Marie-Pierre BESSIN-GUERIN : Débat sur l'avenir de la décentralisation
- Les Indépendants
- 4 nov.
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4 Novembre 2025
Débat sur le thème : "L'avenir de la décentralisation"
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers Collègues,
« Faites-nous confiance ! ». C’est là le cri du cœur de la maire de La Meilleraye-de-Bretagne, commune de 1500 habitants, que j’étais avant de rejoindre le Sénat. Ce cri du cœur ne vient pas de nulle part nous savons tous ici qu’il est partagé par nombre de nos élus locaux.
Pour étayer mon propos, j’aimerais vous partager un exemple personnel. Il y a quelques années, il m’a été demandé de réaliser des travaux coûteux sur l’une des voies de ma commune. Au-delà du coût, cela représentait aussi un problème majeur en matière de sécurité routière.
En tant que maire de la commune, j’ai alors proposé, avec les habitants, un autre chemin, plus sécurisé, et qui n’aurait nécessité que de petits aménagements à la marge.
Il aura fallu près de deux ans de mobilisation pour que notre voix soit entendue et que cette solution, bien plus pragmatique, soit finalement retenue. Nous aurions gagné bien du temps si, dès le départ, notre voix avait été écoutée.
Cet exemple illustre le quotidien de nombre d’élus locaux en France. Il illustre aussi à quel point il est impératif de remettre la confiance au cœur de notre relation aux territoires.
Car oui, l’avenir de la décentralisation passe avant tout par la confiance. Confiance aux élus locaux qui sont mobilisés, en permanence, sur le terrain. Confiance dans les instances de proximité qui portent avec force la voix des habitants.
Depuis plus d’une quarantaine d’années, plusieurs vagues de décentralisation se sont succédées. Elles ont toutes poursuivi des objectifs nobles, mais force est de constater qu’elles s’articulent mal entre elles. Le cadre juridique actuel manque de cohérence, mais aussi de souplesse.
Cela a pour conséquence un manque de lisibilité, autant pour les élus locaux que pour nos concitoyens. Réformer ce cadre, de façon globale, s’impose aujourd’hui comme une évidence.
Sur le plan constitutionnel tout d’abord, notamment pour ce qui est de la sanctuarisation des principes de subsidiarité et de différenciation territoriale. L’unité de la République, son lien avec les citoyens, cela passe autant par le respect des spécificités locales que par une action publique plus efficace et proche du terrain. C’est ce que permettent ces principes.
Se pose aussi bien évidemment la question de la répartition des compétences. Dans bien des domaines, elle doit être simplifiée et rationalisée. Il est essentiel aussi de renforcer les leviers de coopération entre les collectivités territoriales.
A mon sens, la commune doit être au cœur de l’organisation territoriale française. Quant à l’échelon départemental, il reste indéniablement pertinent, en particulier dans les territoires les plus ruraux.
En ce sens, le groupe Les Indépendants soutient l’idée d’une réforme large de la décentralisation pour une gouvernance fondée sur la proximité.
Faut-il rappeler ici la crise des vocations, enjeu parfaitement cerné par les auteurs de la proposition de loi relative au statut de l’élu local ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2025, plus de 6 % des maires élus en 2020 ont déjà démissionné de leur mandat. Le nombre de démissions volontaires a été multiplié par quatre par rapport à la précédente mandature.
Un exemple concret : lorsque je suis devenue sénatrice il y a quelques semaines et que j’ai dû quitter mon mandat de maire, aucun candidat ne s’est présenté à ma succession !
Et pour cause : les difficultés et les obstacles nombreux inhérents à cette fonction rebutent de nombreuses personnes. Et cela, mes chers collègues, c’est un véritable gâchis pour notre République.
Vous le voyez, vous le savez, il y a urgence. Les élus de proximité sont ceux qui font le lien entre la République et les citoyens. Il faut leur donner les moyens d’agir.
J’en viens donc à l’épineux sujet des finances publiques locales. Celui-ci, et je tiens à le souligner, doit être au cœur des réflexions sur l’avenir de la décentralisation.
Non, le budget des collectivités territoriales n’est pas une variable d’ajustement. Et quand je vois se profiler à l’horizon la baisse de la DETR à laquelle je suis fermement opposée, je m’inquiète.
Au-delà, certaines pratiques doivent prendre définitivement fin. Chaque compétence dévolue à une collectivité doit faire l’objet d’une compensation financière adéquate.
De la même façon, il est essentiel que le décideur soit celui qui paye et qu’une commune n’ait plus, à l’avenir, à financer des initiatives décidées par un autre échelon sans son accord.
Enfin, en matière de budget, la prévisibilité doit être le maître-mot. Les collectivités locales doivent pouvoir se projeter et anticiper. Certaines communes attendent parfois, des mois durant, le versement de sommes pourtant déjà votées par un autre échelon.
Oui, il faut donner les moyens d’agir et cela passe par une transformation de notre mode de fonctionnement actuel. Car en définitive, je le rappelle encore, l’avenir de la décentralisation se résume à un maître-mot : confiance.
Faisons confiance aux élus de proximité, car ce sont bien eux, il faut le dire, qui incarnent et portent notre République au plus près de nos concitoyens, dans nos territoires.
Notre République s’honorerait à leur accorder la juste place qu’ils méritent et à leur donner les marges de manœuvres nécessaires pour le plein exercice de leurs prérogatives au service des Français.
SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI








