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Joël GUERRIAU : PLF 2018 - Mission "Défense"

30 novembre 2017


Projet de loi de finances pour 2018 - Mission "Défense"


Monsieur le président,

Madame la ministre,

Mes chers collègues,


Dans le cadre de la revue stratégique, le 24 octobre dernier, nous exprimions dans cet hémicycle notre volonté de disposer d’une armée complète et crédible pour faire face à un monde où les menaces se propagent comme un feu de brousse. Ce budget nous permet-il d’enraciner un arbre capable de se dresser et de résister au feu de brousse ?


Au cours de ces dernières années, le budget de la défense a fait l’objet de sous-estimations, de reports de charges, d’annulations de crédits, de promesses de recettes exceptionnelles sans lendemain. Dans le même temps, l’engagement de l’armée, aussi bien à l’extérieur que sur notre territoire, n’a cessé de s’accroître, entraînant des besoins matériels et humains croissants.


Ce budget, madame la ministre, sous votre impulsion, marque une nouvelle dynamique. Je mettrai l’accent sur deux points de satisfaction.


Le premier concerne le volet humain. La défense et la sécurité nationale, ce sont avant tout des femmes et des hommes qui s’engagent pour notre pays. Leur engagement implique leurs familles, qui en subissent les conséquences de plein fouet : difficulté à concilier vie militaire et vie personnelle, mobilité, reconversion et hébergement sont autant d’écueils. Nous approuvons la mise en œuvre d’un plan Famille, ainsi que l’évolution positive des crédits pour le personnel et en faveur de la politique immobilière. Le parc est en effet très dégradé, sa maintenance ayant été longtemps sacrifiée pour préserver les dépenses d’infrastructures des programmes d’armement.


Ce budget concrétise un effort en faveur de la condition du personnel. Pour autant, je dois vous avouer notre inquiétude quant à la bascule entre Louvois et Source Solde qui s’étalera entre 2018 et 2020 et qui, surtout, va interférer avec la mise en place de la retenue à la source.


Louvois, c’est un véritable scandale d’État et nous n’avons pas droit à un second échec. C’est la responsabilité du Gouvernement.


Le second point de satisfaction, c’est l’augmentation accordée aux équipements. Force est de constater l’usure des matériels liée au haut niveau d’engagement de nos armées. La progression des crédits d’entretien du matériel, pour un maintien en condition opérationnelle, est un juste retour des choses. Pour l’armée de l’air, nous saluons dans ce budget la livraison de matériels qui nous font cruellement défaut. Citons le premier ravitailleur en vol A330 MRTT, la montée en puissance du transport aérien, le premier avion léger de surveillance et de reconnaissance, le lancement du programme de recueil de renseignements électromagnétique CUGE.


À l’échelon de l’armée de terre, ce budget compense des lacunes accumulées au cours de ces quinze ou vingt dernières années. Nos équipements sont usés par plusieurs années de sous-dotation et de surengagement. Parfois, ils sont dépassés : ainsi, le pistolet automatique de nos soldats date de 1950 !

Nous approuvons donc les efforts qui sont entrepris ; pour autant, dans deux domaines, nous devrions faire davantage.


Le premier concerne notre capacité à innover. Au cours de son histoire, notre nation a su relever des défis technologiques : c’est une juste cause que d’accroître les crédits consacrés à la recherche, à la cybersécurité et à la révolution numérique. La revue stratégique affiche une ambition technologique et industrielle, et je pense qu’il faut que nous intensifiions davantage nos efforts de recherche et développement.


Il est temps de passer à des équipements de quatrième génération. C’est tout l’enjeu du programme Scorpion, qui mérite d’être accéléré, en particulier pour ce qui concerne les études environnementales et les travaux liés à l’innovation. Je sais que vous en êtes convaincue, madame la ministre. Notre armée doit être dotée d’un niveau de protection de haute qualité.


Le second domaine de préoccupation est notre capacité à traiter les enjeux qui se jouent sur et sous les océans. La mer recèle d’immenses richesses, énergétiques et halieutiques bien sûr, mais aussi d’innombrables minerais indispensables au développement de hautes technologies. Or nous sommes pillés, et, surtout, on convoite notre souveraineté.


Notre marine nationale est dans l’incapacité d’assurer une présence suffisante sur l’ensemble des océans pour couvrir notre espace maritime, le second au monde par sa taille.


Désormais, on croise plus souvent le pavillon chinois en Méditerranée que le nôtre. La Chine s’apprête à contrôler toutes les routes maritimes, et donc les flux commerciaux, ainsi que les communications intercontinentales.


Nous nous réjouissons de la livraison d’un Barracuda. Les sous-marins nucléaires d’attaque, ou SNA, de la classe Rubis ont été conçus pour une durée de vie de vingt-cinq ans. Aujourd’hui, ils en ont presque 35. Alors que la Chine met à la mer en quatre ans l’équivalent de la totalité de la flotte française…

Pour avoir navigué sur un SNA, je tiens à rendre hommage aux équipages, qui sont confinés dans les plus petits sous-marins du monde. Ils ont beaucoup de courage ; ce sont des gens brillants.


Nous souhaitons que soit accéléré le programme BATSIMAR, ou bâtiment de surveillance et d’intervention maritime. Nos avisos sont usés et dans l’incapacité d’assurer une protection optimale de nos zones exclusives.


Nous saluons votre initiative, madame la ministre, d’engager la livraison d’un patrouilleur pour les Antilles, de deux bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers en 2018 et d’un bâtiment multi-missions B2M. Cependant, reconnaissons-le, cela ne suffira pas pour assurer notre souveraineté outre-mer.


Je suis également convaincu que nous avons besoin de deux porte-avions, alors même que le Charles-de-Gaulle est en cale sèche pour deux ans. La maîtrise des espaces aéromaritimes en dépend. Nous ne pouvons pas continuer à courir le risque d’une présence discontinue, voire aléatoire. Nos voisins britanniques l’ont bien compris, qui ont fait le choix de deux porte-avions.


Le terrain de jeu de l’économie et de l’écologie sera demain non la mondialisation, mais la maritimisation. Nous disposons de formidables atouts industriels ; nous devons mettre le cap vers la croissance bleue. Pour cela, notre marine nationale est incontournable et doit être renforcée dans ses moyens d’action.


Pour conclure, dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques et d’arbitrages difficiles, nous aimerions que l’effort affiché par une augmentation de 1,8 milliard d’euros du budget soit réel. L’annulation de 850 millions d'euros de crédits, puis, maintenant, le gel de 700 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 200 millions d'euros pour les OPEX et des reports de charges, risquent une fois encore de masquer la réalité des effets d’annonce.


C’est la raison majeure pour laquelle le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra, tout en soulignant que nous croyons, madame la ministre, à votre détermination à convaincre Bercy. Nous souhaitons que les engagements pris soient strictement tenus. Ainsi, nous démontrerons notre considération et notre reconnaissance envers les femmes et les hommes engagés dans la défense de notre nation.


Dans le même temps, entre deux lois de programmation militaire, un contexte international sous tension et une solidarité européenne encore trop timide, ce budget nous invite à l’humilité.

Interventions au Sénat

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