Claude Malhuret : Déclaration de politique générale du Premier ministre, Sébastien Lecornu
- Les Indépendants
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15 octobre 2025
Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Ministre,
Mes chers Collègues.
Oscar Wilde, ruiné à la fin de sa vie et endetté jusqu’au cou disait : « Je meurs au-dessus de mes moyens ». C’est exactement ce qui est en train de nous arriver. Autant dire que le budget 2026, Monsieur le Premier Ministre, s’annonce plus difficile encore à bâtir qu’un meuble Ikéa.
L’équation est pourtant simple : nous cumulons le taux de prélèvements le plus élevé et le déficit le plus abyssal de l’Union Européenne. N’importe quel comptable débutant en tirerait la conclusion évidente : la France, c’est Gabegie le magnifique. Et il faut faire des économies.
Curieusement ce n’est pas la solution préconisée par de nombreux médias, réseaux sociaux ou partis politiques. Ce qu’on nous propose, c’est d’augmenter encore les dépenses.
Aux deux extrémités de l’Assemblée Nationale vos ennemis, qui sont aussi les ennemis de la démocratie, se moquent du budget et de l’intérêt général. Leur seul but est de précipiter la crise institutionnelle.
L’extrême-gauche guette l’étincelle qui mettra le feu aux poudres. Après avoir bloqué l’Assemblée pendant trois ans, la secte a vu surgir un mouvement dont le nom comblait ses désirs les plus fous : « Bloquons tout ». En martelant sur toutes les tribunes que toute mesure d’économie provoquera la famine, le déluge et les sauterelles, LFI a tenté de récupérer une ébullition improvisée. Une fois de plus heureusement elle a échoué à la transformer en insurrection.
Pauvre extrême-gauche dont le bilan se résumera en définitive à une seule chose : un siècle à bouffer du curé pour finir par lécher les bottes des mollahs.
L’extrême droite, elle, voit son heure venir. Mais l’odeur du pouvoir la rend schizophrène. Marine le Pen, explique désormais qu’elle n’est ni de droite ni de gauche. Elle est devenue très « en même temps ». Mais au même moment Ciotti court les plateaux pour appeler à l’union des droites et Bardella fait la danse des sept voiles aux journées du MEDEF. De deux choses l’une : soit les leaders du RN ont une stratégie opposée, attention au grand écart, soit ils jouent au good cop bad cop pour gagner sur tous les tableaux. Ça va finir par se voir. On ne sait plus s’il faut croire la madone des prolétaires ou le champion du CAC 40. Surtout quand la patronne s’accroche dur comme fer à la revendication la plus folle de la CGT, la retraite à 60 ans. Cette réforme qui coûterait des dizaines de milliards, associée à la promesse d’une baisse des impôts suffit à elle seule à les disqualifier. Il faut le dire avec franchise à tous les français qui ont quelques économies : le vote pour l’extrême droite c’est comme une dinde qui vote pour Noël. Et pourtant le vote RN continue de monter. Peut-être ceux qui l’envisagent se disent-ils qu’après tout, les oies ont bien sauvé le Capitole.
Vous n’avez donc pas grand monde avec qui discuter Monsieur le Premier Ministre. Il restait le PS. Olivier Faure se tortillait depuis des mois comme un lombric entre son tango avec LFI pour les élections et le refus par la moitié de ses troupes de baiser les babouches de Mélenchon. Vous l’avez tiré d’affaire en acceptant de laisser monter les enchères jusqu’où il le souhaitait. Oubliés les deux jours fériés travaillés, abandonné l’objectif de 40 milliards d’économies, suspension de la réforme des retraites, reconduction de la contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises (ce qui prouve une fois de plus qu’en France les impôts temporaires sont ce qui se rapproche le plus de la vie éternelle), fiscalisation des actifs des holdings, taxation des hauts patrimoines. Votre problème n’était pas d’acheter les socialistes, il était de ne pas les payer au prix qu’ils s’estiment. Et malheureusement, permettez-moi de vous le dire, vous avez payé très cher. Permettez-moi aussi de vous dire que les hausses d’impôts ne comblent jamais le déficit, elles permettent seulement à l’Etat de dépenser encore plus.
