top of page

Claude MALHURET : Débat à la suite de la Déclaration de politique générale du Premier Ministre

13 juin 2019


Déclaration de politique générale du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote, en application de l’article 49, quatrième alinéa, de la Constitution

Monsieur le Président,

Monsieur le Premier Ministre,

Mes chers collègues,

Nous vous écoutons, Monsieur le Premier Ministre, au moment particulier et grave où un parti extrémiste vient d’arriver en tête d’une élection nationale. Encore avons-nous la chance, si l’on peut dire, en France, où l’on apprend dès l’école à vénérer Robespierre, qu’à la différence des autres pays où le populisme est seulement d’extrême droite, il est chez nous partagé en deux, rendant les chiffres en apparence moins alarmants mais en apparence seulement.

Ce qui est incompréhensible c’est que pour réclamer plus de démocratie des électeurs votent pour le parti recordman du népotisme et de l’opacité, dirigé depuis 50 ans par le père, puis la fille, puis bientôt la nièce, que pour dénoncer un système qu’ils estiment corrompu ils votent pour le parti recordman des rendez-vous judiciaires et que pour redresser l’économie ils votent pour une dirigeante qui a fait la preuve de son incompétence absolue en la matière lors des présidentielles.

Napoléon disait : « En politique une absurdité n’est pas un obstacle ». Nous le constatons tous les jours.

Si les partis extrêmes ne représentent plus que 30% aujourd’hui, ce qui est tout de même considérable, contre 40% il y a deux ans, c’est grâce à l’effondrement du leader minimo de la France soumise à Cuba.

Le corps sacré autoclaironné, lors d’une perquisition, par l’homme au micro entre les dents, l’a disqualifié jusque chez ses proches. Les cascades d’exclusions ont délié les langues et nous savons maintenant comment avec son égérie, ils dirigeaient leur groupuscule. Après la défaite, les jeunes loups du parti estiment que leur tour est venu. Du remue-ménage en perspective quand on sait que plusieurs d’entre eux sont le genre de personnes qui entrent derrière vous dans une porte à tambour et qui en ressortent les premiers.

Et malgré cela, ce qui est incroyable, ce n’est pas que LFI soit passée de 20% à 6% mais qu’il y ait encore en 2019 6% des français qui votent pour la révolution bolivarienne.

Le deuxième coup de tonnerre de cette élection est que la gauche démocratique et la droite républicaine, à la tête du pays pendant 60 ans, aient obtenu ensemble moins de 15% des voix.

En ce qui concerne le PS l’explication, qui risque de ne pas plaire et je m’en excuse, me semble largement partagée : François Hollande a mené avec constance une politique qui ressemble à celle d’une enseigne que j’ai vue l’autre jour sur la route : « restaurant ouvrier-cuisine bourgeoise ».

De l’autre côté, Nicolas Sarkozy, déclarait le 26 mai dernier à 20h30 : « Il n’y a plus de droite dans notre pays. ». Je trouve le jugement expéditif. Nous savons tous qu’il est rare qu’on meure en politique. Comme le dit un proverbe cambodgien : « Quand l’eau monte les poissons mangent les fourmis, quand l’eau descend les fourmis mangent les poissons ». Je ne crois pas que la droite soit morte. Mais elle est partie. Elle a commencé à partir le jour où quelques-uns de ses dirigeants, ont décidé que la reconquête passait par l’adoption des idées les plus raides et qu’ils ont cessé de tenir compte des minoritaires. Le parti, mon parti, ne pouvait alors que s’effeuiller comme un artichaut. Une feuille à la défaite de 2012, une feuille au match de boxe Copé-Fillon, une feuille lors du refus de choisir entre Le Pen et Macron au deuxième tour de la présidentielle, une feuille aux européennes. Une fois la dernière feuille partie, le 26 mai au soir, la droite s’est aperçue qu’un million de ses électeurs n’avaient pas voté pour son candidat, mais pour celle d’En Marche. Et 500 000 pour le Front National.

