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Débat "La forêt française face aux défis climatiques, économiques et sociétaux"

19 novembre 2020


ORDRE DU JOUR RÉSERVÉ À NOTRE GROUPE


Franck MENONVILLE

Pierre-Jean VERZELEN

Daniel CHASSEING


L'ensemble des prises de parole du débat est à retrouver sur le site du #Sénat : https://urlz.fr/ejXM



Franck MENONVILLE, introduction

Madame la Présidente,

Monsieur le Ministre,

Mes chers Collègues,


Monsieur le Ministre, la forêt française est en danger. Elle est confrontée à de multiples crises et défis auxquels nous devons apporter des réponses adaptées, efficaces et pérennes. Le Groupe Les Indépendants a choisi d’éclairer à travers ce débat les difficultés mais aussi les atouts de la forêt.


Monsieur le Ministre, le moment est aujourd’hui opportun pour plusieurs raisons. D’une part de nombreux rapports récents sont venus étayer nos réflexions. Je veux citer le rapport de la Cour des Comptes publié en avril dernier, mais aussi celui de notre collègue Anne-Laure Cattelot. Ce travail de grande qualité, est la base d’une stratégie à réaffirmer pour notre forêt. Je veux aussi saluer le travail mené par le groupe d’études forêt et bois présidé par notre collègue Anne-Catherine Loisier.


D’autre part, parce que le plan de relance, attendu et salué par le secteur, apporte 200 millions d’euros et c’est historique, Monsieur le Ministre, à la forêt au bord de l’abîme.

La forêt représente 31% de notre territoire national et la quatrième surface boisée de l’Union européenne. Ses surfaces progressent depuis 1840.


La forêt française est à la croisée de trois tournants majeurs.

Le premier communément appelé « tempête silencieuse » : autrement dit la conséquence du changement climatique. Depuis des années, nous observons ses effets croissants.

Les aléas climatiques, le développement des maladies ou encore la présence de nuisibles comme les scolytes et les chenilles processionnaires sont autant de traces visibles d’une forêt victime de ces changements.


La forêt est pourtant un levier essentiel pour lutter contre ce changement climatique et pour la préservation de nos ressources naturelles et de notre biodiversité. Nous devons aujourd’hui accompagner son adaptation pour construire la forêt de demain.



La stratégie de la transition écologique de la France doit passer par une gestion durable des forêts, par une politique renouvelée, stable, volontariste s’inscrivant dans le long terme. Tout ceci couplé à des niveaux d’investissements et de recherches conséquents.


La deuxième crise est d’ordre économique. Protéger notre forêt c’est aussi l’entretenir, la gérer durablement et en valoriser ses atouts. Notre filière forêt-bois constitue l’une des réponses principales. Elle représente 440 000 emplois, soit 12,7% de l’effectif industriel français. Elle pèse 60 milliards d’euros d’activité. Néanmoins, son déficit commercial de 6,8 milliards d’euros s’accroît de manière constante.


Ces chiffres sont issus du rapport de la Cour des Comptes. Il identifie les faiblesses d’une filière où les investissements sont manquants et où l’articulation insuffisante des acteurs nuit gravement à la compétitivité, notamment entre l’amont et l’aval de la filière.


La filière rencontre des problèmes :

- dans les approvisionnements ;

- une fragilisation de la première transformation faute de débouchés ;

- et une concurrence des marchés étrangers sur la seconde transformation,

d’où l’enjeu d’un travail approfondi, amont et aval.


La filière bois doit jouer un rôle majeur dans le secteur du bâtiment, notamment dans la rénovation. A titre de recommandation, à l’aune du plan de relance, nous devons revaloriser et inciter davantage l’utilisation du bois, véritable levier de la stratégie bas carbone dans la construction et le bâtiment. Nous sommes d’ailleurs en attente de l’ARE220 ambitieuse en la matière.


La troisième crise que je veux évoquer est sociétale. La forêt est pour beaucoup de français un lieu de loisir, de découverte et de bien-être. C’est aussi un milieu où l’équilibre sylvo-cynégétique est primordial. Les déséquilibres parfois observés impactent la régénération de nos forêts. Le dialogue permanent contre les forestiers et les chasseurs est donc indispensable.


