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Colette MÉLOT : Proposition de loi visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche

20 juin 2023


Proposition de loi visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche (voir le dossier législatif)


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Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mesdames les Rapporteures,

Mes chers Collègues,


800 personnes licenciées sans préavis et autant de familles mises en difficultés, cela peut être ça, les conséquences du dumping social. En mars 2022, P&O Ferries annonçait le licenciement de 786 marins britanniques pour les remplacer par des marins extracommunautaires afin de réduire les coûts liés à leur masse salariale.


En matière de transport maritime de passagers entre deux pays, le droit applicable est régi par le droit international et le droit européen qui permettent, tous deux, la pratique du dumping social. Les armateurs ont en effet la liberté de choisir le pavillon de leur navire, à condition de respecter les règles établies par l’Etat du pavillon choisi. Concernant le droit du travail applicable aux employés du navire, le principe étant celui du libre choix des parties, il peut s’agir du droit de n’importe quel Etat, dans la mesure où les conditions de l’Etat du pavillon l’autorisent.


Il est donc fort tentant pour les compagnies maritimes qui souhaiteraient diminuer leurs charges et proposer ainsi des tarifs compétitifs, de choisir leur pavillon et le droit social applicable, dans un Etat proposant une règlementation peu avantageuse pour les salariés.


Certaines compagnies opérant des liaisons transmanche ne se privent d’ailleurs pas de cette opportunité, et trois des cinq compagnies concernées ont choisi d’établir leur pavillon à Chypre ou aux Bahamas.


Les victimes du dumping social sont évidemment les salariés évincés des pays dont les ports sont opérés par ces compagnies. Mais ce sont aussi les salariés employés sur ces navires, qui souffrent bien souvent de conditions de travail largement contestables avec une très faible rémunération et des durées d’embarquement bien supérieures au temps de repos. Les risques pour la sécurité que cela entraine sont majeurs, qui plus est, dans l’une des zones les plus fréquentées d’Europe avec plus de 130 passages par jour.


Cette concurrence, bien que légale, nécessite que la France se dote d’outils de façon à lutter contre ce phénomène. C’est justement l’objectif de cette PPL qui propose de recourir à une loi de police, seul outil pouvant permettre à la France d’imposer certaines règles en matière de droit du travail applicable aux gens de mer travaillant sur un navire dont le pavillon est étranger.


La loi de police, dont le mécanisme a été expliqué par la Rapporteure, doit respecter un critère de proportionnalité à l’objectif poursuivi qu’il nous faudra garder à l’esprit durant l’examen du texte, l’objectif n’étant pas que cette loi finisse par être censurée car elle ne respecterait pas le droit de l’Union européenne.


Cette PPL souhaite imposer plusieurs obligations aux employeurs, dépassant ainsi la loi du pays initialement choisi pour régir ses contrats de travail. L’une des principales obligations proposées est celle du versement au personnel de bord d’un salaire minimum de branche applicable en France.

Et la seconde est l’obligation de respecter une durée de repos à terre pour les salariés, au moins équivalente à leur durée d’embarquement.


Le texte instaure un régime de sanctions pénales et administratives en cas de manquement à ces obligations. Il étend également aux certificats établis à l’étranger, la sanction prévue pour l’armateur ou le capitaine d’un navire battant pavillon français qui accepterait à bord du personnel ne disposant pas d’un certificat médical valide. Initialement prévue pour les marins, nous saluons l’extension en Commission de cette mesure à l’ensemble des gens de mer.


Dans sa version transmise par l’Assemblée nationale, le texte comportait également deux autres articles qui s’inscrivaient dans le cadre du dispositif de l’Etat d’accueil dont relèvent les lignes reliant la France continentale et la Corse, mais pas uniquement. Demain, ce dispositif concernera même davantage de façades maritimes avec le développement des parcs éoliens en mer.


Ces articles proposaient d’aggraver les sanctions pénales existantes en cas de non-respect du salaire minimum, mais aussi de créer des sanctions administratives dans le cadre de ce même dispositif. Ils ont tous deux été supprimés en Commission.


Nous entendons les arguments ayant conduit à leur suppression, à savoir, notamment, qu’ils ne concernaient pas le transmanche, objet initial du texte, et qu’il serait d’abord préférable de renforcer les moyens de contrôle. C’est vrai. Mais voter pour des sanctions plus lourdes n’empêcherait nullement de renforcer les moyens de contrôle. Et élargir l’objet d’un texte au-delà de sa portée initiale n’a rien d’inédit.


Madame la Rapporteure, vous l’avez vous-même souligné en Commission, cette PPL aborde un sujet rarement abordé par

notre commission, et qui sait quand nous auront l’occasion d’y revenir ? Alors pourquoi ne pas se saisir de celle-ci pour s’attaquer, au-delà du dumping qui touche le transmanche, à celui qui touche notre pays plus largement ?


Notre Groupe partage l’état d’esprit de ce texte.

Interventions au Sénat

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