Pendant toute la campagne les adversaires d’Emmanuel Macron l’ont accusé de prendre l’élection en otage en réduisant son enjeu à un affrontement entre progressistes et populistes. Ils n’avaient pas tort, mais ce qu’ils n’avaient pas compris, c’est que ce n’était pas seulement un slogan de campagne, c’était aussi une réalité. Lorsque presque tous les pays de l’est de l’Europe plus l’Italie sont dirigés par des populistes, lorsqu’ils font 15 à 30% partout en Europe de l’ouest, lorsqu’on est entouré de Poutine, d’Erdogan ou de Xi Ying Pin, il est temps pour les démocrates d’affronter les populistes et non de leur courir après. Le monde est devenu dangereux et compliqué. Avant, vous étiez de gauche, du centre ou de droite et vous votiez en conséquence. Cette grille, contrairement à ce qu’on dit, n’a pas été remplacée par l’opposition démocrates-populistes. Mais il y a désormais deux axes de lecture : l’axe gauche droite et l’axe démocrates-populistes. Je partage l’analyse du Président sur ce point, mais je préfère de loin le terme de démocrates à celui de progressistes tant j’ai vu dans ma vie se produire de catastrophes au nom du progrès.

La liste Renaissance est arrivée deuxième le 26 mai. Mais vous êtes presque le seul à l’avoir fait remarquer, Monsieur le Premier Ministre. Sa déroute était tellement prédite que le reste du monde semble persuadé qu’elle a gagné. Je suppose que vous ne vous en plaignez pas, mais si j’insiste sur ce point c’est qu’il me paraît important que quelqu’un, et vous n’êtes pas n’importe qui, garde la tête froide. Depuis quinze jours certains cris de victoire un peu bruyants, certaines injonctions un peu appuyées, certains appels un peu martiaux, ne sont peut-être pas la meilleure façon de préparer l’avenir et de rassembler. Vous, vous restez lucide, et c’est à saluer.

L’acte I du quinquennat a permis des réformes importantes, la SNCF, le code du travail, l’école de la confiance et d’autres. La majorité du Sénat les a souvent soutenues, souvent amendées aussi. L’acte I a aussi été marqué par une grave crise sociale, parce que la disruption, on peut trouver ça sympa, mais ça n’est pas toujours l’avis de ceux qui sont disruptés.

Vous êtes venu aujourd’hui nous annoncer l’acte II.

Ici-même, il y a deux mois, je disais : « La conclusion du grand débat c’est un peu une lettre au Père Noël. Le Président a promis d’en tenir compte, et c’est heureux. Mais il va falloir aussi, pour une part, qu’il lui résiste. »

C’est la raison pour laquelle la phrase la plus importante de votre discours, à mes yeux, c’est : « constance et cohérence dans l’action ». Elle va susciter deux sortes de réactions. Ceux qui diront que vous n’avez rien entendu, qu’il faut d’urgence faire marche arrière. Et les autres, c’est mon cas, qui vous diront que c’est en restant immobile qu’on fait le plus de faux pas.

Vous nous annoncez une société de la confiance et de la justice : lever les freins à l’emploi, libérer les énergies, renforcer les collectivités territoriales et décentraliser, faciliter la mobilité sociale, renforcer l’égalité entre les territoires, qu’ils soient métropolitains ou ultra-marins, redéfinir le périmètre de l’Etat, et, vous avez commencé par cela, tout faire pour laisser à nos enfants une planète vivable.

Il n’y a rien dans tout cela qui ne puisse être approuvé.

Mais qui doit l’être avec vigilance. Car, au-delà de ce que vous nous avez dit, il y a deux ou trois choses que nous aurions aimé entendre, ou tout au moins entendre plus précisément. Des assurances chiffrées sur le non dérapage des finances publiques dans la mise en œuvre de ces réformes. Des précisions sur le mécano fiscal qui ne nous semble pas abouti et qui ne nous rend pas certains que vous arriverez, deux siècles après, à faire mentir l’adage de Benjamin Franklin : « il n’y a que deux choses certaines dans la vie, la mort et les impôts ». Quant à la baisse des effectifs de la fonction publique, elle ne semble plus si urgente, ce qui nous fait craindre que l’administration continue d’être ce qui se rapproche le plus de la vie éternelle.

La réforme constitutionnelle, reposait avant tout sur les engagements réciproques et la loyauté de trois personnes qui avaient beaucoup travaillé et beaucoup échangé : le Président de la République, le Président du Sénat et le Premier Ministre. Vous le savez, je suis de ceux qui pense que ces engagements auraient été tenus. Après avoir mobilisé beaucoup d’énergies, elle semble devoir rester un certain temps dans le cloud, comme on dit aujourd’hui, je l’y laisse donc. Nous aurons l’occasion d’en reparler lorsqu’elle redescendra du ciel.

Monsieur le Premier Ministre, notre groupe, très majoritairement, approuvera votre discours de politique générale.


Interventions au Sénat

bottom of page