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Claude MALHURET : Débat - Évolution de la situation sanitaire et mesures pour y répondre

01 avril 2021


Déclaration du Gouvernement, suivi d’un débat et d’un vote sur cette déclaration, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre


Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mes Chers Collègues,


Depuis l’annonce inespérée de vaccins découverts en quelques mois seulement par des chercheurs que nous ne remercierons jamais assez, la course est lancée entre l’acquisition de l’immunité collective qui nous sauvera de la pandémie et la dissémination des nouveaux variants du virus qui signerait notre défaite.


Cette équation à deux inconnues est une ordalie pour le gouvernement comme pour les français, parce qu’elle se complique de deux paramètres qui en font l’effroyable complexité : le premier est le retentissement immédiat de toute mesure sanitaire sur l’économie du pays qui, dans le cas extrême d’un confinement total, s’écroule aussitôt, nous l’avons vécu. Le deuxième est le désastre psychique causé par une crise interminable pour tous nos concitoyens dont beaucoup sont désormais au bord de l’effondrement, ou tout au moins de l’épuisement.


Jamais la situation n’a été aussi tendue et c’est pourquoi, même si nous entrevoyons la lumière au bout du tunnel, nous sentons tous que les semaines qui viennent seront cruciales.


C’est sans doute la raison pour laquelle la décision du Président de la République de ne pas reconfiner en janvier dernier mais de prendre des mesures graduelles, s’exemptant pour la première fois des injonctions scientifiques, a été très majoritairement approuvée par les français, malgré ceux qui en soulignaient les risques, les insuffisances ou l’aspect d’un pari hasardeux.


Je le dis clairement, je fais partie, avec beaucoup d’autres ici, de ceux qui ont approuvé cette stratégie et je ne peux donc aujourd’hui, critiquer le Président de la République en demandant, s’il n’aurait pas dû prendre, il y a deux mois, les décisions qu’il prend ce jour, voire des décisions plus radicales encore.

Ce serait oublier aussi, que depuis des mois les enfants sont allés à l’école, que les entreprises ont tourné et que la plupart des français ont pu mener une vie presque normale. C’est oublier aussi que du fait des nouveaux variants, la certitude d’une efficacité absolue d’un confinement n’était pas évidente contrairement au premier. Avec des mesures plus radicales que les nôtres depuis deux mois, l’Allemagne est aujourd’hui quasiment au même nombre de décès quotidiens que nous, l’Italie presqu’au double.


Le même dilemme se pose aujourd’hui, avec une intensité décuplée par des courbes qui remontent, par des critiques qui fusent à nouveau, et enfin – et peut-être surtout – par les pressions pour des mesures radicales d’une partie du corps médical peut-être déçu qu’on ne suive plus ses prescriptions à la lettre.

Loin de moi de nier les difficultés extrêmes, et qui s’aggraveront dans les jours qui viennent, des services de soins intensifs. Loin de moi l’idée de vouloir minimiser le dévouement inlassable des soignants dont beaucoup sont, eux aussi, au bord de l’épuisement.


Mais il faut rendre à César ce qui est à César et au politique ses prérogatives, et la première est la responsabilité de juger des moyens de tenir dans l’adversité. Et d’en juger en prenant en compte les préoccupations, les possibilités, les capacités de résistance ou les cauchemars de tous les français. En ayant à l’esprit que le choix est rarement entre une bonne et une mauvaise solution, mais entre une mauvaise solution et une pire encore.


Ce choix est d’autant plus difficile que les médecins eux-mêmes sont partagés. Il suffit de regarder les plateaux de télévision de jour comme de nuit pour s’en convaincre. Ces derniers jours 41 médecins de l’APHP expliquaient dans une tribune au Monde, je crois : « Nous n’avons jamais connu une telle situation, même durant les pires attentats de ces dernières années ». Tribune à laquelle le Président de l’association des médecins urgentistes de France répondait le lendemain : « Pour l’instant ce n’est pas la Bérézina. Faire croire que l’on va sélectionner et trier les malades, c’est totalement faux ». Un patron de la Pitié-Salpêtrière appelait avant-hier à la fermeture immédiate des écoles. La Société Française de Pédiatrie lui répondait le lendemain : « Il faut tout faire pour éviter de fermer les écoles ».


