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Claude Malhuret : Réponse à la déclaration de François Bayrou

  • Photo du rédacteur: Les Indépendants
    Les Indépendants
  • 15 janv.
  • 5 min de lecture

15 janvier 2025

Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution



Monsieur le Président,

Monsieur le Premier ministre,

Mes chers Collègues,


J'aimerais beaucoup, Monsieur le Premier ministre, commencer par vous souhaiter une bonne année 2025, mais j'ai peur que les défis qui vous attendent, que vous avez qualifiés vous-même d'himalayesques, ne vous fassent prendre ces vœux pour de l'ironie.


Personne ne me contredira si je dis que les Français sont inquiets, parce que l'année s'annonce comme celle de tous les dangers.


Et d'abord celui du risque de crise financière, économique et sociale en cas de nouvelle censure ou de vote d'un budget sans boussole qui n'inspirerait confiance ni à nos concitoyens, ni aux agences de notation, ni à nos partenaires européens.


Année de tous les dangers aussi, parce que la situation internationale n'a jamais été aussi alarmante, entre l'alliance des dictatures, la multiplication des régimes illibéraux, les menaces sur les démocraties, les rivalités des grandes puissances et les guerres jusque sur notre continent.


À ces inquiétudes s'ajoutent deux questions menaçantes à plus ou moins long terme : la France risque-t-elle de voir un jour les populistes arriver au pouvoir ? Et l'Europe va-t-elle, poursuivant son insouciant déclin, laisser s'effacer peu à peu sa place dans le monde, comme à la lisière de la mer un visage de sable ?


C'est dire à quel point le succès de votre gouvernement devrait être souhaité par tous. Mais ce n'est pas le cas. Certains souhaitent son échec, et c'est même leur stratégie, parce que la France est prise dans la tenaille de son double extrémisme.


À l'extrême gauche, le matamore des estrades et des plateaux-télé, le chien-chien à son Poutine, après avoir imposé sa cour des miracles à l'Assemblée, s'est arrogé le droit illimité d'affirmer de manière catégorique des âneries. La sous-intelligentsia des ragots sociaux se charge de les faire tourner en boucle, contribuant de façon décisive au degré zéro atteint aujourd'hui par le débat politique.


À l'extrême droite, le communiqué glaçant à l'occasion de la mort du fondateur du Front National, où Freud aurait vu l'un des meilleurs exemples de retour du refoulé, vient rappeler que la dédiabolisation n'était qu'un bobard pour les gogos, que les principes tracés par le patriarche et son cortège d'anciens collabos n'ont pas changé, et que Bardella préside désormais le groupe illibéral, pro-russe et anti-Europe d'Orban au Parlement européen.


Les stratégies des deux extrêmes sont les mêmes : la crise de régime et la présidentielle anticipée. Mais leur tactique est différente.


LFI censure en rafale. À la kalachnikov. Un texte, une censure. Neuf fois sur dix, ça ne marche pas, mais ça donne une tribune permanente pour agonir le gouvernement. Le Rassemblement national n'a plus qu'à décider du moment opportun pour s'y associer. On lui offre la censure sur étagère.


C'est ce qui s'est passé le 4 décembre dernier, juste après les réquisitions du procureur dans le procès des députés européens. Il fallait détourner l'attention. Mais le total des voix extrêmes à l'Assemblée ne suffit pas à une motion de censure. S'il y a eu censure, c'est parce qu'en 2024, un parti social-démocrate de gouvernement a uni ses voix à l'extrême droite et à l'extrême gauche pour renverser un Premier ministre républicain.


C'était une faute politique et c'était surtout une faute morale. Je ne crois pas et surtout je n'espère pas qu'elle se reproduira. D'abord parce que les Français prennent conscience jour après jour que la censure, dont ses promoteurs avaient juré qu'elle n'était qu'une péripétie, a des effets désastreux sur l'économie, la société et l'image du pays. Qu'elle l'a mis en pause. Qu'une nouvelle censure le plongerait dans le chaos. Et qu'il est peu probable que nos concitoyens pardonnent à ceux qui s'aviseraient de recommencer.


