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"La loi doit être la même en ligne ou hors-ligne", Claude Malhuret ; OuestFrance.fr/Public Sénat.fr


Le sénateur Claude Malhuret plaide pour une nouvelle loi obligeant les réseaux sociaux à supprimer leurs contenus haineux. Il compte sur l’adoption de lois similaires dans plusieurs grands pays européens pour pousser l’Union européenne à agir. Objectif : tenir les plateformes pour responsables des messages qu’elles diffusent. Et les contraindre à les modérer avant publication.


Le sénateur de l’Allier Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants – Liberté et territoires au Sénat, appelle à prendre des mesures efficaces pour juguler le harcèlement en ligne.


Après l’assassinat de Samuel Paty, préparé par les torrents d’injures de fanatiques sur les réseaux antisociaux »,dit-il, Claude Malhuret a demandé au Premier ministre d’aller plus loin que la création d’un délit de mise en danger de la vie d’autrui par Internet proposée par Jean Castex.



Claude Malhuret, le 20 mai 2020, dans les jardins du Sénat. | YANN CASTANIER / OUEST-FRANCE


"L’Assemblée Nationale a voté la loi qui imposait le retrait des contenus haineux dans les 24 heures. Cette loi a été censurée par le Conseil Constitutionnel au nom de la liberté d’expression. Cette censure laisse le problème entier, estime le sénateur Malhuret. La seule façon de nettoyer le dépotoir des réseaux antisociaux est l’obligation du retrait des contenus haineux. Il faut absolument y revenir, sous une forme acceptable par le Conseil Constitutionnel."



Faut-il réguler l’expression sur les réseaux sociaux ?

Cette question ne me paraît même pas devoir donner lieu à débat. L’écrasante majorité des gens ne cesse de dire c’est une catastrophe, et pas seulement pour la démocratie. Nous avons tous entendu parler de Mila, condamnée à vivre sous protection policière, de jeunes filles qui se sont suicidées après un harcèlement en ligne, nous avons vu comment des milliers de gens se sont écharpés au sujet de l’hydroxychloroquine… Il y a unanimité sur les dérives des réseaux sociaux. Ils mettent le feu partout, hystérisent le débat public en lui donnant une teneur de polémique et de haine. Tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut que cela cesse.


On ne peut pas tout dire en ligne, il existe déjà des garde-fous, non ?

Sont-ils efficaces ? Non ! On n’a pas de résultat, on aboutit même à l’exact contraire de ce que l’on prétendait faire puisque le nombre de plaies ouvertes par les réseaux sociaux s’est multiplié au cours des 10 dernières années. Les moyens actuels de la justice et de la police sont dérisoires face au problème. Pour un harceleur condamné, des centaines de milliers ne sont ni poursuivis, ni sanctionnés. Rien n’est réglé. Le temps des juges se compte en mois, voire en années, quand celui des réseaux sociaux se compte en secondes. Il y a des milliards de messages échangés quotidiennement. Croire que la justice et la police peuvent contrôler cela, c’est n’y rien comprendre !


« Les plateformes ont les moyens de modérer »


Quelle serait la bonne méthode pour s’attaquer au problème ?

Les seuls capables de réguler les réseaux sociaux, ce sont les réseaux sociaux eux-mêmes. Les adversaires de la loi Avia estiment que son principe reviendrait à abandonner le contrôle de la liberté d’expression à des sociétés privées, alors que seul le juge doit pouvoir le faire.

C’est pourtant ce que la loi de 1881 impose aux éditeurs de presse, en leur interdisant de publier des propos injurieux, diffamatoires ou des appels au meurtre sans que quiconque ne trouve à y redire ! Responsables pénalement, ils s’assurent de ne rien publier d’illégal, sans intervention des juges, ce que tout le monde trouve parfaitement normal.


Faut-il appliquer les mêmes règles aux plateformes numériques ?

Elles ont les moyens technologiques de faire de la modération avant la mise en ligne de messages. Il n’est pas déraisonnable d’envisager de leur imposer, de la même façon que les secrétaires de rédaction modèrent les contenus de la presse avant publication.


« La haine fait du clic »

Mais le Conseil constitutionnel a rejeté la loi Avia au nom de la liberté d’expression…

Pourquoi la loi de 1881 ne pourrait-elle pas s’appliquer aux plateformes ? Au nom de l’histoire libertarienne d’internet ? Mais nous n’en sommes plus à l’internet des débuts ! Internet permet certes toujours des progrès fantastiques dans la connaissance, mais les réseaux sociaux et leurs dérives n’existaient pas en 1995. Je ne vois pas au nom de quoi les plateformes échapperaient aux responsabilités imposées à la presse. Elles doivent se donner les moyens technologiques leur permettant de ne pas se mettre dans l’illégalité.


Une nouvelle loi résoudrait le problème ?

Le problème, c’est de réussir à forcer les réseaux sociaux à modérer efficacement leurs contenus, ce qu’ils ne feront pas spontanément. Ce qui fait du fric, c’est les clics, et la haine fait du clic. C’est la raison pour laquelle ils luttent pied à pied, au prétexte de la liberté d’expression, pour se donner le minimum d’obligations. Il n’y a qu’en les menaçant, parce qu’il faut bien que les démocraties se défendent, qu’on peut arriver à les faire bouger. Une nouvelle loi permettrait de mettre la pression à la fois sur l’Union européenne et sur les plateformes.


