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Alain MARC : PPL relative à l'affectation des avoirs issus de la corruption transnationale

02 mai 2019


Proposition de loi relative à l'affectation des avoirs issus de la corruption transnationale

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Monsieur le Rapporteur,

Monsieur le Président de la Commission des Finances,

Mes chers collègues,

Nous examinons la proposition de loi relative à l’affectation des avoirs issus de la corruption transnationale.

La corruption transnationale renvoie à l’accaparement de biens publics ou privés au profit d’une minorité d’oligarques qui bénéficient indument d’un enrichissement illicite.

Cette forme de corruption se caractérise notamment par les conséquences économiques et sociales injustes qu’elle fait peser sur les pays d’origine.

Rappelons les chiffres de la Banque Mondiale : chaque année, la corruption transnationale ferait perdre entre 20 et 40 milliards de dollars aux pays en développement, soit 20 à 40% de l’aide publique au développement.

Ces pays dont il est question, nous le savons tous, ce sont le plus souvent des pays en développement, des pays ou l’État de droit faillit au bénéfice de quelques criminels et aux dépens de ses citoyens.

Ce sont des pays qui se retrouvent ainsi privés de ressources dont ils manquent déjà pour financer leur développement de façon pérenne.

Cette mécanique, hélas, n’a rien de nouveau, et l’argent qui est volé là-bas finit parfois par être investi ici.

Mais la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, mes Chers Collègues, nous fait envisager le problème sous un angle nouveau : quand l’État fait ici respecter la loi et saisit ces biens mal acquis, il ne permet pas leur retour au pays d’origine et il freine ainsi son développement économique et social.

Nul ne peut se satisfaire de cette situation, dans laquelle notre droit entérine de fait la spoliation de ces populations et échoue à indemniser les victimes de la corruption.

C’est à cette fin que la France a ratifié en 2005 la Convention des Nations Unies contre la corruption, qui fixe le cadre international de la restitution des avoirs confisqués à la suite de condamnations en matière de corruption.

Des mesures ont déjà été prises dans notre pays pour appliquer cette convention, avec la loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale.

Mais cela ne suffit pas et nous devons encore poursuivre nos efforts dans ce sens, afin de donner corps à nos engagements pris sur la scène internationale.

Au-delà de nos frontières, la Suisse a déjà fait bouger les lignes en la matière. Les premiers retours d’expérience, recueillis après le traitement de plusieurs affaires symboliques, montrent qu’on peut agir pour tenter de réparer le dommage subi par les populations spoliées.

Manifestement, il y a là un exemple intéressant.

Cependant, derrière une intention noble se cachent de nombreuses difficultés pratiques.

Première difficulté : dans de nombreux cas, il serait mal avisé de restituer ces biens confisqués à un État que nous savons défaillant.

Seconde difficulté : comment s’appuyer sur la société civile pour restituer à ces populations les ressources dont elles ont été privées ?

Comment choisir un acteur privé pour lui confier une telle mission d’intérêt général ?

Ici encore, l’exemple suisse nous montre qu’il n’existe pas de solution miracle, et que chaque situation doit être traitée au cas par cas.

Mais avant même de rencontrer ces difficultés que nous concevons lorsque nous envisageons le meilleur moyen d’agir par-delà nos frontières, nous nous heurtons à une difficulté juridique.

Comme l’a remarqué le rapporteur, la création d’un fonds dédié au sein du budget de l’État, telle que prévue dans la proposition de loi, ne paraît pas répondre aux prescriptions de la LOLF en matière d’affectation de recettes.

Dès lors, il ne serait pas possible, en l’état, d’utiliser le produit des avoirs issus de la corruption internationale pour l’affecter à une action spécifique, par exemple le budget de l’AFD, qui pourrait être un acteur indiqué pour mener à bien cette mission dans les pays en développement concernés.

La solution appartient donc aujourd’hui au Gouvernement.

Le Groupe les Indépendants suivra la position de la Commission des Finances et votera en faveur de l’esprit de la proposition de loi, en espérant que le Gouvernement se saisisse de cet appel que nous lui lançons aujourd’hui pour agir demain en matière de corruption transnationale.

La perspective du prochain sommet du G7, qui sera organisé en août à Biarritz sous la présidence de la France, semble à cet égard une excellente opportunité d’engager plus avant notre pays, Madame la Ministre, dans cette démarche qui lui fait honneur.


Interventions au Sénat

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