03 mars 2021
Débat sur l'accord de commerce et de coopération entre le Royaume-Uni et l'Union européenne (débat de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et de la Commission des affaires européennes)
Joël Guerriau s'est exprimé à la tribune du Sénat.
Madame la Présidente,
Monsieur le Ministre,
Messieurs les Présidents de Commission,
Depuis sa création, l’Union européenne poursuit un rapprochement toujours plus fort entre ses peuples et ses membres. Le Brexit va totalement à rebours de l’Histoire de notre construction européenne. Le départ de l’un de ses membres oblige l’Union à analyser ses faiblesses et ses échecs.
La première de nos faiblesses est la règle de l’unanimité sur certains sujets majeurs. Force est de constater que ce qui fut longtemps un atout est désormais synonyme de prise d’otage, comme l’a mis en lumière le blocage de la Pologne et de la Hongrie sur le plan de relance européen. L’unanimité contribue malheureusement plus à la division qu’à l’union. Il y a aussi la complexité de l’Union et le manque d’une bonne communication avec ses citoyens qui se sentent de plus en plus éloignés de l’Europe. Ce ne sont là que quelques exemples.
Je salue le travail vertigineux accompli par le négociateur et son équipe pour conclure l’accord de commerce et de coopération entre le Royaume-Uni et l’Union. Ce fut un véritable tour de force jusque dans les derniers instants.
Mise à part la durée exceptionnellement courte des négociations, les discussions sont elles aussi inédites. C’est effectivement la première fois que l’Union travaille à l’éloignement plutôt qu’au rapprochement avec d’un de ses partenaires. Michel Barnier l’a très bien exprimé, lors de son audition il y a une dizaine de jours, en disant que nous avons négocié « la divergence réglementaire et non la convergence ».
C’est pourquoi je pense que l’application de l’accord est cruciale. Les tensions entre britanniques et européens sont palpables et le moindre incident peut prendre des proportions telles que l’équilibre se retrouvera fragilisé. La mise en œuvre, pour le moins compliquée, du protocole concernant l’Irlande du Nord en est symptomatique. Nous sommes encore loin d’une relation apaisée et il faudra probablement quelques années et d’autres crises pour parvenir à plus de stabilité.
Nous devrons être vigilants pour protéger nos intérêts. Il ne faudra pas faiblir si les règles ne sont pas respectées, si nos peuples sont lésés. Car si nous sommes encore dans des règles communes, la divergence réglementaire nous guette. A ce titre, je sais que les parlements nationaux auront un rôle d’alerte essentiel. Les citoyens aussi. Monsieur le Ministre, nous sommes prêts à prendre notre part, pour la mise en œuvre stricte de cet accord, quels sont nos moyens concrets d’action ?
Concernant l’accord en lui-même, beaucoup trop riche pour pouvoir en explorer ici tous les aspects, je me limiterai à quatre points qui me paraissent centraux.
D’abord, la pêche. Mon Groupe a récemment posé une question au gouvernement dans les perspectives post 2026. Le Brexit signifie aussi une diminution des échanges avec le Royaume-Uni. Les ports maritimes français de la façade atlantique, dont Nantes-Saint-Nazaire fait partie, sont impactés. Il faudra prêter une attention particulière à l’organisation des liaisons commerciales et des contrôles de produits venant du Royaume-Uni que ce soit via les ports français, belges ou néerlandais.
Deuxièmement, la France a subi plusieurs cyberattaques ces derniers mois. Elles ont touché les collectivités territoriales et nos centres hospitaliers, et rappellent que la sécurité est essentielle. Une coopération dans ce domaine est inévitable et j’espère que le dialogue régulier qui est prévu par l’accord permettra un espace d’échanges et d’innovations. Le gouvernement vient de publier sa stratégie sur le sujet, comptez-vous porter certains points dans le dialogue entre Royaume-Uni et l’Union européenne ?
Ensuite, deux points exclus des discussions, pour lesquels il faudra absolument trouver un cadre commun de coopération. Le premier concerne les frontières et la politique d’asile et d’immigration. Alors que le règlement de Dublin ne s’applique plus au Royaume-Uni, quelles sont les réflexions sur la possibilité d’un accord futur avec l’Union ? La France et le Royaume-Uni travaillent de concert sur ce sujet depuis longtemps. Monsieur le Ministre comment envisagez-vous les prochains mois ? Et est-ce que des discussions sont prévues sur ces sujets ?
Le second point s’articule autour de la politique extérieure, de sécurité et de défense. Malgré son exclusion des négociations, nous allons devoir coopérer. Le contexte international actuel nous oblige à développer une action concrète et commune. L’UE doit regagner en autonomie, et les discussions avec le Royaume-Uni ne peuvent pas se faire exclusivement à travers les accords de Lancaster House. Cela soulève aussi une nouvelle fois les problématiques de l’Europe de la défense ou encore d’un volet européen au sein de l’OTAN. Quelles sont les pistes de réflexions du côté français et du côté européen ?
Après avoir travaillé à la sortie des britanniques de l’Union, nous devons nous concentrer sur nous, européens. Michel Barnier l’a très justement soulevé : il faut se rendre compte de la valeur ajoutée de l’Europe. Nous devons continuer à créer cette valeur ajoutée. De nombreux sujets réclament notre attention et notre coopération. Le rêve européen se poursuit mais il est gravement menacé. Le Brexit nous donne l’occasion de nous interroger sur nous-mêmes et sur la logique européenne. Nous devons le faire. Et comme l’écrivait Jean Monnet, « ce qui est important, ce n’est, ni être optimiste, ni pessimiste, mais bien sûr d’être déterminé ».
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