Mais surtout, nous voyons se développer un courant de pensées selon lequel il faudrait protéger les arbres sans les exploiter. Mettre sous cloche la forêt reviendrait à ignorer que seule une forêt durablement exploitée permet sa régénération en captant et en fixant le carbone.


A la suite des auditions menées avec mon collègue Daniel Chasseing, j’aimerais vous proposer plusieurs pistes de réflexions


La première, je pense qu’une politique forestière nationale ne peut se passer d’un volet local. L’échelon régional semble d’ailleurs être le plus pertinent, car suffisamment local tout en dégageant une vision d’ensemble. A ce titre, cela pourrait être intégré dans la loi dite « 3D », très attendue par les acteurs de la filière.


Concernant l’ONF maintenant. L’ONF joue un rôle majeur, il est pourtant indispensable de clarifier ses missions, de revoir son modèle économique c’est essentiel, de lui donner les moyens de ses ambitions et développer un dialogue plus systématique avec le local et la filière bois.

En outre, je ne suis pas favorable à la création d’une Agence nationale des forêts unique qui regrouperait l’ONF, le CNPF et d’autres acteurs. Le problème ne se situe à mon sens pas là. Il faut privilégier une politique plus décentralisée et régionalisée.


C’est l’occasion pour nous de réaffirmer le rôle essentiel des élus qui participent à la gestion des forêts communales. Ils sont en première ligne dans la gestion de crise. Ils font le lien avec les propriétaires privés, avec l’ONF, avec la filière bois, avec les chasseurs. Ils doivent être les acteurs d’une territorialisation plus accrue de la stratégie forestière française.


Par ailleurs, ceci pose le problème de l’information et des données. En effet, le flux d’information entre les acteurs est une part importante de la réussite d’une politique forestière cohérente.

La lutte efficace contre les crises repose sur l’utilisation d’outils modernes, sur l’innovation, sur la recherche, sur le développement, et sur des investissements conséquents.


Enfin, venons-en au plan de relance, que je veux véritablement saluer Monsieur le Ministre, m’inspire néanmoins deux mises en garde. La première concerne la durée de deux ans pour son déploiement. Le temps de la forêt est un temps long, particulièrement concernant le reboisement qui requiert des plans, des graines et surtout de faire le bon choix concernant les essences.


Ma seconde mise en garde porte sur la complexité de la constitution des dossiers qui nuirait nécessairement à l’accès et donc à l’efficacité de ce plan. Pourriez-vous nous rassurer en la matière ?


Ce plan de relance constitue véritablement un « starter » indispensable qui devra être relayé par une politique de long terme.

Je soutiens d’ailleurs comme les acteurs de la filière, le projet de création d’un fonds pour l’Avenir de la forêt sur 30 ans qui devrait être doté de 300 millions d’euros.


Le financement proviendrait tant des sphères privées que des sphères publiques.


Pour conclure Monsieur le Ministre, Mes chers Collègues, la forêt privée constitue donc le débat du moment. Et quel endroit plus indiqué pour en débattre que cet hémicycle sous le regard exigeant de Colbert qui considérait la forêt comme "un trésor qu'il faut soigneusement conserver" ? Mais surtout, n’oublions jamais que la forêt est le fruit et l’œuvre du travail des hommes.



Pierre-Jean VERZELEN, question au Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation


Madame la Présidente,

Monsieur le Ministre,

Mes chers Collègues,


Aux frontières d’une région, de ma région celle des Hauts-de-France, entre les départements de l’Oise et celui du Val d’Oise se trouve : la forêt de Chantilly. Véritable concentré des richesses forestières françaises et aussi de la complexité de la situation nationale. Cette forêt, c’est un véritable laboratoire à ciel ouvert.


Le dérèglement climatique, l’infestation par les hannetons et les dégradations causées par le grand gibier. En 10 ans les gestionnaires, dont fait partie l’ONF, ont pu identifier les causes majeures des problèmes de la forêt de Chantilly.


Une mobilisation importante s’est déployée pour agir et conserver une forêt vivante. Elle a réussi à mettre autour de la table tous les acteurs : la population, les scientifiques, les associations environnementales, les chasseurs et les élus. Ainsi, les problèmes ont pu être identifiés et des solutions dégagées.


