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Claude Malhuret : Situation au Proche et Moyen-Orient

  • Photo du rédacteur: Les Indépendants
    Les Indépendants
  • 3 juil.
  • 5 min de lecture

2 juillet 2025


Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur la situation au Proche et Moyen-Orient



Monsieur le Président,

Monsieur le Premier ministre,

Messieurs les Ministres,


On ne ment jamais autant qu'après une chasse, avant une élection ou pendant une guerre, disait Clémenceau. Et c'est ainsi que tournent en boucle sur les chaînes d'infos les dessins animés où la bombe américaine en Iran perce comme du beurre 80 mètres de granite avant d'exploser. Même les services de renseignement américains n'arrivent pas à faire semblant d'y croire malgré les ordres de leur Président.


C'est ainsi que les mollahs de Téhéran rebâchent dans leurs communiqués : "même pas mal", comme s'ils avaient gagné la guerre des 12 jours. C'est ainsi que Netanyahou tord les déclarations de l'AIEA pour expliquer que l'Iran était à 15 jours de déclencher l'apocalypse nucléaire. Personne ne se plaindra de la correction infligée à l'effroyable régime des Ayatollahs, mais qui peut croire que le problème est réglé ? La guerre au Proche-Orient dure depuis 80 ans, avec des trêves et des flambées. Elle continuera tant qu'on n'arrivera pas à imposer la solution qui garantisse à la fois les droits des Israéliens et ceux des Palestiniens.


Je ne vais donc pas ajouter un commentaire au concours de prophétie à court terme pour savoir si le cessez-le-feu est durable ou non, si le détroit d'Ormuz va s'enflammer ou si les accords d'Abraham ont un avenir. Je voudrais en revanche évoquer un sujet brûlant pour nous, et que ce conflit met en évidence de façon angoissante : où est passée l'Europe ?


La guerre d'Ukraine, l'élection de Trump et l'embrasement du Proche-Orient ont révélé ce que personne n'a envie de voir. L'Europe est en train de s'effacer comme un château de sable se dissout peu à peu au bord du rivage. Trump la méprise, Vance la déteste, la Chine n'y voit qu'un marché pour ses voitures électriques, la Russie un continent décadent tremblant devant la guerre, le reste du monde parie sur son déclin.


Quatre ou cinq fois par an, 27 chefs d'État débarquent de leur Mercedes noire et s'engouffrent dans le grand hôtel prestigieux d'une capitale historique, délivrent des discours prédigérés autour de grandes tables rondes ornées de fleurs, accouchent difficilement d'un plus petit dénominateur commun, et puis, heureux d'avoir frôlé le désaccord mais évité le pire, se congratulent de grandes tapes dans le dos avant de gagner le podium de la photo de groupe, avant que chacun reprenne son avion.


En cas de crise, le scénario se détraque. Les contraintes de la frénésie médiatique ne peuvent attendre la convocation d'une réunion. C'est alors la course au premier qui trouve une idée.


Depuis le 7 octobre 2023, la France a successivement lancé la proposition baroque d'une coalition générale contre le Hamas, assuré à Israël de son soutien inconditionnel, puis condamné la dévastation de Gaza, convoqué avec l'Arabie saoudite une conférence sur les deux États tuée dans l'œuf par les frappes en Iran, avant de proposer désormais plus modestement une aide humanitaire aux Palestiniens, et hier même, d'appeler le boucher de Moscou au téléphone pour lui demander d'aider à trouver une solution sur le nucléaire iranien. Aucune de ces initiatives n'a connu le commencement d'un début d'effet.


En Ukraine, le réveil européen après l'invasion s'essouffle. L'Allemagne, après trois ans d'un chancelier qui s'est comporté comme une limande apeurée, a vu son successeur montrer les muscles en attendant que, dès son arrivée, les Taurus seraient livrés. Avant d'expliquer une fois au pouvoir qu'ils ne le seraient pas.


La France, en 2022, a proclamé l'économie de guerre. Cette phrase était fort imprudente, car nous en sommes aujourd'hui très loin, trois ans plus tard. Impuissants, les dirigeants européens sont devenus les commentateurs des événements, campés devant les caméras comme une mouche qui se pose sur l'essieu de la charrette et qui se dit : « quelle poussière je soulève ! ».