« Tous les pays de l’Union ont le même problème »


Pourquoi mettre la pression sur l’Union européenne ?

L’Allemagne a adopté une loi plus dure que la loi Avia. Elle a fait débat outre-Rhin mais n’a pas été censurée par la cour constitutionnelle allemande. Il était bien clair pour les Allemands que cette loi nationale n’aurait que peu d’efficacité, tout comme la nôtre. Mais si plusieurs grands pays européens adoptent des lois du même type, on peut enclencher un mouvement à l’échelle de l’Union. C’est le raisonnement allemand, c’était tout l’intérêt de la loi Avia, et c’est le bon échelon pour agir.

Il faut revoir la directive 2000 de l’Union Européenne sur le numérique, complètement obsolète aujourd’hui. Tous les pays de l’Union sont confrontés aux mêmes problèmes. Thierry Breton [Commissaire Européen au Marché Intérieur en charge notamment de l’industrie et du numérique, ex-Président d’Atos] qui est chargé de préparer une nouvelle directive, dit exactement la même chose que moi dans une récente interview au Monde : « Ce qui est permis off line doit être permis on line, ce qui est interdit off line doit être interdit on line ».


Une intervention de l’Europe ferait vraiment bouger les lignes ?

La solution consiste à élaborer, avec les réseaux sociaux, des accords leur fixant des obligations de moyens et de résultats sur la modération. Avant et après publication, avec retrait sous 24 heures des messages signalés litigieux. Les discussions sur ces principes n’aboutiront qu’à la condition qu’elles se tiennent directement entre les Gafam et les gouvernements. L’Union européenne aurait plus de poids que les États seuls. Tout en sachant qu’il existe d’autres leviers, qui pourraient s’avérer encore plus efficaces.


Lesquels ?

Les Gafam sont en train de changer d’attitude du fait d’initiatives inattendues. Ça secoue aussi aux États-Unis. En juin, plusieurs multinationales ont décidé de retirer leurs publicités à Facebook, accusé de ne pas lutter contre la diffusion de contenus haineux. Les démocrates, persuadés d’avoir perdu en 2016 à cause de la diffusion de fake news, sont décidés à agir. Les autorités américaines pourraient réactiver les lois antitrust contre les géants du numérique, en situation de monopole. Si Joe Biden est élu, il va y avoir du chamboulement.

Recueilli par Stéphane VERNAY




À l’initiative de Claude Malhuret (Les Indépendants), un débat s’est tenu au Sénat avec le secrétaire d’État chargé du Numérique, intitulé « contenus haineux sur internet : en ligne ou hors ligne, la loi doit être la même ». L’occasion pour le gouvernement de préciser les solutions législatives qu’il veut mettre en œuvre rapidement.


L’attentat de Conflans-Sainte-Honorine n’a fait que renforcer sa conviction. Depuis l’assassinat de Samuel Paty, « préparé par les torrents d’injures des fanatiques sur les réseaux », le sénateur Claude Malhuret, le président du groupe Les Indépendants – République et territoires, donne de la voix contre ce qu’il nomme les « réseaux antisociaux ». Le sénateur de l’Allier, qui fait souvent parler de lui sur Twitter grâce à la verve de ses interventions en tribune, avait convoqué ce 19 novembre au Sénat un débat interactif entre les groupes politiques et le gouvernement. Le thème ? « Contenus haineux sur internet : en ligne ou hors ligne, la loi doit être la même ».

Cinq mois après la censure de l’essentiel de la loi Avia (contre les contenus haineux) par le Conseil constitutionnel, Claude Malhuret a estimé qu’il était « urgent de se donner des lois enfin efficaces contre la haine en ligne ». « Comment comprendre que l’on n’impose pas aux plateformes ce qu’on impose à la presse depuis 1881 ? » s’est-il exclamé.


« Tout un pan de l’internet est devenu un dépotoir »


Inquiet du sentiment d’ « impunité » de certains internautes, le sénateur n’a pas manqué de décocher plusieurs flèches contre les grandes plateformes numériques, dont il dénonce la « passivité » et le modèle économique, fondé sur des algorithmes qui favorisent la « viralité de propos indignés, haineux ou injurieux ». « Une bonne partie de l’écosystème des réseaux sociaux ressemble chaque jour un peu plus à des gangs rivaux s’agressant dans des quartiers mal famés », a-t-il dénoncé. Harcèlements, propos racistes ou sexistes, menaces de mort ou apologie du terrorisme, le sénateur fait le douloureux constat que « tout un pan de l’internet est devenu un dépotoir ». Face au problème qu’il devient « urgent d’endiguer », le sénateur a estimé que plus personne ne pouvait « fermer les yeux » et qu’il en allait de la « stabilité de nos démocraties » de mener le combat contre les « incendiaires du web ».

Le secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, Cédric O, a planté le décor avec une certaine gravité. « Si on n’est pas capable de réguler efficacement internet et de protéger [les] concitoyens, ils finiront par voter pour des solutions un peu plus radicales. » Mais il reconnaît que la résolution du problème est complexe, à cause du caractère massif des infractions. Le retrait des contenus problématiques ne sera qu’une partie de la réponse.


Par Guillaume Jacquot

Interventions au Sénat

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