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Claude MALHURET : Débat portant sur l'intervention des forces armées françaises en Syrie

16 avril 2018


Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, portant sur l'intervention des forces armées françaises en Syrie

Lors de notre dernière séance de questions d'actualité au Gouvernement, j'interrogeais le Premier ministre sur la réaction de la France au massacre de Douma. La réponse de samedi est la bonne : rapide, précise, efficace, témoignant de l'autonomie de la France, seule capable, avec le Royaume-Uni, d'une telle initiative.

Certains ont critiqué cette intervention ; sans surprise, de la part de l'extrême droite et de l'extrême gauche, unies depuis toujours dans leur amour des dictatures mais plus étonnant de la part de démocrates ayant critiqué en 2013 la non-intervention de Hollande et d'Obama et applaudi bruyamment en 2011 l'intervention en Libye. Sans doute faut-il « souvent changer d'opinion pour être toujours de son parti », comme le disait déjà le cardinal de Retz...

Quelle était l'alternative ? Fallait-il ne rien faire, jouer les Ponce Pilate ? Intervenant parmi les derniers, j'ai écouté ce débat avec beaucoup d'attention. Qu'auraient fait les critiques ? Je ne l'ai pas entendu...

Nous sommes intervenus sans mandat de l'ONU ? Mais les Russes interviennent massivement en Syrie depuis 2015, les Iraniens depuis 2011, les Turcs depuis quelques mois, tous sans aucun mandat ! Qui viole le droit international ? La France et ses alliés, qui se réclament de la résolution 2118 ? Ou ceux qui mettent veto sur veto à son application, piétinant le papier qu'ils ont signé voici cinq ans et ne trouvant pour le faire que le piètre mensonge selon lequel l'usage d'armes chimiques n'est pas prouvé. Les mêmes qui niaient l'attentat de Londres il y a un mois !

La résolution russe condamnant ces frappes n'a trouvé samedi le soutien que de deux pays dont chacun connaît le degré de démocratie : la Chine et la Bolivie.

Ces frappes ne règlent pas la question de fond de la guerre civile syrienne. C'est une évidence, et ce n'était pas leur but. Mais à défaut de solution elles délivrent, pour la première fois depuis longtemps, un message clair : nous défendrons en Syrie nos principes, nos objectifs et nos intérêts.

Nos principes : l'impunité pour les utilisateurs d'armes chimiques est terminée. Le prix à payer pour les auteurs de ce crime contre l'humanité, sera élevé.

Nos objectifs : la disparition sans retour du califat, en voie d'extinction en Irak et en Syrie. Je suis étonné d'entendre certains évoquer une gesticulation sans lendemain. Ils oublient que non seulement il y aura un lendemain, mais qu'il y a un « hier » : le premier objectif de cette coalition est de vaincre Daech dans ses bases historiques et il est en passe d'être atteint.

Nous défendrons aussi nos intérêts, ce n'est pas un gros mot, pour faire comprendre que désormais les lignes rouges ne sont plus virtuelles : une menace iranienne ou du hezbollah sur Israël ou un autre de nos alliés dans la région, une déstabilisation des voisins de la Syrie, Irak ou Jordanie par exemple, des massacres des populations civiles qui jettent des milliers de nouveaux réfugiés sur les routes au Liban, en Turquie, en Jordanie et jusqu'en Europe, ne seront plus tolérés.

Enfin, ces frappes sont un signal adressé à Vladimir Poutine : malgré toutes ses tentatives de division, les alliés sont restés unis.

Nous ne resterons plus les bras croisés. Le prix à payer sera lourd pour la Russie.

Noyées sous le flot des images télévisées ou des réseaux sociaux, les démocraties fonctionnent à l'émotion. Mais la confusion des genres entre humanitaire et politique est dangereuse. C'est un ancien président de Médecins sans frontières qui vous le dit, et c'est logique ! Le politique prend des risques lorsqu'il fait ce que lui enjoint l'humanitaire - ou le philosophe, comme en Libye. Le politique se trompe à l'inverse lorsqu'il ne prend pas ses responsabilités et s'en décharge sur les humanitaires, comme on l'a vu pendant plusieurs années dans les Balkans.

Le politique se trompe lorsqu'il raisonne en moraliste : le « mal » en Syrie est-il juste le fait du régime ? Quelles sont les responsabilités des acteurs de la société civile ? Où est le « bien » ?

De même, on se trompe si l'on croit que sa propre histoire est la matrice de l'histoire des autres et que la chute des monarques rime avec liberté. Les révolutions du printemps arabe ont levé des espoirs insensés mais ne furent ni la Révolution française, ni l'Indépendance américaine, ni l'avènement de la grande Charte anglaise.

Je salue la déclaration du président de la République qui a annoncé dès le lendemain des frappes que la situation ne se réduisait pas à une opposition manichéenne, entre le bien d'un côté, le mal de l'autre.

Bien des erreurs déplorables ont été commises en Syrie depuis des années. La France doit continuer à oeuvrer pour régler la question essentielle de la transition en Syrie, par une solution diplomatique, dont elle ne peut, avec ses alliés, qu'être partie prenante.


Interventions au Sénat

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