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Franck MENONVILLE : Audition de Clément BEAUNE suite au Conseil européen des 23 et 24 juin 2022

29 juin 2022


Audition de Clément Beaune, ministre délégué chargé de l'Europe, par la Commission des Affaires européennes du Sénat suite au Conseil européen des 23 et 24 juin 2022

 

Merci Monsieur le Président.


Monsieur le Ministre,

La guerre en Ukraine nous rappelle cruellement que l’alimentation peut être une arme. Vladimir Poutine l’exploite avec cynisme…. Après un chantage aux hydrocarbures, il s’est maintenant lancé dans un bras de fer alimentaire avec la communauté internationale.

Face à cela, nous devons réaffirmer la nécessité d’une souveraineté alimentaire de l’Europe.

Nous avons nos propres leviers et nous devons les adapter à la situation géopolitique.

L’Europe s’est mobilisée depuis sa création au travers de la PAC, première politique intégrée de l’Union Européenne, pour assurer son autonomie alimentaire. Depuis plusieurs décennies on constate qu’elle est fragilisée et nous pouvons que le déplorer.


Ma question est multiple :

Où en est la mobilisation des stocks ?

Quid des contraintes de jachère obligatoire prévue dans les nouvelles dispositions de la PAC, et les dispositions du Pacte Vert ?

Sommes-nous en mesure d’espérer enfin que la commission européenne intègre la nouvelle donne géopolitique et géostratégie européenne ?


L’Europe doit cesser de faire preuve de naïveté.

La France est encore aujourd’hui la première puissance de l’Union européenne, mais sa balance commerciale connaît une érosion depuis 2015, elle perd en compétitivité sur de nombreux secteurs, le plan stratégique national proposé pour 2023-2027 par le ministre Julien Denormandie ayant été déclaré insuffisant pour faire face aux enjeux du monde agricole, qu’en est-il ?


Concernant la stratégie « Farm to Fork » qu’est-il envisagé ?


Il faut se ressaisir, nous devons actuellement faire face à la désindustrialisation de notre pays, nous avons la chance d’avoir une agriculture forte, ne faisons pas de notre agriculture ce que nous avons fait de notre industrie !


Il est plus que nécessaire de mettre ces questions à l’ordre du jour du prochain Conseil européen ! Il en va de l’avenir de l’Union européenne, de notre souveraineté alimentaire et de notre indépendance.


Réponse de Clément BEAUNE – ministre délégué chargé de l’Europe

Sur la question agricole et alimentaire.


Nous faisons deux choses en effet :

- Une vis-à-vis de l’extérieure par ses initiatives européennes et internationales d’extraction, si je puis dire, des récoltes ukrainiennes. D’abord dans les silos où le grain est stocké aujourd’hui. Nous avons plusieurs dizaines de million de tonnes à évacuer avec un rythme de livraison par voie terrestre, parce que la voie maritime reste bouchée, qui soit s’accélérer très fortement. Cela nécessite de mobiliser des opérateurs ferroviaires, très concrètement des containers, des modalités de transports fluviales ou ferroviaires que j’indiquais, de travailler avec la Roumanie et la Pologne en particulier pour accélérer la capacité de livraisons. Nous sommes en train de monter en régime. Et avec la Commission européenne nous travaillons aussi, et maintenant la nouvelle présidence tchèque, à renforcer ces soutiens matériels en wagons, en barges etc pour accélérer ces capacités de livraisons par d’autres routes. En préparant aussi la prochaine saison et les prochains stockages pour que nous n’ayons pas de pertes plus importantes encore.


- Et puis vous avez raison, sur l’adaptation de nos règles européennes. À l’évidence, le président de la République l’avait dit publiquement et à la présidente de la Commission européenne, nous devrons adapter notre stratégie dite de la ferme à la fourchette, « Farm to Fork ». Je crois que l’on ferait une erreur, parce qu’il ne faut jamais que le court terme écrase le long terme, de renoncer à nos objectifs, environnementaux en particulier. Ce serait une erreur, en terme de réduction des pesticides, en terme de changement des modes de production nous en avons besoin, c’est aussi un sujet de souveraineté alimentaire pour l’avenir. Mais les règles comme la mobilisation des jachères, ça représente aujourd’hui 4% de surfaces qui pourraient être rendues disponibles rapidement, le rythme de baisse de production dans certaines filières ou sur certaines surfaces : tout ça, je n’ai pas la réponse finale, mais peut-être elle doit être je crois rediscutée en effet. Avec l’idée très claire qu’il ne s’agit pas de rediscuter par la fenêtre de la stratégie Farm to Fork dans ses éléments environnementaux en particulier, mais avec une exigence simple c’est que nous avons un impératif de production, et ça je crois que ça mérite d’être redit au niveau européen. De production qui doit être « verdie », qui doit être améliorée certainement, mais un impératif de production, un impératif comme disait mon ancien collègue Julien Denormandie (ancien ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation) nourricier. Et c’est encore plus vrai au regard de la situation actuelle, pour nous-mêmes et pour le monde d’ailleurs. Parce que si des pays comme l’Égypte qui importait 80% de leurs productions agricoles dans beaucoup de productions de base comme le blé ne peuvent plus avoir accès aux importants d’Ukraine, si l’Europe n’est pas là en substitut comme exportateur, comme donateur dans certains cas, nous prendrions un risque pour nous-mêmes. Je n’ai pas besoin de faire un dessin pour dire les déstabilisations politiques et géopolitiques qui peuvent résulter de pénuries voire d’émeutes de la faim dans notre voisinage immédiat. Donc je crois que c’est un impératif de souveraineté pour nos consommateurs, nos citoyens, nos agriculteurs, mais aussi pour notre voisinage le plus immédiat. Donc oui c’est un des sujets qui est sur la table, et sur lesquels nous avions intégré cet élément de souveraineté alimentaire dans l’Agenda dit de Versailles en mars, mais nous attendons aussi les propositions de la Commission pour ajuster cette stratégie.

Interventions au Sénat

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