Nous comprenons bien que pour gouverner dans les conditions actuelles il faut un accord politique et des compromis. Il n’y a qu’une limite, c’est le seuil au-delà duquel le coût à payer pour sauver les meubles devient supérieur au prix des meubles. Beaucoup d’entre nous craignent que ce seuil n’ait été franchi.
Comme le dit Jean Tirole, Prix Nobel d’économie, « Nous continuons à déplacer les transats pendant que le Titanic coule. » Comme si l’économie se résumait au partage d’un gâteau à taille fixe, le débat budgétaire que cherche à vous imposer le PS se résume à opposer les actifs aux chômeurs, les jeunes aux vieux, les riches aux pauvres, les entreprises aux ménages, les PME aux multinationales, les actionnaires aux autres agents économiques, le capital au travail, et même les salariés aux robots.
On ne résoudra rien tant qu’on n’aura pas le courage de dire que le bilan désastreux de la France depuis 40 ans et notre dette de 3400 milliards s’expliquent très simplement par deux mesures qui ont coulé le pays : d’abord la retraite à 60 ans sous Mitterrand au moment où la démographie commandait d’en relever l’âge comme dans tous les autres pays. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Michel Rocard en 1990. En Espagne, la retraite est à 67 ans. Pourriez-vous, Monsieur le Premier Ministre, inviter un socialiste espagnol pour expliquer les finances publiques aux socialistes français ?
L’autre mesure, ce sont les 35 heures sous Jospin qui ont tué notre compétitivité, et entre autres ravagé l’hôpital public. Il ne manque plus qu’une troisième mesure pour nous achever : la taxe Zucman qui fera s’enfuir toutes les start-ups de la tech et de l’innovation, le carburant de l’économie des prochaines décennies où le retard de la France et de l’Europe est déjà catastrophique. La taxe Zucman est à la croissance ce que l’hydroxychloroquine était au COVID. Elle n’est pas dans vos propositions mais vous savez bien qu’en l’absence de 49.3 elle risque d’être dans le texte final. Boris Vallaud l’a annoncé hier à l’Assemblée.
Alors qu’une somme de menaces est en train de s’abattre sur le monde de la part de tous ceux qui veulent notre vassalisation, alors que l’Europe décroche et la France plus encore, la gauche française nous propose, comme si le pays était seul au monde, de moins travailler, d’abaisser l’âge de la retraite, d’augmenter les impôts et d’aggraver la dette.
La France a besoin de l’exact contraire. Des mesures qui engagent des économies urgentes et permettent davantage d’activité, de croissance et d’emploi. Parce que la réalité est simple : la meilleure de toutes les mesures sociales, c’est un travail.
Le budget que vous proposez, après que les socialistes vous aient tordu le bras, et surtout après qu’il aura été aggravé par l’alliance de tous les démagogues à l’Assemblée Nationale, ne le permettra pas. Comme tous les budgets de survie depuis la dissolution, il n’est pas destiné à construire l’avenir mais à donner au gouvernement une chance d’éviter la censure. Mais si nous vous en voulons un peu, nous comprenons vos difficultés. C’est pourquoi le Sénat va vous aider. Pas à faire plaisir aux socialistes, mais à leur résister. Certes, nous n’avons pas le dernier mot, mais nous pouvons faire beaucoup, comme nous l’avons fait pour le budget 2025. Nous allons d’abord purger le PLF et le PLFSS de tout ce qui va dans le mauvais sens. Nous allons leur ajouter tout ce qui va dans le bon sens. Puis nous continuerons le travail en commission mixte paritaire où, comme l’an dernier, les parlementaires raisonnables sont plus nombreux que ceux qui sont toujours prêts, même lorsqu’ils sont à jeun, à dépenser plus que des marins ivres. Puis nous recommencerons en deuxième lecture. Nous serons alors en toute fin d’année et parmi tous les scénarios possibles, que vous connaissez, celui où à la fin des fins, la raison l’emporterait n’est pas du tout le moins probable.
Voilà notre feuille de route des prochains mois. Comme vous le dites, le gouvernement proposera, nous débattrons, nous voterons.
Nous vous donnons rendez-vous Monsieur le Premier Ministre.