Corinne Bourcier : Renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation
- Les Indépendants
- 11 juin
- 3 min de lecture
10 juin 2025
Proposition de loi visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d'adapter les normes aux territoires - Dossier Législatif
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,
La France souffre de deux maux terribles : une dette publique excessive et une inflation normative hors de contrôle. A eux seuls, ces deux fléaux expliquent la grande majorité des difficultés que notre pays rencontre : de la dégradation de nos services publics à la crise des vocations de nos élus locaux, sans oublier la perte de compétitivité de nos entreprises.
La dette de la France augmente. Certains imaginent qu’il faudrait simplement ne pas la rembourser. Mais les Français la paient déjà. Et la paient cher.
Le service de la dette publique est désormais le premier poste de dépense de l’État, devant la défense, devant l’éducation nationale. Il s’agit de 144 milliards d’euros, payés par les contribuables, qui sont transférés cette année à nos créanciers.
La France prélève presque la moitié de la richesse produite chaque année, et dépense encore plus que ce qu’elle prélève grâce au recours à l’emprunt. Combien de temps faudra-t-il pour que nous reconnaissons que le problème n’est pas un manque de recettes publiques, mais bien l’excès de dépense publique ?
Similairement, nous constatons et nous décrions l’inflation normative et ses effets délétères. « Nul n’est censé ignorer la loi » mais qui peut connaître les quelque 96 000 articles de loi en vigueur cette année ; sans compter les 263 000 articles règlementaires… En 20 ans, le volume du droit a doublé.
Nos normes sont trop nombreuses et trop complexes. Le droit est de plus en plus difficile à appliquer, et sa complexité nuit gravement à la productivité de notre pays. Les agriculteurs, les entrepreneurs, et nos élus locaux ont eu l’occasion de nous le dire : ils ne s’en sortent plus.
Les auteurs de la présente proposition de loi nous invitent à élargir le pouvoir de dérogation dont le préfet dispose déjà.
Cette initiative ne réglera certes pas le sujet de l’inflation normative. Elle a cependant le mérite de rappeler que c’est à l’échelle locale que l’on peut le mieux prendre en compte les spécificités locales.
90% des dérogations accordées ont concerné des collectivités territoriales, c’est dire à quel point les normes nationales peuvent se heurter aux impératifs locaux.
Plusieurs membres du groupe Les Indépendants ont signé cette proposition car nous préférons l’État déconcentré à l’État concentré mais nous préférons encore l’État décentralisé.
Notre collègue André Reichardt soulignait fort justement que notre pays n’avait pas fait le choix d’une réelle décentralisation, sans doute par crainte de la différenciation.
Le groupe Les Indépendants considère qu’il ne faut pas redouter la différenciation, bien au contraire.
Nos territoires sont déjà différents. L’objet de la présente proposition de loi est bien de permettre une dérogation d’application – c’est-à-dire une application différenciée – de certaines normes.
En commission, la rapporteur a modifié le texte afin d’élargir encore le pouvoir de dérogation. Le texte a par ailleurs été enrichi par l’adoption d’un amendement de nos collègues Marie-Claude LERMYTTE et Dany WATTEBLED, s’agissant de la dérogation à l’obligation de participation minimale financière des collectivités territoriales.
Nous nous félicitons de voir de nouveau inscrites dans la loi ces dispositions, déjà votées par le Sénat mais dévoyées par l’Assemblée.
Une telle dérogation est essentielle à nos petites communes rurales. Leurs faibles moyens ne leur permettent souvent pas de réaliser cette contribution minimale de 20 %, alors même que le département ou la région sont volontaires pour combler l’écart.
En commission, la rapporteur a également précisé les conditions d’engagement de la responsabilité pénale du préfet lorsqu’il exerce son pouvoir de dérogation.
Aux côtés de l’inflation normative, le risque pénal risque de plus en plus de paralyser l’action publique comme l’action privée dans notre pays.
Face à l’inflation normative, nous ne devons pas nous contenter de déroger, car déroger, c’est déjà ajouter de la complexité. Nous devons au contraire simplifier, voter moins de lois, pour légiférer mieux.
Considérant que les collectivités territoriales, comme tous nos concitoyens, doivent pouvoir bénéficier des dérogations lorsqu’elles sont nécessaires tant qu’une simplification réelle de notre droit ne sera pas intervenue, le groupe Les Indépendants votera cette proposition de loi.
SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.