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Joël GUERRIAU : Déclaration du Gouvernement - Politique étrangère de la France en Afrique

6 juin 2023


Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative à la politique étrangère de la France en Afrique


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Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Président de la Commission des Affaires étrangères et de la défense,

Mes chers Collègues,


Le 15 juillet 1959, le général De Gaulle ouvrait ici même la première session du Sénat de la communauté qui réunissait 284 sénateurs dont 98 qui représentaient des pays africains, 12 pays africains exactement. Le futur chef d’Etat du Sénégal siégeait, en tant que Sénateur, dans cet hémicycle.


À peine un an plus tard, au printemps 1960, la fin prématurée de la Communauté nous renvoie au discours du général de Gaulle, et je cite : « La grande chance de la paix et de la civilisation c'est que les hommes, les enfants de l'humanité qui disposent des moyens voulus apportent leur aide à cette humanité toute entière. »


60 ans plus tard nous souhaitons entretenir un lien d’estime et d’attachement réciproque avec le continent africain.


Vous l’avez rappelé, Madame la Ministre, nous tentons, au mieux de nos capacités, de contribuer à apporter notre aide lorsqu’elle est souhaitée pour résoudre les crises que ces pays rencontrent.


Plus de la moitié de l’aide publique au développement de la France est consacrée au continent africain. La coopération décentralisée des collectivités française participe à construire des infrastructures : des puits, des routes, des écoles, des dispensaires, afin d’améliorer le quotidien des populations. Et ce faisant, nous contribuons à réduire la pauvreté et ses conséquences conflictuelles. Notre engagement, bien sûr, ne s’arrête pas là.


Vous l’avez souligné, Monsieur le Ministre, nous participons depuis de nombreuses années à des missions de maintien de la paix. La France a notamment répondu présente en 2013 lorsqu’elle a été appelée pour empêcher les djihadistes de prendre Bamako. 53 soldats français ont péri au Sahel lors de ces opérations et je veux bien sûr, leur rendre hommage ce soir, avec une pensée pour leur famille et pour leurs camarades.


Malgré la force et la constance de notre engagement, notre pays fait l’objet depuis environ une décennie de campagnes de propagande destinées à attiser la haine à notre égard. La Russie comptant parmi les meilleures spécialistes de la désinformation, nous n’avons pas été surpris de voir la milice Wagner intervenir en Centrafrique puis au Mali.


La France, encore davantage depuis le Brexit, assume un rôle moteur dans les opérations de maintien de la paix lancées par l’Union européenne. Nous ne pouvons cependant pas être les seuls à supporter cette charge. Assez modérément soutenue tant par les gouvernements locaux que par nos partenaires européens, notre pays a progressivement réduit son engagement en Afrique.


Force est cependant de constater que la prolifération de mouvements islamistes, l’intervention de la milice russe, et le piège de la dette chinoise, ouvrent de sérieux motifs d’inquiétude.


Avec la croissance démographique et le dérèglement climatique en toile de fond, l’Afrique est exposée au risque de graves crises. Nous assistons aujourd’hui à une véritable crise des institutions dans certains états africains. Les récents évènements au Soudan confirment cette triste perspective, tout comme la famine qui menace la Corne de l’Afrique.


Plutôt que de préparer l’avenir, beaucoup ont malheureusement été détournés de la réalité par une idée qui continue de faire couler beaucoup d’encre : la Françafrique bouc émissaire de tous les maux. Ce comportement trouble une appréciation correcte des faits politiques, couvrant par des mensonges l’incapacité de dirigeants à répondre aux attentes de leur peuple, le pouvoir se concentrant entre les mains d’un Président ou d’une junte qui use et abuse de son pouvoir.


Les faits sont cependant bien éloignés des thèses imaginées par des agitateurs sur les deux rives de la Méditerranée. La raison en est simple : l’ensemble du continent africain représente environ 5 % du commerce extérieur français en 2022 et ce chiffre fait voler en éclats le fantasme de l’eldorado.