Plus jamais la guerre entre nous, c'était le projet européen. Mais depuis le XXIème siècle, la réalité, c'est la guerre avec les autres, les dictatures. On a transmis le fardeau aux Américains et l'Europe est devenue le continent du pacifisme, oubliant ce que rappelait Mitterrand il y a quarante ans : les pacifistes sont à l'ouest, les missiles à l'est. La chute du mur de Berlin a nourri la fable des dividendes de la paix. Aujourd'hui, l'Europe, c'est le pacifisme plus le désarmement. Dans un monde en guerre où les dictateurs ont juré de prendre leur revanche de leur défaite du XXème siècle, c'est un contresens absolu.


La première conséquence de l'impuissance, c'est l'humiliation. L'humiliation en Iran, bien sûr, où Cécile Kohler et Jacques Paris, je voudrais ici à mon tour leur exprimer ma solidarité, sont retenus dans des conditions inhumaines que nous n'arrivons pas à faire cesser malgré tous nos efforts.


L'humiliation lors du prêche de Vance à Munich, l'humiliation lorsque Trump dit aux Européens qu'au Proche-Orient, on n'a pas besoin d'eux. Il a le droit de le croire, mais il pourrait bien regretter un jour son mépris et comprendre, lorsqu'il en aura besoin, en mer de Chine ou ailleurs, tout le sens de la phrase de Churchill en 1943 : "Il n'y a rien de pire que de combattre avec des alliés, si ce n'est de combattre sans eux." Mais chacun sait qu'on ne peut demander à Trump et à ses tweets de se projeter à cette échéance.


Ses menaces ont conduit les Européens à se prosterner devant lui à La Haye. J'ai rarement été aussi gêné qu'en voyant tant de chefs d'État rivaliser de courbettes. Comme dit le proverbe chinois : "si tu dois te prosterner, prosterne-toi très bas."


Le Secrétaire Général de l'OTAN, ancien fier Premier ministre des Pays-Bas, appelant Trump « papa », est un symbole éloquent de l'Europe d'aujourd'hui.


Pour remercier les Européens, sans doute, Trump vient d'annoncer la fin des livraisons d'armes à l'Ukraine. La trahison annoncée est désormais totale, la complicité avec Poutine avouée. Nous sommes seuls et au pied du mur. Nous avons eu trois ans pour nous préparer à cette éventualité. Nous ne les avons pas mises à profit.


Nous ne sommes pas prêts. Nous n'avons ni les moyens ni la volonté de prendre le relais et de soutenir comme il faut ceux qui meurent par dizaines de milliers pour se défendre et pour nous défendre, les Ukrainiens. C'est tragique pour l'Ukraine aujourd'hui. C'est tragique pour l'Europe demain.


L'urgence est de moderniser et de renforcer et surtout coordonner la défense européenne à la hauteur de la compétition stratégique, de comprendre que les guerres d'aujourd'hui sont hybrides et que notre retard dans les drones, le numérique, l'intelligence artificielle et la lutte contre la désinformation est encore plus immense que l'insuffisance de notre armement conventionnel.


La priorité, c'est aussi d'arrêter les discours démobilisateurs, assurant que nous ne sommes pas en guerre, alors que les dictateurs sont en guerre contre nous, qu'ils le disent tous les jours et surtout qu'ils le font sur les réseaux sociaux envahis de trolls, dans nos entreprises ciblées par les sabotages et les cyberattaques, au fond des mers, par la section des câbles sous-marins, dans les airs, par les provocations quotidiennes.


Comment allons-nous persuader les Français de soutenir l'engagement pris à La Haye de porter le budget militaire à 3,5% de notre PIB si on ne les convainc pas que nous subissons aujourd'hui une guerre qui a radicalement changé de nature et qui est en grande partie invisible ?


Comment les convaincre, lorsqu'à l'Assemblée nationale, les deux extrêmes sont quasi majoritaires et que même s'ils se détestent, ils sont d'accord sur le pire, le soutien aux dictateurs qui nous ont déclaré la guerre ?


Et enfin, comment arriver à ce que l'Europe retrouve le rang qui était le sien dans le monde, si elle ne trouve pas la force d'aménager cette règle de l'unanimité qui la conduit à l'impuissance ?


MacArthur, le vainqueur de la guerre du Pacifique, disait : "Les batailles perdues se résument en deux mots : trop tard." L'Europe doit se réveiller. Il lui faut seulement des peuples qui se souviennent de leur histoire et des dirigeants qui prennent la mesure des périls.


Je vous remercie.

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