Et les solutions, elles sont nombreuses et s’inscrivent dans un schéma national : le reboisement, l’inclusion des chasseurs dans les discussions de régénération de la forêt, l’adaptation de la forêt par la recherche ou encore le développement d’actions en faveur de la filière bois, en respectant ses particularités afin d’en assurer son avenir.


Afin de trouver un cadre et d’organiser au mieux cette action, une idée a émergé, celle de créer un Groupement d’intérêt public. Loin d’être un comité Théodule, ce GIP permet de mettre tout le monde autour de la table afin de travailler, d’organiser et d’aménager une gestion durable et adaptée au domaine forestier avec un objectif principal : trouver des solutions aux dangers qui guettent la forêt.


Je souhaitais attirer l’attention sur le combat mené pour la forêt de Chantilly parce qu’il y a urgence.


Monsieur le Ministre, cette pratique volontariste et la création de ce GIP ne pourraient-elles pas être dupliquées en étant adaptées aux spécificités de chacun ?


Réponse de Mr Julien DENORMANDIE – Ministre de l’Agriculture et de l’alimentation

Monsieur le Sénateur VERZELEN, j’ai totalement en tête la situation particulière de la forêt de Chantilly. J’ai à la fois vu les déclarations du Général Millet et puis vu à quel point le plan d’action qui a été instauré, et que vous avez brillamment évoqué à l’instant, était très certainement en tout point exemplaire.

D’abord parce qu’il a associé, comme vous l’avez dit, l’ensemble des parties prenantes, des citoyens aux gestionnaires en passant par les chasseurs et autres entités.


D’autre part, parce que je crois qu’il a bien pris en compte l’ensemble des défis en associant notamment une sorte de Comité scientifique avec là encore, l’ensemble des acteurs, que ce soit l’INRAE, AGROPARITEC, que ce soit France nature environnement, par exemple pour ne citer qu’eux.


Et puis enfin, parce qu’il établit de nouvelles pratiques cynégétiques – comme on dit – permettant justement d’élaborer la forêt de Chantilly sur cette durée, sa pérennité.


Moi, mon engagement il est assez simple, c’est au regard tout ce travail qui est fait, de voir comment on peut tirer profit des financements du plan de relance pour venir soutenir le plan d’action de la forêt de Chantilly qui a déjà été établi.


C’est l’instruction que j’ai donnée évidemment à l’ensemble de mes équipes et c’est je crois une opportunité pour le plan d’action de la forêt de Chantilly qui je le dis très clairement, n’a pas du tout attendu le Gouvernement et son plan de relance qui a été lancé avant, mais c’est l’opportunité aujourd’hui de son plan d’action de pouvoir être financé en partie par le plan de relance qui arrive à point nommé si je puis dire ; en l’occurrence, c’est le travail que j’ai demandé à mes équipes de réaliser.


Voilà la réponse que je voulais apporter à votre question, Monsieur le Sénateur.



Daniel CHASSEING, conclusion


Madame la Présidente,

Monsieur le Ministre,

Mes chers Collègues,


La qualité des échanges que nous venons d’avoir, démontre l’intérêt que chacun porte à la forêt, mais aussi l’importance d’organiser une politique cohérente sur le long terme. Nous partageons tous le constat que l’inaction serait dévastatrice pour notre environnement, notre économie, notre société.


J’aimerais revenir sur quelques points évoqués. Un tiers de notre territoire métropolitain est occupé par la forêt. Dans nos territoires d’Outre-mer cela peut atteindre 95% comme c’est le cas en Guyane. Depuis 1945 la forêt a progressé de 40%.


La forêt française, comme cela a été dit, est un trésor de diversité d’essences. Elle sauvegarde notre biodiversité et nos ressources naturelles. Nous devons la protéger, l’aider à s’adapter et à se régénérer pour faire face aux défis auxquels elle est confrontée.


Pour atteindre nos objectifs nous devons donc faire un effort quant à notre gestion forestière. Nous devons inciter à une modification des comportements et inciter à une gestion plus durable. Tout le monde l’a dit, les trois quarts de la forêt sont détenus par 3,5 millions de propriétaires privés, dont une grande majorité détient seulement quelques hectares (moins de 3). L’idée est de confier la gestion de ces espaces forestiers à des professionnels. Mutualiser nos efforts, mieux nous organiser résoudrait une partie des problèmes de la forêt.


