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Vanina Paoli-Gagin : contrôle des investissements étrangers en France et souveraineté

29 mai 2024

Débat sur le thème : « Le contrôle des investissements étrangers en France comme outil d'une stratégie d'intelligence économique au service de notre souveraineté »



Madame la Présidente,

Monsieur le Ministre,

Mes Chers Collègues,

 

Depuis 5 ans, la France est le pays européen qui attire le plus de capitaux étrangers. Nous pouvons en être fiers : cela prouve que notre pays est redevenu attractif, et que le « site France » est redevenu compétitif.

 

Alors que la concurrence internationale n’a jamais été aussi vive, entre le dumping « by design » et permanent de la Chine et la politique agressive de l’IRA aux États-Unis, cette attractivité retrouvée est un atout stratégique. Mais elle nous oblige.

 

Car faire entrer des capitaux étrangers sur notre sol, se reposer sur ces flux pour irriguer notre tissu économique et démocratique. Cela peut aussi exposer notre Nation à des intérêts qui ne sont pas les siens.

 

C’est le propre des sociétés ouvertes et la condition de toute puissance économique. Mais, dans le contexte que je viens de rappeler, nous aurions tort de verser dans l’irénisme.

Le libéralisme n’interdit pas l’intervention de l’État ; il l’encadre pour éviter qu’elle n’entrave le fonctionnement du marché. On peut tout à fait défendre l’économie de marché et confier à la puissance publique la mission de contrôler les investissements étrangers. Le meilleur exemple s’en trouve outre-Atlantique.

 

Il y a encore quelques années, le concept de « souveraineté » avait chez nous mauvaise presse. On ne l’utilisait que pour dénoncer les excès de la mondialisation, que pour s’opposer au commerce international.

 

L’ère de la naïveté est terminée. La France, et plus globalement l’Europe, ont compris que leur destin géopolitique dépend de leur capacité à défendre leur souveraineté économique. Cette prise de conscience est sans doute tardive, mais salutaire.

 

C’est pourquoi je remercie nos collègues du Groupe RDPI d’avoir inscrit à l’ordre du jour ce débat sur le contrôle des investissements étrangers en France. Je pense que nous sommes nombreux ici à considérer qu’il s’agit d’un outil stratégique au service de notre souveraineté.

Sur ce point, la loi PACTE de 2019 avait déjà renforcé l’arsenal public de contrôle des investissements étrangers dans certains secteurs stratégiques. Plus récemment, le Gouvernement a encore rehaussé cette ambition, en pérennisant le contrôle des franchissements de seuil de 10% dans les sociétés cotées, et en élargissant le champ d’application du contrôle.

 

Il serait intéressant pour la Représentation nationale que Bercy puisse nous fournir des informations sur les cas d’usage de cette nouvelle mesure, devenue effective au 1er janvier dernier.

 

C’est évidemment sur ces aspects capitalistiques que ce contrôle est le plus stratégique, et je tiens à dire que notre Groupe soutient pleinement cette approche.

 

Dans la même logique, il me semblerait pertinent de renforcer notre arsenal de contrôle des investissements étrangers par le biais du levier fiscal. En effet, l’attractivité du « site France », que j’évoquais en préambule, tient aussi en partie aux mécanismes d’incitation fiscale que nous déployons pour qu’une entreprise étrangère décide de s’installer chez nous, plutôt qu’ailleurs.

Parmi ces mécanismes, le crédit d’impôt recherche tient la part belle. Avec plus de 7 milliards d’euros annuels, cette dépense fiscale constitue évidemment un outil très puissant pour attirer des investissements étrangers.

 

Mais j’ose espérer, Monsieur le Ministre, que les entreprises étrangères ne choisissent pas de venir en France seulement à cause du CIR. Car l’attractivité du pays ne doit pas se payer en deniers publics, mais en opportunités économiques.

 

En tout état de cause, il me semble pertinent de renforcer les mesures de contrôle dans l’utilisation du CIR. Cela vaut en particulier pour la sous-traitance : il s’agit de garantir que ces dépenses fiscales bénéficient d’abord et surtout à notre propre écosystème d’innovation, en France et en Europe.

 

Ce raisonnement vaut également pour d’autres leviers fiscaux. Alors que le Gouvernement a prévu de rationaliser les dépenses, il me semble inévitable de rouvrir le sujet lors du prochain budget. Il en va de l’efficacité de nos dépenses publiques.

Dans le cadre de la mission d’information sur la recherche et l’innovation, dont j’ai eu l’honneur de rapporter les travaux, il y a maintenant deux ans, nous avions identifié ce sujet comme un levier stratégique pour accélérer la réindustrialisation de nos territoires.

 

Car la réindustrialisation de nos territoires ne peut se résumer à l’arrivée d’investissements étrangers en France. Nous devons en premier lieu nous assurer que les deniers publics favorisent notre écosystème d’innovation, nos instituts de recherche publique, nos startups industrielles — bref, tout ce continuum qui permet à une découverte scientifique de devenir un produit de marché compétitif.

 

Ce n’est peut-être pas le pari le plus rémunérateur à court terme. Mais c’est, au long terme, le seul qui nous permettra de recouvrer notre souveraineté économique. C’est, je crois, Monsieur le Ministre, mes Chers Collègues, le sens qui doit guider notre action.


SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.

Interventions au Sénat

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