Depuis 2022 et plus encore depuis la dissolution, un nouveau monde politique est né, dont ni les électeurs ni les élus ne maîtrisent les règles, et notamment la première d'entre elles : comment gouverner sans majorité ?


Soit les partis de l'arc républicain sont assez intelligents et assez courageux pour trouver les compromis qui leur permettront de conduire le pays, soit après la décomposition, la recomposition se fera au profit d'un des extrêmes. Et il n'est pas difficile de deviner lequel.


Nous avons donc tous une grande responsabilité, tous des efforts à faire et tous de graves difficultés à surmonter pour y parvenir. C'est sans doute pour la gauche républicaine que ces difficultés sont les plus fortes. Il va falloir qu'elle trouve le courage de s'arracher des griffes d'une alliance qui, depuis deux ans, et encore plus depuis le 7 octobre 2023, l'entraîne à la remorque d'une secte lancée dans un naufrage moral et politique.


Et ce divorce sera d'autant plus dur que le gourou de la secte ne manquera pas de clouer au pilori ceux qu'il qualifiera de traîtres avec toute la meute de ses affidés et de leurs réseaux sociaux. Mais si cette gauche modérée devait céder une fois de plus au chantage électoral et s'associer à nouveau à la chute d'un gouvernement, les populistes des deux bords sauraient qu'ils ont gagné et qu'il ne faudra plus longtemps avant que s'installe en France, comme dans tant d'autres démocraties, un régime illibéral.


Ce ne sera pas facile pour nous non plus. Il y a deux acquis de l'action des gouvernements depuis 2017 qui me paraissent peu contestables : les mesures fiscales qui ont permis à la France de retrouver attractivité et baisse du chômage, et le retour à l'équilibre précaire, impopulaire mais indispensable du système des retraites.


Sur la réforme des retraites, "tout est sur la table", dites-vous, Monsieur le Premier ministre. Sur les impôts, la phrase parue dans Le Parisien "pas de hausse d'impôts pour les classes moyennes" suggère qu'il pourrait y en avoir pour d'autres.


Nous comprenons que l'enjeu majeur de la stabilité de nos institutions impose des choix douloureux, et nous sommes prêts à faire les compromis nécessaires. Mais nous ne devons pas faire de compromis avec la réalité, comme vous le proposent certains des membres de cette Assemblée. Cette réalité pour nous, elle s'appelle l'ordre dans les comptes et l'ordre dans la rue.


Lors du budget précédent, celui de Michel Barnier, l'Assemblée nationale a voté, dans un accouplement incestueux des deux populismes, 60 milliards de dépenses supplémentaires et supprimé toutes les économies avant de voter une motion de censure irresponsable.


C'est dans ce paysage surréaliste, Monsieur le Premier ministre, que vous allez devoir gouverner face à des députés extrémistes ayant perdu toute mesure et grisés par leur nouveau pouvoir de faire tomber les gouvernements.


Et ce sera difficile, car il reste une dernière question qui n'est pas la moins angoissante. Nous sommes proches du point de non-retour, au-delà duquel trop de gens dépendent de l'État et où l'on ne peut plus rien changer car trop d'intérêts sont touchés, trop de clients, au sens romain du terme.


Si nous n'inversons pas à temps cette trajectoire, inéluctablement c'est une crise qui s'en chargera. Si nous devions en arriver là, et c'est le dernier enjeu du débat, si la France devait refuser de faire les efforts qu'elle a exigés en leur temps de l'Italie, de l'Espagne, du Portugal et de la Grèce, et qui ont réussi, elle ferait peser un risque énorme sur l'unité européenne.


Et ce ne sont pas seulement les Français qui très rapidement nous en tiendraient rigueur, ce sont tous les Européens, dont j'ai indiqué en introduction à mon intervention à quel point, dans le monde d'aujourd'hui, leur avenir est en suspens.


J'espère et je crois, pour toutes les raisons que j'ai évoquées, que toutes les forces de l'arc républicain seront au rendez-vous pour vous aider. Car il faudra qu'aucune voix ne manque. En ce qui nous concerne, nous y prendrons bien sûr notre part.


Je vous remercie.


Interventions au Sénat

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