Les efforts doivent aussi se porter sur la filière bois. Les difficultés économiques de cette filière ont été largement soulevées. Je m’attarderai sur le secteur du bâtiment. Le bois a des qualités et une performance thermique dont nous aurions tort de nous passer. Il peut être utilisé dans la rénovation, mais aussi dans le neuf. La construction d’une maison en bois réduit de 55 % les émissions de CO2. Ce qui est un atout pour le secteur qui représente 40 % des émissions mondiales.


Revaloriser le bois passe aussi par l’économie circulaire. A la fois par le recyclage et la valorisation énergétique. On sait que la filière dégage des millions de tonnes de déchets. Un débouché complémentaire de cette ampleur permet une meilleure valorisation de l’exploitation forestière et d’éviter de gaspiller des déchets précieux. Pour la filière bois énergie c’est environ 40 000 d’emplois directs et indirects. L’ensemble de la filière bois créée beaucoup d’emplois dans tous les territoires, y compris dans les départements ruraux. Nous devons la soutenir et l’adapter.


La compétitivité de notre filière bois est essentielle. C’est pourquoi je ne suis pas forcément favorable à la limitation des coupes rases. J’entends les arguments, légitimes, qu’ils soient visuels ou l’érosion en montagne, même s’il faut tenir compte de ces derniers critères. Mais il faut aussi, tenir compte de la compétitivité entre pays, du respect de la maturité des arbres et il faut sûrement obliger une replantation. La commercialisation du bois rentre dans une compétition économique allant du reboisement à la transformation du bois. Si nous n’investissons pas suffisamment dans notre filière bois, d’autres pays, où l’exploitation est plus efficace, viendront à notre place, sur notre propre marché. Cela n’empêche pas de développer les forêts loisirs ; cela a été dit tout à l’heure par mon collègue Pierre-Jean Verzelen avec des réflexions sur la forêt sur tous les acteurs.


La clef de la réussite d’une stratégie forêt équilibrée est le dialogue entre les acteurs ainsi qu’un climat de confiance. Nous devons être capable de démontrer et d’expliquer à nos concitoyens les contraintes d’exploitation de la forêt, l’attaque des nuisibles mais aussi les bénéfices pour l’emploi et le climat. L’écologie et l’économie ont la chance d’être les deux faces d’une même stratégie, celle de la préservation de notre forêt.


Dans cette stratégie, l’État a une place centrale, mais une marge de manœuvre doit être laissée aux territoires. Je rejoins les propos de mon collègue Franck Menonville et en particulier lorsqu’il identifie la région comme l’échelon le plus pertinent en termes d’action, j’y ajouterai les départements. Cela permettra d’adapter la stratégie aux besoins locaux.


Pour conclure, je voulais remercier Monsieur le Ministre, nos Collègues qui ont participé à ce débat et développé des propositions constructives.

J’aimerais mettre en lumière trois points.


Le premier, l’ONF qui est l’un des sujets centraux du débat. Sa réforme ne peut pas se passer de moyens renforcés. Il doit être aussi le lien avec les territoires. C’est un acteur parfait d’activation et d’animation d’une stratégie forêt efficace mais aussi déterminer des aides aux communes forestières sinistrées, comme l’a dit notre collègue Grosperrin.


Le deuxième point concerne le plan de relance. Ce plan va dans le bon sens. A la fois sur le fond forêt, le soutien de BPI France aux entreprises et le développement d’une couverture de télédétection.


Voilà, Madame la Présidente, je conclue. Ce plan doit être le début d’une politique plus ambitieuse pour la forêt.


Le troisième propose une réflexion autour d’une défiscalisation des travaux en forêt qui aurait des conséquences positives sur la création d’emploi et la valorisation de la filière et surtout, inciter les propriétaires à se restructurer, comme l’ont souhaité plusieurs de mes collègues.


Monsieur le Ministre, le travail est encore important pour répondre aux besoins de la forêt. Vous êtes désormais assuré que nous souhaitons la réussite d’une politique cohérente à long terme. Il en va de l’avenir du pays, de l’emploi, de notre société et des générations futures.

Interventions au Sénat

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