04 octobre 2022
Débat sur les conclusions du rapport "Abysses : la dernière frontière ?"
(publié suite à la mission d'information "Exploration, protection et exploitation des fonds marins : quelle stratégie pour la France ?")
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,
« Les Français aiment la mer, mais ils la connaissent mal » disait Jacques Chirac. La surface maritime de la France est, en effet ça vient d’être rappelé, 17 fois supérieure à sa surface terrestre. C’est dire à quel point il est difficile d’appréhender la présence française sur tous les océans.
Ces vastes espaces contiennent un grand potentiel de ressources maritimes. Parmi celles-ci se trouvent les ressources de nos fonds marins et nous ne connaissons que très peu ces fonds, tout le monde l’a rappelé. Il est en effet relativement difficile et coûteux bien sûr, d’explorer les abysses, surtout lorsque les profondeurs se comptent en milliers de mètres. De précieuses ressources minières sont néanmoins susceptibles de s’y trouver.
Nous ne sommes pas les seuls à nous intéresser à ces ressources. En Europe, l’Allemagne et la Norvège sont en train de creuser l’écart. Elles restent bien sûr, encore très loin derrière les deux super puissances que sont les États-Unis et la Chine.
Certains pays s’intéressent de près à nos territoires, notamment dans le Pacifique. Pour les ressources qu’ils pourraient contenir mais aussi car nos fonds contiennent des infrastructures stratégiques : câbles de communication mais aussi pipelines. De récents sabotages soulignent leur caractère stratégique, ainsi que la volonté de certains acteurs de les instrumentaliser.
L’une de nos premières priorités doit être donc l’exploration. Dresser l’état des lieux de nos fonds marins est indispensable pour préserver efficacement notre biodiversité. Cela l’est tout autant pour déterminer l’existence de ressources minières.
Il nous semble à cet égard que la France doit investir suffisamment dans la technologie pour mieux contrôler ses espaces maritimes. Les drones sont une technologie particulièrement utile à l’exploration sous-marine : il est essentiel que nous puissions la maîtriser.
Les recommandations du rapport d’information traduisent la nécessité d’investir ce sujet. Notre Groupe est bien sûr favorable au renforcement du rôle du Parlement dans le développement de ces projets, il est nécessaire de parvenir à des solutions équilibrées pour permettre à la France d’avancer.
Nous sommes également très favorables au retour d’un ministère de la mer de plein exercice. Cela contribuerait à redonner toute sa place à cette dimension majeure. L’Histoire démontre amplement que la maîtrise des mers est un important facteur de puissance.
Et puis, petit paragraphe sur la Bretagne.
Monsieur le Président, Mon cher Michel CANEVET le mercredi 24 octobre 2019 reste gravé dans ma mémoire avec amertume. Nous débattions de la loi relative à la délimitation des régions. Nous défendions ensemble une Bretagne à 5 départements. Nous voulions créer un pôle mondial de compétitivité mer conciliant tous les domaines de l’innovation, de la recherche jusqu’à la construction navale.
Économiquement, la Bretagne à cinq départements, c’était la constitution d’une vraie région maritime, avec en façade deux grands ports, Brest et Nantes-Saint-Nazaire. La Bretagne, berceau naturel des activités en lien avec la mer, est une porte naturelle pour conduire une grande politique maritime utile à l’ensemble de la France, à l’heure où l’essentiel du trafic mondial des marchandises s’effectue par voie maritime. Nous n’avons pas été entendus et aujourd’hui nous constatons une perte de compétitivité des ports français avec des besoins d’investissements importants ; j’ai bien entendu, Monsieur le Ministre, qu’il y aurait une coordination nationale. Il y aurait un peu moins de régions et plus marqué sur le maritime, ça serait plus simple.
Il n’est pas réaliste de croire qu’avec des moyens limités, la France serait en mesure de rivaliser avec des capacités américaines ou chinoises. Il reste bien entendu indispensable que notre pays soit en mesure de garantir sa souveraineté sur l’ensemble de ses espaces. Pour être crédible tout en tenant compte de nos capacités, la France peut compter sur la conclusion de partenariats avec des puissances qui partagent ses intérêts.
En juin dernier, Monsieur le Ministre, Monsieur le Ministre de nos armées, de la défense a signé un accord de soutien logistique avec Singapour. Nous nous en réjouissons, puisqu’il bénéficiera aux armées de nos deux pays. Mais nous ne disposons pas de moyens militaires qui nous permettent de contrôler intégralement les vastes étendues qui sont sous notre juridiction. A l’inverse Singapour détient d’importants moyens mais n’a pas l’espace suffisant pour les déployer. Cela pourrait servir de base à d’autres partenariats plus globaux qui permettraient donc de protéger notre patrimoine marin.
J’espère que la construction d’un nouveau porte-avions – il y a parfois quelques bruits sur la question – se fera bien comme prévu, en renforçant nos coopérations et alliances face à des super puissances qui ne cessent d’envahir les espaces marins. Nos partenaires européens disposent en effet de capacités significatives. La Suède actuellement construit la coque d’une frégate de 7 000 tonnes – une frégate de 7 000 tonnes c’est plus que n’importe qu’elle autre frégate que nous ayons en France –, et nombre de systèmes sur cette frégate qui ont été embarqués sont français.
Les fonds marins seront l’un des prochains enjeux de rivalité entre les États. Il faudra bien sûr, être en capacité de défendre nos intérêts. Ils s’y constituent, ces fonds marins, d’importantes sources de développement économique. C’est un rendez-vous qu’il ne faut pas manquer !
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