Claude Malhuret - Projet de loi de finances pour 2026 - Discussion générale
- Les Indépendants
- il y a 2 jours
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 2 jours
27 Novembre 2025
Projet de loi de finances pour 2026 - Dossier législatif
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre,
Paralysée par ses deux extrêmes qui rivalisent depuis plus d'un an pour la tirer vers le fond, l'Assemblée nationale, après 125 heures de débats surréalistes, a rejeté à l'unanimité un budget dont elle avait auparavant adopté chacun des articles. Et le plus étonnant, c'est qu'elle a bien fait puisque ce que budget était devenu un monstre.
Quand on examine les recettes et les dépenses prévues, on pense immanquablement au tube digestif d'un bébé glouton, avec un appétit féroce à l'entrée et à l'autre extrémité une irresponsabilité absolue. Jamais encore on avait vu un tel empilement de comptes insincères, de lois inapplicables, inconstitutionnelles ou contraires à nos traités, juste pour que les populistes puissent embobiner leurs électeurs avec de l'argent qui n'existe pas.
Et en prime, pour les amendements les plus déjantés, cette justification misérable, ce n'est pas grave, le Sénat ou le Conseil constitutionnel les annuleront. Comme les enfants qui disent dans une cour d'école : "c'est pour de faux". Cette conduite irresponsable et pour tout dire honteuse, n'a pour résultat que d'affaiblir la loi, saper l'état de droit et discréditer l'Assemblée. C'est d'ailleurs l'image, qu'ont aujourd'hui les Français de cette institution, dévastée chaque jour par l'alliance de la carpe et du Lapin populiste.
À force de laisser tout dire, tout faire et tout voter, on a permis un mois de propagande folle à grands coups d'éléphantiasis verbal et gestuel. Les télés du bourre-pif et les réseaux antisociaux ont une fois de plus aggravé cette foire à la saucisse fiscale sur le thème de la haine des riches et de la lutte des classes. Devant ce spectacle, le pays hésite entre la crise de nerfs et l'abattement.
C'est dans cette atmosphère d'envolée de l'antiparlementarisme que le Sénat va devoir siffler la fin de la récréation. Tous ceux qui voudront en appeler à la raison et mettre en garde contre le risque de faillite de l'État et de la Sécurité sociale passeront pour les amis des riches et les ennemis des pauvres.
C'est exactement le but des extrêmes, dont le projet n'est pas de construire un budget mais de tout foutre en l'air, avec une seule devise : je dépense donc je suis.
Partis pour chercher 40 milliards d'euros d'économies, les députés sont revenus avec 40 milliards d'euros d'impôts supplémentaires avant de déchirer eux-mêmes leurs copies dans un ultime réflexe d'irresponsabilité ou de lucidité, on ne sait pas trop.
Entre-temps, les extrémistes auront prouvé que des parlementaires à jeun sont capables de dépenser plus que des marins ivres. À quelque chose, malheur est bon. L'annulation, in extremis, par l'Assemblée de son propre vote va ouvrir la règle de l'entonnoir. Les mesures les plus folles de l'extrême gauche et de l'extrême droite ne pourront pas revenir en deuxième lecture.
Adieu la surtaxe sur les dividendes, sur les bénéfices, sur les rachats d'actions et beaucoup d'autres. C'était la certitude de l'exode de beaucoup de start-up prometteuses, de la fuite de beaucoup d'investisseurs et d'un clou de plus sur le futur cercueil de nos fleurons industriels.
Le Sénat va donc examiner le texte du Gouvernement et non du budget Frankenstein des populistes. Cette copie est loin d'être parfaite à nos yeux, Madame et Monsieur les Ministres, et vous le savez. Nous comprenons que la stabilité gouvernementale impose des compromis. Nous comprenons l'intérêt de permettre au Parti Socialiste de résister au harcèlement des injonctions incessantes de LFI, de retrouver sa tradition sociale-démocrate et la déontologie d'un parti de gouvernement. Et nous allons corriger ce texte sans provocation ni volonté de revanche, en espérant que la commission mixte paritaire permette aux vrais parlementaires responsables de trouver des sujets d'accord. Mais nous allons le faire à deux conditions :
La première, c'est qu'une négociation n'est pas une reddition. La preuve, c'est que ça ne s'appelle pas pareil.
La deuxième condition, c'est de ne pas oublier qu'il est important de calmer le jeu politique, mais qu'on ne peut le faire par des mesures qui entraîneraient la dégradation des finances publiques, le découragement des investisseurs et le sacrifice des générations futures.
L'avenir de ce budget est un grand point d'interrogation. Mais les raisons de tenter d'aboutir sont nombreuses. Je n'en citerai qu'une, qu'Emmanuel Capus a mise en exergue tout à l'heure. La France est entourée de périls.
Les dernières aberrations de la diplomatie américaine, plus que jamais couchées devant Poutine, confirment ce que je disais dans mon discours du 4 mars dernier : "L'Europe faisait face à un dictateur. Elle est désormais face à un dictateur soutenu par un traître".
S'il n'y avait qu'une seule raison de parvenir à un budget, car il en va de notre sécurité, c'est de donner à nos armées les moyens de prévenir, en étant prêtes, un conflit dont nous voyons chaque jour qu'il va bien au-delà des frontières de l'Ukraine.
Ces moyens sont d'autant plus urgents que nous sommes dramatiquement en retard après nous être endormis pendant 30 ans.
Il est temps de nous réveiller.
Merci.








