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Colette MÉLOT : Auteure du débat "Harcèlement scolaire et cyberharcèlement"

07 octobre 2021


Auteure du débat "Harcèlement scolaire et cyberharcèlement", mis à l'ordre du jour du Sénat à l'initiative de notre Groupe

Monsieur le Président,

Madame la Ministre

Mes chers Collègues,


Le sujet qui nous réunit est grave et l’actualité nous le démontre régulièrement. Ce qui rend notre débat de cet après-midi d’autant plus nécessaire.

A l’initiative de mon Groupe, Les Indépendants - République et Territoires, le Sénat avait créé en mai dernier une mission d’information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement.

Présidée par notre collègue Sabine Van Heghe, que je tiens ici à saluer et à remercier pour sa présidence efficace et attentive, notre mission a travaillé dans une ambiance studieuse et confiante, qui est la marque de fabrique du Sénat.


Le sujet du harcèlement scolaire et de son développement « cyber » constitue bien une préoccupation très largement partagée, qui nous concerne tous.

En effet, il s’agit d’un fléau, qui, surtout dans sa dimension « cyber », sape insidieusement les fondements du vivre ensemble.

Nous devons donc décréter la mobilisation générale pour mieux prévenir / détecter et traiter afin de suivre efficacement les victimes et d’avoir un réel suivi des harceleurs.


Madame la Ministre, mes chers Collègues, j’articulerai donc mon propos de ce jour autour de 2 grands axes.

En premier lieu, j’évoquerai la reconnaissance depuis 10 ans par les pouvoirs publics du harcèlement comme un fléau, ce dont il faut se féliciter.

Mais, et ce sera mon second point, nous avons une « ardente obligation » de tout faire pour endiguer et éradiquer ces ferments de haine.

La mobilisation générale que nous préconisons doit devenir, sans tarder, une grande cause nationale et nous comptons sur votre implication Madame la Ministre pour faire aboutir cette recommandation.

Je débuterai donc mon propos en revenant sur le constat actuel, très largement partagé, concernant l’acuité de ce fléau du harcèlement.

Le harcèlement scolaire - chacun le voit dans son environnement personnel ou familial-, est un drame individuel, mais aussi collectif. Il n’épargne personne, aucun milieu, aucun établissement.

D’autant plus que les réseaux sociaux, par leur puissance, leur anonymat, leur viralité et leur évolution permanente en démultiplient les conséquences dramatiques.

Se crée ainsi, pour reprendre une expression largement partagée par l’ensemble des acteurs du monde de l’éducation, un continuum de violence entre l’école et la sphère privée.

Les chiffres qui figurent dans notre rapport le montrent amplement : près d’un élève sur 10 en est victime et dans sa version cyber il se concentre surtout sur les jeunes filles et stigmatise toutes les différences.


Face à cela, on constate le désarroi du milieu éducatif, car les 2/3 des enseignants s’estiment mal armés face au harcèlement.

Pourtant, les pouvoirs publics ont pris la mesure du phénomène depuis 10 ans, au-delà des alternances.

Des partenariats existent entre l’Éducation nationale et les grands services publics en n’oubliant pas l’action de terrain efficace des associations. Sans être exhaustive, je pense à Marion la main tendue, à Hugo !, à Respect Zone ainsi qu’à toutes celles présentes localement.

Il faut ainsi saluer et reconnaître à leur juste mesure tout ce travail.

C’est donc bien la « prise en charge du dernier kilomètre » qui fait souvent défaut.

Elle suppose une capacité d’écoute d’adultes formés pour cela, une stabilité des équipes, une libération de la parole des enfants, un suivi de la victime et l’adoption de sanctions éducatives pour les harceleurs.

Nous devons également relever un double défi.

D’une part, la panoplie actuelle des instruments de lutte contre le harcèlement est assez, voire paradoxalement trop, étendue.


Des numéros d’appel existent, ainsi qu’un site public dédié, sans oublier un concours national ou une journée annuelle de sensibilisation, le dispositif des « élèves ambassadeurs » ou les opérations locales de sensibilisation.

Mais, nombre de ces outils sont en réalité mal connus ou insuffisamment utilisés.

D’autre part, il nous semble que l’arsenal juridique est, pour une large part, démuni face au cyberharcèlement.

En droit français interne, le harcèlement est déjà pénalement réprimé, notamment lorsque les actes sont effectués « en meute ». Il est ainsi assorti de circonstances aggravantes quand il s’opère sur des mineurs ou sur les réseaux sociaux.

Mais l’activité de ces « réseaux sociaux » se passe en réalité, en tout ou partie, via des messageries privées protégées par le secret des correspondances, et le siège de ces réseaux n’est pas situé en France, ni même en Europe.

Madame la Ministre, nous comptons bien sur l’engagement déterminé du Gouvernement, car une action juridique solide et efficace ne peut se concevoir que dans un cadre européen, voire international.

De ce fait, et c’est mon second point, l’objet de notre mission d’information est très précisément d’accélérer la prise de conscience et la mise en place de nouvelles réponses mieux adaptées à un environnement « cyber ».

Pour cela, nous avons veillé à proposer des recommandations, qui puissent être rapidement mises en œuvre.