Le premier partenaire commercial de l’Afrique est désormais la Chine. Le poids de la France ne cesse de s’amenuiser, à mesure que d’autres puissances prennent leur essor. C’est une réalité à laquelle nous devons nous adapter.


Cette réalité est aussi composée de nouvelles amitiés. Tout comme l’Afrique du Sud, l’Algérie qui ne cache plus sa proximité avec Moscou.


Elle a ainsi mené des exercices militaires avec l’armée de Poutine, et refuse dans le même temps de délivrer des laissez-passer consulaires, nécessaires au retour des algériens expulsés par la France. Elle n’est pas la seule à s’être égarée. Après plusieurs putschs, le Mali s’enfonce dans la crise, préférant répondre par la force aux carences de son État.


Ce ne sont là que quelques exemples. Ils sont autant de signes d’une tendance qui voit l’influence occidentale refluer sur le continent africain.

Nous n’avons pas les mêmes valeurs que la Russie de Poutine et la Chine de Xi Jinping. Les gouvernements africains sont libres de nouer de nouveaux partenariats. Libres, et donc responsables. Il leur reviendra d’assumer l’ensemble des conséquences qui en découleront.


Dans cette nouvelle configuration, il est nécessaire d’ajuster la politique étrangère de la France. Faut-il continuer nos efforts en poursuivant les mêmes orientations avec la même intensité ? En avons-nous encore les moyens ? Éprouvées par la crise de la covid, nos finances publiques sont dans un état préoccupant. Elles sont d’ores et déjà mobilisées par le retour de la guerre en Europe.


L’invasion russe de l’Ukraine a fait prendre conscience aux Européens de la nécessité de prendre en main leur propre sécurité. Les efforts budgétaires consentis par les gouvernements du continent sont conséquents, et visent à préparer nos armées à des engagements de haute intensité.


Avec des moyens limités, la concertation avec nos partenaires européens est encore plus nécessaire. La France sait depuis longtemps qu’il est dans l’intérêt de l’Union européenne de se préoccuper du devenir du continent africain. Certains États membres doivent encore être convaincus.


La population, qui compte aujourd’hui 1 milliard d’individus, pourrait passer à 2,4 milliards d’ici à 2050.


Dans le même temps, l’accroissement de population peut intensifier la gravité des crises. Celles qui ne trouvent pas de solutions locales génèrent des déplacements de population qui, elles, concernent directement notre contient européen.


Le Groupe Les Indépendants considère que les ambitions de la politique étrangère de la France en Afrique doivent être proportionnées aux moyens dont nous disposons. A cet effet, nous saluons la décision du Président relative à la cogérance de bases militaires avec les pays dont nous partageons les objectifs. Il conviendra également de repenser notre relation avec l’Afrique, sur les plans sécuritaires, migratoires, économiques et également de retrouver des instances de dialogues et d’échanges, à l’instar de l’Union pour la méditerranée.


Il nous apparaît ensuite nécessaire de concentrer nos efforts sur les pays qui partagent nos valeurs et se montrent solidaires.


Rappelons que sept pays dont l’Érythrée et le Mali, à l’ONU, ont refusé de condamner l’agression Russe en Ukraine.


Nous n’avons pas que des amis parmi les dirigeants africains. Dans la nouvelle configuration, il nous semble qu’il est important d’investir en faveur de nos alliés en veillant à ne pas renforcer nos adversaires. Cela implique une stricte sélection des pays et des projets auxquels nous consacrons notre aide. Qu’il s’agisse de la vie de nos soldats ou de milliards d’aide publique.


Également libre et indépendante, la France doit agir au mieux de ses intérêts. Pour cela une approche paraît adaptée, avec deux axes essentiels à nos yeux : la réciprocité avec une entente cordiale.


Merci.

Interventions au Sénat

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