24 février 2022
Débat à la suite du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Président de la Cour des Comptes,
Chers Collègues,
L’actualité a ceci de singulier qu’elle change du tout au tout en quelques jours. Aujourd’hui, nos regards sont, à raison, rivés vers l’Est, où la Russie ravive les peurs d’un conflit mondial, et aussi vers le Sud, où la situation malienne nous fait craindre l’émergence d’une nouvelle base djihadiste.
Et quand la situation internationale cesse de nous occuper, nous retournons à nos affaires nationales. Alors les prochaines échéances électorales saturent tout l’espace médiatique. Nous en venons à oublier qu’une pandémie bouleverse le monde depuis deux ans.
Pourtant, s’il y a bien un domaine où nous ne sommes pas près d’oublier la crise sanitaire, ce sont nos finances publiques. Et le rapport annuel de la Cour des Comptes nous en fait une douloureuse piqûre de rappel…
Tous les principaux indicateurs prouvent que nos finances publiques ont été lourdement éprouvées par la crise :
- le déficit qui demeure extrêmement élevé, autour de 130 milliards d’euros en 2022, soit encore près du double de 2019, mais heureusement bien en-deçà de la barre des 200 milliards, franchie en 2020 et 2021 ;
- le taux d’endettement semble se stabiliser autour de 115%, soit plus de 15 points au-dessus du niveau de 2019 ;
- notre pays demeure champion des prélèvements obligatoires et de la dépense publique, même si les taux sont en l’occurrence, déjà revenus aux niveaux d’avant-crise.
Une simple analyse de ces indicateurs nous rappelle que la France mettra des années, si ce n’est des décennies, pour effacer de ses comptes publics les séquelles de la pandémie. Nous paierons longtemps les mesures d’urgence.
Je pense nécessaire de rappeler ces éléments structurants, non pas pour accabler le Gouvernement pour sa gestion de la crise sanitaire, mais parce que le désendettement de l’État doit devenir une priorité politique pour les prochaines années. Il en va de notre souveraineté nationale.
Le creusement du déficit et de la dette publics a été causé par une augmentation très forte des dépenses, et une baisse très forte aussi des recettes. Or c’est le même phénomène qui s’applique à plusieurs échelles.
Je souhaite ici évoquer le cas des grands aéroports, qui fait l’objet d’un chapitre à part entière du Rapport annuel de la Cour des Comptes. Là aussi, l’effondrement des recettes et l’augmentation des dépenses a fragilisé les structures.
Avec la crise, le trafic aérien a marqué un coup d’arrêt brutal. Certains scénarios indiquent qu’il faudra attendre 2024, en Europe, pour que le niveau de fréquentation retrouve son niveau d’avant-crise.
En conséquence, les recettes des aéroports, qui dépendent directement du trafic, se sont elles aussi effondrées, et avec elles les marges d’exploitation. Le soutien de l’État a été total, mais les aéroports ont été contraints à de grands plans d’économie pour assainir leurs finances.
Plus fondamentalement, c’est tout un modèle qui est remis en question. Le Rapport annuel a mis en évidence les limites du financement, par la taxe d’aéroport, des missions de sécurité et de sûreté. Il faudra repenser l’avenir des aéroports en France avec la levée progressive des restrictions sanitaires.
Cette situation est d’autant plus grave que la santé financière des aéroports révèle le dynamisme de nombreux territoires. C’est particulièrement le cas chez moi, à l’Île de La Réunion, où l’aéroport Roland Garros est un poumon économique.
Je souhaite donc connaître l’avis du Gouvernement sur les deux recommandations formulées par la Cour des Comptes à ce sujet. Pour les élus de la Réunion, il ne s’agit pas seulement de savoir si les comptes de notre aéroport seront équilibrés, mais bien de savoir si notre Île pourra renouer plus fortement les liens humains, commerciaux et économiques, que la crise sanitaire a menacé de délier.
Vous l’aurez compris, que ce soit pour des territoires en particulier, ou pour le pays en général, notre Groupe est convaincu que la crise sanitaire nous oblige à renouer rapidement avec la bonne gestion financière d’avant-crise.
C’est l’une des conditions du redressement économique de la France. Le défi sera pour nous, de nous assurer que cette gestion financière ne se fera pas au détriment de la croissance économique.