Nous les avons donc classées, et vous l’avez vu dans notre rapport, à la fois par grand axe mais aussi de façon séquencée dans le temps, en précisant par qui et comment il fallait les appliquer.

Vous l’avez bien compris, nous n’avons pas d’esprit de système, mais pour objectif l’efficacité et le réalisme.

Ainsi, il nous semble en premier lieu qu’il faut commencer par mieux cerner statistiquement le phénomène, car sa mesure reste encore imparfaite.

Quel a été l’effet du confinement sur le harcèlement et le cyberharcèlement ? Les premières indications accréditeraient l’idée d’une stagnation du « harcèlement classique » mais, au contraire, d’une augmentation du cyberharcèlement – et on le comprend.

Par ailleurs, des outils qui sont efficaces comme les numéros d’appel 3020 ou 3018 doivent être plus largement affichés dans les établissements, et se trouver dans les cahiers de correspondance ou les agendas scolaires.

Les élèves harcelés ne doivent faire aucun effort de mémorisation au moment où ils ressentent la nécessité de faire usage de ces numéros.

De même, nous avons regardé les solutions mises en place dans d’autres pays comparables au nôtre, et qui ont fait la preuve de leur efficacité.

Comme dans les pays scandinaves, il faut promouvoir le maintien ou la construction d’un climat scolaire de qualité autour de la notion du vivre ensemble.

Il y a matière à faire évoluer la formation initiale et continue non seulement des enseignants, mais plus globalement de toute la communauté éducative.

Mais surtout, chaque enfant doit connaître précisément ses droits et devoirs. Un document d’information, dont le contenu sera annexé au projet d’établissement, doit être distribué chaque année au moment de la rentrée, pour rappeler le droit existant, les numéros d’appel et les sanctions encourues.

Une autre de nos priorités est la capacité à détecter rapidement une situation de harcèlement, et notamment à repérer les signaux dits faibles. Il s’agit, par exemple, des élèves, qui sans raison apparente depuis plusieurs jours, ne terminent pas leur repas de midi à la cantine.

L’enfant ne doit pas avoir peur d’aller en parler avec des adultes de confiance, que ce soit l’enseignant, le ou la CPE, l’assistant d’éducation, l’infirmière scolaire ou le personnel de la cantine.

Nous suivrons donc avec beaucoup d’attention la généralisation du programme pHARe qui va s’appliquer partout, dans toutes les académies et dans tous les établissements.

Pouvez-vous, Madame la Ministre, nous préciser où en est le déploiement de ce programme, annoncé pour la rentrée.

Il faut enfin évidemment traiter systématiquement et sans délai tous les cas de harcèlement.

Tous les élèves et leurs parents doivent bien savoir qu’aucun fait ne sera sans sanction, car le harcèlement est illégal.

Toutes les victimes doivent être aidées.

Dans une visée éducative, il faut combiner justice restaurative (en généralisant les stages et travaux d’intérêt général) et sanction des harceleurs. Il faut aussi éviter que, comme trop souvent, ce soit l’élève harcelé qui doive quitter l’établissement et soit ainsi victime d’une « double peine ».

Nous demandons aussi que les suites réservées à ces cas de harcèlement soient systématiquement examinées par le conseil d’administration de l’établissement, ce qui n’est que trop rarement le cas.

Ce traitement systématique doit permettre à chaque élève, qu’il soit victime, harceleur et même témoin de comprendre que le harcèlement n’est pas toléré, et que telle moquerie, tel geste, « pour jouer, plaisanter », constitue pour l’enfant qui le subit un fait de harcèlement.

En effet, à de nombreuses reprises, il nous est apparu que le harceleur, le témoin, et même la victime, n’arrivent pas à caractériser ce qui constitue un harcèlement.

Enfin, à l’heure des réseaux sociaux, il faut que vous nous aidiez à gagner la « course contre la montre » dans la lutte contre la propagation des actes de malveillance, sur internet. Bref, que ces réseaux soient enfin proactifs.

Nos auditions le prouvent bien, il leur reste encore un chemin à parcourir !

À cet égard, je salue la rencontre qui a eu lieu la semaine dernière entre Monsieur le Ministre et les principaux réseaux sociaux. Cela doit constituer un premier pas qui doit se poursuivre.

Nous comptons bien sur le gouvernement pour saisir l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, afin de faire avancer 2 dossiers.


D’une part, la mise en place de « stress tests » pour vérifier que les objectifs assignés aux réseaux sociaux en matière de suppression des contenus litigieux sont bien atteints.

D’autre part, le « name and shame » pour favoriser la « dissuasion par la publicité » en stigmatisant les « mauvais élèves du monde cyber ».


Madame la Ministre, voilà ici rappelées nos principales préoccupations.

Vous le savez, notre travail a été réalisé avec beaucoup de pragmatisme afin de faire avancer la lutte contre ce fléau.


Aussi nous espérons bien qu’elle sera dès 2022/2023 notre prochaine grande cause nationale.


Dans cette attente, je vous remercie Madame la Ministre, Mes chers Collègues pour votre attention.


Interventions au Sénat

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