C’est dans ce contexte que le Président de la République a dû prendre une décision, que j’imagine déchirante. Camper sur des mesures dont il apparaît désormais qu’elles ne suffisent plus à réduire l’épidémie, c’était la certitude de perdre la course de vitesse contre le virus. Reconfiner totalement, c’était une capitulation. C’était aussi le risque d’une révolte d’une partie de nos concitoyens et nous le voyons tous dans nos départements.


L’exécutif a choisi l’accentuation des mesures de freinage plutôt que le retour à un confinement strict : étendre à l’ensemble du territoire métropolitain les mesures qui prévalaient déjà dans les territoires les plus touchés et prolonger les vacances scolaires de quinze jours tout en laissant ouvertes les crèches et le primaire. Ces mesures seront sans doute douloureusement ressenties dans des régions qui pouvaient se sentir à l’abri, mais qui en réalité, chaque jour nous le démontre un peu plus, ne le sont pas, par des commerçants déjà durement éprouvés et par des parents épuisés se demandant comment ils pourront concilier profession et garde des enfants. Elles seront en réalité ressenties douloureusement partout. Mais je ne vois guère d’alternative.


La clef de notre avenir, ce sont désormais les vaccins, et surtout la campagne pour les délivrer. Le début de cette campagne a donné lieu à beaucoup de critiques, sur sa lenteur, sur la décision de s’en remettre à l’Europe, sur la crainte des rejets de la vaccination par les français. Je partage pour une part ces critiques. Vous vous souvenez sans doute qu’ici même, l’an dernier, alors qu’on prétendait que les français étaient vaccino-sceptiques, j’ai dit à plusieurs reprises qu’il fallait aller plus vite, que le principe de précaution ruine parfois ceux qu’il prétend défendre et que ma crainte n’était pas que les vaccins restent dans les congélateurs, mais au contraire qu’il n’y en ait pas assez.


Le Président, dans son discours d’hier, semble avoir pris la mesure de cet enjeu crucial. L’accélération est impérative, nous devons nous donner les moyens d’y parvenir. Le Gouvernement n’a désormais d’autre choix que de réussir. Le succès de la vaccination est aujourd’hui entre les mains de l’exécutif désormais tenu à une obligation de résultats. Il sait qu’il peut compter sur l’ensemble des élus locaux qui ne cessent de faire la preuve de leur dévouement et de leur efficacité.


Plusieurs groupes de notre assemblée ont annoncé leur intention de ne pas participer au vote qui conclura ce débat. Je comprends leur agacement, et pour certains leur irritation. La cinquième République n’est pas tendre pour le Parlement et ce n’est pas la première fois que nous nous plaignons de la façon dont nous sommes traités par l’exécutif. Mais la question qui nous est posée aujourd’hui est d’une telle importance pour l’avenir de nos concitoyens pour les mois et peut-être les années qui viennent, pour notre santé, notre économie, notre futur en un mot, qu’il ne nous paraît pas possible, en plein milieu de la pire crise sanitaire depuis des années, de ne pas prendre nos responsabilités. Les français ont le droit de connaître l’opinion de leurs élus lorsque l’essentiel est en jeu. C’est la raison pour laquelle nous participerons à ce scrutin.


C’est toujours lorsqu’on est sur le point de réussir que la tentation de renoncer est la plus forte. C’est toujours le dernier effort qui est le plus douloureux. C’est celui qui nous est demandé aujourd’hui. Mais il est, pour la première fois accompagné d’un message d’espoir crédible qui permet de fixer des échéances précises et annoncées. Cette crise est une épreuve, mais ce n’est qu’une épreuve et l’humanité en a surmonté de bien plus graves. Dans quelques mois, grâce aux vaccins, grâce à notre respect des règles, grâce à notre solidarité, 2021 sera l’année où nous surmonterons à notre tour l’épreuve qui nous est assignée.

Interventions au Sénat

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