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Vanina Paoli-Gagin : Rapport public annuel de la Cour des comptes

13 mars 2024

Débat à la suite du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes



Monsieur le Président,

Monsieur le Premier Président,

Monsieur le Président de la Commission,

Monsieur le Rapporteur général,

Mes Chers Collègues,

 

« Nos gains de performance ont un coût caché. La dette accumulée, longtemps restée invisible, se manifeste désormais au grand jour dans les écosystèmes. Notre performance alimente une guerre contre la nature. Nous avons optimisé notre environnement pour le mettre au service de nos demandes, et non de nos besoins. En retour, nous contractons une dette envers notre milieu. Aujourd’hui, les pénuries s’étendent des ressources non-renouvelables aux ressources renouvelables, le bois ou l’eau par exemple. »

 

Je fais miens ces mots d’Olivier HAMANT, biologiste, chercheur de l’INRAE à l’École Normale Supérieure de Lyon. Ils expliquent, de façon limpide, comment notre modèle de production a généré, en même temps, une dette économique et une dette financière.

Il est illusoire de croire que nous pourrons réduire l’une de ces dettes en continuant de creuser l’autre. Opposer écologie et économie, c’est forcer les Français à choisir entre sobriété et prospérité, entre la fin du monde et la fin du mois. C’est se condamner à l’échec en s’obligeant à souffrir. Pour le dire simplement : c’est continuer de se cogner la tête contre un mur, en espérant que ça finira par aller mieux.

 

L’urgence de la situation, que ce soit sur le plan économique ou écologique, nous oblige à changer de modèle. « Aucun problème ne peut être résolu sans changer le niveau de conscience qui l'a engendré », disait Einstein. Nous y voilà.

 

Olivier HAMANT nous invite à explorer une autre voie, en cherchant à renforcer la robustesse de notre écosystème, plutôt que sa performance.

 

Cette option stratégique ne procède pas de l’imagination d’un esprit, mais de l’observation de la nature. Les organismes vivants qui subsistent font preuve de robustesse plus que de performance, et ce malgré les processus de sélection naturelle.

Je sais que ces considérations peuvent sembler quelque peu ésotériques. Je les crois, au contraire, d’une grande actualité.

 

Alors que le Gouvernement a dû réviser sa prévision de croissance de 1,4% à 1%, il est contraint d’annoncer dans la foulée des réductions budgétaires, deux mois à peine après l’adoption de la loi de finances initiale.

 

Résultat : notre modèle économique, qui se fonde sur un objectif de performance, vacille dès que cet objectif n’est pas atteint, sachant en outre que l’atteinte de cet objectif ne dépend pas de nous. C’est l’antithèse d’un modèle robuste.

 

Dans son rapport public annuel, la Cour des Comptes a dressé un double constat alarmant : situation préoccupante de nos finances publiques, d’une part, et défis pour adapter notre modèle économique au changement climatique, d’autre part.

 

Je remercie le Président de la Cour des Comptes d’avoir choisi ce sujet pour son rapport annuel, et je regrette vivement qu’il ne l’ait pas transmis plus tôt à notre Commission des Finances.

Au reste, la grande diversité des sujets abordés ne nous permet pas de les aborder tous de manière approfondie. Je tiens toutefois à revenir sur 3 points d’alerte du rapport, qui me semblent particulièrement importants.

 

Le 1er concerne le coût d’adaptation du parc résidentiel. La Cour estime qu’il est aujourd’hui impossible d’évaluer le montant des dépenses et des investissements à réaliser. C’est à la fois très inquiétant, car c’est un chantier incontournable pour les années à venir, et assez rassurant, au sens où le champ des possibles est ouvert.

 

Or en la matière, nous disposons de marges de progression immenses. Le développement des nouvelles technologies, et notamment de l’internet des objets, constitue un levier majeur pour améliorer l’efficacité énergétique de l’existant. La création du Cluster Patrimoine Bâti 4.0, dans mon Département de l’Aube, en apporte une démonstration opérationnelle.

 

Le 2e sujet concerne la modernisation des infrastructures de transport.

Je partage tout à fait le constat dressé par la Cour des Comptes : la vétusté de certaines voies ferrées augmente leur vulnérabilité. Pour développer le ferroviaire, qui est un levier majeur de décarbonation, il faudra investir pour moderniser ce réseau. Mais ce n’est pas le seul levier d’amélioration.

 

Je tiens, à ce sujet, à vous partager l’expérience d’un exploitant agricole qui livre sa production par voie ferrée. Les grèves à répétition et les absences inopinées le contraignent souvent à se rabattre sur du fret routier, avec un bilan écologique et économique déplorable. La fiabilité du ferroviaire dépend bien sûr des infrastructures, mais aussi du personnel.

 

Le dernier sujet me tient particulièrement à cœur : c’est la forêt. Je partage complètement le constat dressé par la Cour. Nous devons mobiliser davantage de financements, privés et publics, vers l’adaptation des forêts, et notamment des forêts communales. Loin d’être anecdotique, ce sujet est au contraire emblématique de notre capacité à nous inspirer du vivant. Préserver nos forêts, c’est miser sur la robustesse de nos écosystèmes, plutôt que sur leur performance.

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.

Interventions au Sénat

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