sont sans doute pas étrangers à cela. Il me semble que les précédents grands Ministères de l’écologique et du développement durable n’avaient pas naturellement dans leur ADN la capacité de planification énergétique et industrielle.
Nous attendons beaucoup de la constitution de ce nouveau ministère de la transition énergétique qui semble aller dans le bon sens ! Notre pays a besoin d’un grand Ministère de l’énergie et de l’industrie !
Par ailleurs, force est de constater qu’on a affaibli, dans notre pays, le pilier du nucléaire sans pour autant atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés dans la PPE en matière d’énergie renouvelable. En effet, les complexités administratives rendent le déploiement des EnR difficile et beaucoup plus long que chez nos voisins européens.
Notre bouquet énergétique à besoin tant du nucléaire que des énergies renouvelables.
Les projets de loi que vous avez annoncés aujourd’hui doivent absolument devoir y répondre. Il faut travailler sur tous ces leviers. Il n’est plus acceptable d’attendre plus de 10 ans pour voir naître un projet éolien ou solaire, porté et voulu par les territoires. Et sur nos territoires, pratiquement le double des pays européens qui nous entourent.
La crise à laquelle nous devons faire face rend cependant criant le besoin d’un changement structurel de notre politique énergétique française.
Notre économie est déjà touchée par la crise énergétique.
Il faut bien sûr veiller à ne pas fragiliser davantage notre tissu économique. Dans le cadre d’un éventuel délestage il faudra absolument être en mesure de protéger et de prioriser la capacité productive.
Actuellement, force est de constater qu'en France, de plus en plus d’usines tournent au ralenti à cause des prix de l’énergie. Nous sommes, sur nos territoires, tous alertés sur la situation complexe voire intenable dans le temps, en matière d’industrie, d’artisanat et quelquefois, d’agriculture également.
Beaucoup de nos chaînes de valeur sont mises en péril par des importations plus compétitives. La crise énergétique est en train de porter un coup dur à notre industrie, au mouvement nécessaire de réindustrialisation dont la France a besoin.
Nos collectivités territoriales, nos entreprises ainsi que les ménages français, déjà fortement affectés subissent d’ores et déjà les conséquences économiques de cette crise énergétique.
Les inquiétudes qui nous remontent du terrain sont grandissantes.
La France a mis en place un bouclier tarifaire afin d’aider les ménages à faire face à l’envolée des prix de l’énergie.
Ces mesures nécessaires ont un coût et sont un coût important et pourtant elles demeurent incomplètes au regard des disparités des situations rencontrées sur le terrain.
L’Europe doit, au plus vite, trouver des solutions, il faut penser différemment la politique énergétique européenne et plus précisément le marché intérieur européen de l’énergie. Nous devons découpler le prix de l’électricité de celui du gaz, vous l’avez annoncé.
Pour conclure, nous devons bâtir une véritable stratégie de long terme. Elle ne peut être dissociée de la question industrielle. L’énergie est au cœur de notre économie.
En conclusion, notre politique énergétique doit reposer sur 3 piliers :
- Premièrement : une optimisation et la promotion d’économies d’énergie reposant sur la recherche, le développement de technologies économes, sur la rénovation énergétique ;
- Deuxièmement : le développement autant que possible des énergies renouvelables ;
- Et troisièmement : La relance du nucléaire autant que nécessaire en accentuant nos savoir-faire technologiques.
Mes chers Collègues, il n’y a pas de place pour l’idéologie et le dogmatisme. Nous devons porter une vision de long terme répondant aux besoins croissants de demande d’électricité décarbonée et ainsi aller vers la sortie programmée des énergies fossiles.
Contact : communication@independants.senat.fr