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Corinne BOURCIER : Société du bien-vieillir en France

06 février 2024

Proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France - Voir le dossier législatif



Madame la Présidente,

Madame la Ministre,

Monsieur le Président de commission,

Madame la Rapporteure,

Monsieur le Rapporteur,

Mes chers Collègues,


Il est un chiffre que l'on entend très souvent, et mon collègue, Daniel Chasseing, a d'ailleurs pu le rappeler lors de son intervention en discussion générale : le nombre de personnes de plus de 85 ans va doubler entre 2020 et 2040. D'ici 2050, on comptera même, selon les estimations, plus de 4,8 millions de personnes âgées de plus de 85 ans. Et le nombre de personnes dépendantes approchera quant à lui les 2 millions d'ici 2040.


Mais il est un chiffre que l'on cite moins et qui est peut-être pourtant au moins aussi parlant : on compte trente fois plus de centenaires aujourd'hui dans notre pays que dans les années 70. Il n'y a donc pas besoin d'être fin analyste pour comprendre à quel point notre pays vieillit. Et que le vieillissement n'est pas le défi qui nous attendra demain, mais qu'il est d'ores et déjà celui d'aujourd'hui.


C'est donc un projet de loi d'ampleur, à la hauteur des enjeux, et avec les moyens corrélatifs dont les Français ont besoin et que nous, parlementaires, attendons. Adaptation des logements, des établissements médico-sociaux et de l'urbanisme, aide à la mobilité, formation du personnel soignant, prise en compte des disparités importantes selon les territoires -je pense notamment aux Outre-mer- : les enjeux d'adaptation au vieillissement sont nombreux.


La proposition de loi sur laquelle nous devons voter aujourd'hui est-elle le texte tant attendu ? Malheureusement non. C'est un texte qui dresse les contours de quelques améliorations nécessaires mais qui ne va pas assez loin, et surtout, qui ne donne aucune perspective financière. Le titre de cette PPL a d'ailleurs été revu en commission pour l'adapter très justement à un contenu bien moins ambitieux que ce qu'il affichait initialement.


Arrivé au Sénat avec 65 articles, le texte pouvait laisser espérer des avancées majeures. En réalité, il contenait beaucoup d'articles inutiles, symboliques, de portée réglementaire ou même déjà satisfaits par le droit en vigueur. Le travail effectué en commission a permis de mettre cette PPL au niveau d'un texte législatif. Cela dit, on comprend bien que la longueur et le contenu du texte transmis au Sénat n'étaient que le reflet de l'émotion suscitée par le scandale qui éclatait au sein des EHPAD en 2022, faisant lui-même suite au traumatisme encore récent des restrictions lors de la crise sanitaire.


Angoisse légitime suscitée par les récits les plus durs que l'on puisse imaginer. Des récits qui nous renvoient inévitablement à la peur de la dépendance, celle de nos proches, celle de nos parents, et sans doute à la nôtre. Et aux abus dont certains font preuve face à cette dépendance.


Néanmoins, nous avons rappelé avec le travail effectué dans notre Chambre haute que le rôle du Parlement n'est pas de légiférer sous le coup de l'émotion, mais de garder la tête froide pour prendre des décisions raisonnées et raisonnables.


À ce stade, il m'est difficile de ne pas profiter de mon intervention pour saluer et remercier tous ceux qui travaillent auprès des personnes âgées, à domicile ou en établissement. Ces mêmes personnes, qui après avoir été applaudies durant les débuts de la crise sanitaire, ont été salies deux ans après par un scandale dans lequel, elles n'avaient, pour beaucoup d'entre elles, rien à voir. Je souhaite donc remercier tous ces professionnels qui, chaque jour, parfois au prix de leur propre santé, font la différence auprès de nos aînés en leur apportant gentillesse et bienveillance. J'ai ainsi une pensée toute particulière pour les salariés et bénévoles du village santé de Saint-Joseph dans les Mauges.


Pour en revenir au texte, s'il ne propose pas de bouleversement majeur, il offre néanmoins quelques avancées. La mise en place d'un Service départemental de l'autonomie (SPDA), est une mesure de bon sens qui permettra un pilotage cohérent de la prise en charge de la perte d'autonomie à l'échelle du Département. Il permettra d'orienter les personnes âgées, les personnes en situation de handicap et leurs proches. En s'assurant du bon suivi des dossiers par les services compétents, nous espérons que ce SPDA contribuera, par une meilleure coordination des acteurs, à faciliter ce qui peut parfois ressembler à un parcours du combattant pour les usagers.


J'aurais préféré, pour ma part, que l'instauration d'une conférence nationale de l'autonomie soit maintenue. Je crois qu'elle aurait permis de mettre ce thème au centre des préoccupations de plusieurs ministères, permettant sa meilleure prise en compte.


Dès l'année prochaine, les départements volontaires auront la possibilité d'expérimenter le financement des SAD, les Services autonomie à domicile, par dotation forfaitaire en lieu et place de la facturation à l'heure. Je ne sais pas si cette nouvelle méthode de financement suffira à les sortir de leurs difficultés financières, mais cela leur offre au moins une nouvelle possibilité qu'il faut essayer.


Notre Groupe a eu l'occasion de le dire : si nous voulons réussir le virage domiciliaire, nous devons soutenir par tous les moyens les services d'aide à domicile. À ce titre, nous nous réjouissons donc de l'adoption d'un amendement rendant facultatif la fusion entre les SSIAD, les Services de soins à domicile, et les SAAD, Services d'aide et d'accompagnement à domicile, dont l'obligation pose tant de difficultés aux acteurs concernés.


Je me félicite que la carte professionnelle instaurée par le texte se voie, grâce à un amendement que j'ai déposé, ouverte à tous les professionnels intervenants à domicile. Cette carte reste néanmoins quelque peu symbolique, et la meilleure reconnaissance de cette professions passera avant tout par une revalorisation de leur rémunération.


Sur ce point, l'aide financière qui sera accordée aux départements pour aider à la mobilité des intervenants à domicile va tout à fait dans le bon sens et nous nous félicitons que le permis de conduire ait été intégré. Nous saluons aussi l'adoption d'un amendement de notre collègue Pierre-Jean Rochette qui a permis la suppression d'un article qui venait ajouter des contraintes administratives aux EHPAD, sans permettre de lutter concrètement contre la maltraitance.


Vous l'avez compris, notre Groupe votera en faveur de ce texte, mais Madame la Ministre, nous attendons de pied ferme un projet de loi pour le Grand âge, avec une projection précise pour les années à venir et des moyens chiffrés. Le vieillissement de la population est déjà à l'œuvre, les besoins ne sont plus imminents, mais urgents.


Je vous remercie.

Interventions au Sénat

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