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Claude MALHURET : Déclaration du Gouvernement - Guerre en Ukraine et ses conséquences pour la France

26 octobre 2022


Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à la guerre en Ukraine et aux conséquences pour la France


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❌ L'engagement du Président Claude Malhuret pour un soutien clair à l'Ukraine face à l'agression russe

Le Sénat avait marqué sa solidarité avec l'Ukraine dès les premiers mois de l'invasion russe. Une délégation de plusieurs parlementaires et personnalités, dont le Président Claude Malhuret s'était rendu en Ukraine en avril 2022

Le 12 décembre 2022, le Président Claude Malhuret avait déposé, en application de l'article 34-1 de la Constitution, une proposition de résolution invitant le Sénat à affirmer son soutien à l'Ukraine, condamnant la guerre d'agression menée par la Fédération de Russie et appelant au renforcement de l'aide fournie à l'Ukraine, parce que cette guerre est une violation inacceptable du droit international et des droits de l'Homme, qu'elle est une négation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Cette proposition de résolution a été adoptée à la quasi-unanimité par le Sénat.

 

Madame la Première Ministre,

Mesdames et Messieurs les Ministres,


Le 1er mars dernier, alors que les troupes russes encerclaient Kiev et qu’on nous expliquait que l’Ukraine serait écrasée en quelques jours, je commençais mon discours à cette tribune, par la phrase suivante : « L’invasion de l’Ukraine sera le premier clou sur le cercueil de la dictature de Poutine ». Cette perspective paraît sans doute moins irréaliste aujourd’hui.


Le césarisme appuyé sur une propagande sans limites et un nationalisme guerrier est la recette de toutes les dictatures. Jusqu’à ce qu’elles fassent le pas de trop. Pendant vingt ans Poutine a mis en pratique le proverbe arabe : « Un chameau se mange par morceau ». Une patte au moment de la Tchétchénie, une jambe avec l’Ossétie, une cuisse avec l’Abkhasie, et la suite : Transnistrie, Crimée, Donbass. Devant notre inaction, il s’est dit qu’avec l’Ukraine il pouvait manger le chameau d’un seul coup. Il est en train de mourir d’indigestion.


Il y a peu d’exemples dans l’histoire où l’agresseur soit parvenu avec autant de précision à l’exact contraire du but recherché. Poutine voulait annexer l’Ukraine, il en a forgé la Nation. Diviser l’Europe, il l’a soudée. Ridiculiser l’OTAN, il l’a renforcée. Humilier les Etats-Unis, il a ressuscité Biden après Kaboul. Prendre la tête des dictatures, la Chine s’inquiète, la Turquie montre les dents, le Kazakhstan et toute l’Asie centrale en profitent pour prendre le large. Conforter sa dictature par ses conquêtes, les troubles commencent dans les Républiques de la Fédération de Russie elle-même. Démontrer l’isolement de l’Occident, 143 pays à l’ONU contre 4 condamnent la Russie.


Il est acculé stratégiquement, économiquement, militairement. Que va-t-il faire ? Tout simplement ce qu’il sait faire, ce qu’il a toujours fait : un conflit gelé à ses frontières, puisque l’Ukraine ne peut franchir la frontière russe et une guerre hybride contre l’Occident pour y semer le chaos.


Ce chaos, ceux qui vont s’en charger chez nous, ce sont les officines, les populistes, les collabos et leurs réseaux sociaux qui depuis des années relayent avec une fidélité canine sa propagande. 100% poutiniens hier, ils tentent de sauver les meubles aujourd’hui. Ils attendent l’hiver. Ils savent que l’opinion est capricieuse, ils comptent que le soutien à l’Ukraine se désagrège. Leur leitmotiv c’est « beurre œufs fromage », comme en 40. En clair : « La Russie même pas mal, les sanctions ne font souffrir que l’Europe ». Tous les chiffres qu’ils citent sont faux, en droite ligne du Kremlin. Une récession russe de quelques pour cent nous dit-on ? Non seulement l’absence de microprocesseurs empêche les Russes de reconstituer leur armement, mais ils ne fabriquent même plus de voitures ou de machines à laver. Les 700 000 hommes qui ont quitté le pays depuis février, les plus qualifiés, entraînent un effondrement de la production. 1000 entreprises étrangères ont quitté le pays, représentant 40% du PIB.

La bourse de Moscou a perdu 50%. Les économistes de salon qui nous disent que le rouble n’a pas baissé n’ont toujours pas compris que son cours officiel est bidon puisqu’il n’est plus échangeable. Qu’ils aillent dans une rue de Moscou et changent quelques dollars au noir, ils apprendront que le rouble, dans le monde réel, a perdu 50% de sa valeur. 50%. Tous les chiffres venant de l’Etat russe sont comme Lénine dans son mausolée. Soigneusement entretenus et tout à fait morts. Les sanctions marchent, et de mieux en mieux.


Le prochain axe de la propagande russe, c’est la paix – nous venons d’ailleurs d’en avoir un exemple à l’instant –. A chaque conflit avec l’Occident, l’URSS, puis la Russie, a recouru au même stratagème : le pacifisme. Dans les années 30 c’est le Mouvement pour la Paix, orchestré par les partis communistes européens et les idiots utiles, les Sartre, Aragon et les autres, qui a désarmé les démocraties. Dans les années 80, les missiles russes à la frontière de l’Europe et la riposte des Pershing américains contrecarrée par les immenses manifestations « Plutôt rouges que morts ». Rappelons-nous la phrase cruciale de Mitterrand : « Les missiles sont à l’Est, les pacifistes sont à l’Ouest » qui a fait échouer la manœuvre. Eh bien, eh bien c’est reparti. On n’a pas fait assez attention au thème de la conférence de presse de Le Pen, la porte-parole salariée du Kremlin, il y a quelques jours : « Il faut organiser une grande conférence pour la paix en Europe ». La manœuvre va s’amplifier. Mélenchon ne dit rien d’autre. Et pour cause, ils prennent leurs ordres au même endroit. Leurs groupes ont ensemble refusé de voter les sanctions et l’aide à l’Ukraine – et nous venons d’en écouter à l’instant les arguments – hélas !


Il va donc nous falloir redoubler d’efforts pour les combattre et pour convaincre les français de continuer leur soutien.


Le seul côté positif de la guerre en Ukraine, c’est qu’elle nous ouvre les yeux. Les dictateurs sont revenus. Certains les avaient crus vaincus à jamais à la fin du XXème siècle. Sous nos yeux l’internationale des tyrans se reforme pour se venger, abattre l’Occident, mettre à bas la démocratie. Malgré les erreurs catastrophiques de la Russie, Moscou, Pékin, Téhéran, Pyongyang et d’autres renforcent leurs liens, sous le regard attentif d’Ankara. La guerre de Poutine n’est qu’un prélude. Les prochaines générations doivent savoir qu’outre la crise climatique le vrai défi à venir sera la menace des dictatures sous la conduite de la Chine. La deuxième guerre froide a commencé.


Si nous en sommes là, c’est aussi à cause de nos propres lâchetés. Ce qui s’est passé, ce n’est pas, n’en déplaise à Fukuyama, la fin de l’histoire, c’est la sortie de l’Europe de l’histoire. Il n’y a pas de phrase plus malheureuse que celle qui nous a convaincus que nous allions, je cite : « toucher les dividendes de la paix ».


Elle nous a conduits à fermer les yeux depuis vingt ans à chaque nouvelle exaction de la Russie, à laisser la Chine piller nos technologies et escroquer l’OMC. Elle conduit nos dirigeants à répéter aujourd’hui que nous ne sommes pas en guerre, erreur tragique, car les dictateurs, eux, savent qu’ils sont en guerre contre nous. Ils le disent.


Cette erreur majeure d’analyse fut d’abord celle de l’Allemagne et de la France. Depuis un demi-siècle la politique allemande est fondée sur la dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, la dépendance économique à la Chine et le désarmement face aux deux. Celle de la France fut de courtiser la Russie pour trianguler sa relation avec les Etats-Unis en croyant acquérir une position indépendante sans en avoir les moyens militaires. Les avertissements de l’Europe de l’Est, qui sait, elle, ce que sont les dictatures, ont été rejetés avec mépris. L’invasion de l’Ukraine nous montre l’échec de ces deux politiques et surtout l’urgence à ne pas les poursuivre.


Il est plus que temps de renforcer la coalition de toutes les démocraties et d’abandonner, en France, l’anti-américanisme appuyé sur la vieille haine de droite contre les anglosaxons et la vieille haine de gauche contre le capitalisme, le tout au nom d’un gaullisme de pacotille, ignorant ce que disait de Gaulle : « l’anti-américanisme est le socialisme des imbéciles ».


Il est plus que temps de moderniser et renforcer les défenses européennes pour se hisser à la hauteur de la compétition stratégique, de comprendre que les guerres à venir seront hybrides et que notre retard dans le numérique, la lutte contre la désinformation et l’intelligence artificielle est encore plus immense que notre retard dans les armes conventionnelles.


Il est plus que temps enfin de hausser le ton face au boucher de Moscou. La France et l’Allemagne donnent parfois en Europe centrale l’impression d’un soutien distancié. Si l’aide militaire est réelle, le discours est parfois plus hésitant. La volonté exprimée de ne pas humilier, les vaines tentatives de dialogue, l’insistance sur la nécessité de négociations le moment venu alors que meurent par milliers les ukrainiens, risquent de brouiller la perception de notre engagement.


Toute négociation qui prendrait place avant le retrait total des russes de l’Ukraine aboutirait à la même situation que celle de l’Abkhazie et de l’Ossétie, du Donbass et de la Crimée, c’est-à-dire un nouveau conflit gelé, la poursuite des guerres hybrides à l’Est de l’Europe et en définitive une victoire de Poutine.


La seule façon d’apporter à long terme la paix et la stabilité sur notre continent, c’est la victoire de l’Ukraine et la défaite de Poutine. Ce n’est pas seulement l’indépendance de l’Ukraine qui se joue aujourd’hui mais la sécurité de toute l’Europe et l’unité indispensable du monde libre contre les dictateurs.


Je vous remercie.

Interventions au Sénat

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