Cyril Pellevat : Victimes du chlordécone
- Les Indépendants
- 12 juin
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12 juin 2025
Proposition de loi visant à reconnaître la responsabilité de l'État et à indemniser les victimes du chlordécone - Dossier législatif
Madame la Présidente,
Madame la Ministre,
Madame la Rapporteur,
Mes chers collègues,
Deux mois après l’examen de la PPL du Groupe RDPI, nous voici de nouveau réunis pour examiner un texte sur le sujet grave et important de l’usage du chlordécone aux Antilles.
Je souhaite d’ailleurs en profiter pour saluer à nouveau le travail effectué par notre collègue Nadège Havet lors de l’examen du texte en avril, travail difficile sur un sujet si délicat.
Cette fois-ci, il s’agit de la proposition de loi adoptée en janvier 2024 à l’Assemblée nationale.
Pour celles et ceux qui n’auraient pas suivi le débat précédent, je rappelle que le chlordécone est un pesticide utilisé pendant plus de vingt ans dans les bananeraies aux Antilles, notamment en Guadeloupe et en Martinique, du début des années 70 au début des années 90.
Le premier problème est qu’il s’agit d’un pesticide à la rémanence particulièrement forte : les nappes phréatiques et la chaine alimentaire sont contaminées par la molécule pour plusieurs siècles.
Les personnes sont contaminées également : plus de 90% des Antillais ont cette molécule dans le sang. Même si certains ne présentent pas des taux dangereux, pour d’autres, cela se traduit par des troubles neurologiques, de l’infertilité, des cancers, et des malformations congénitales pour les enfants exposés in utero.
Je rappelle ce chiffre effrayant : le taux d’incidence de cancers de la prostate est deux fois supérieur à celui de l’Hexagone.
Autre problème, celui qui fait justement du sujet du chlordécone un véritable scandale : l’Etat savait.
Il a sciemment autorisé l’utilisation d’un produit dont plusieurs rapports ont reconnu, puis confirmé, très tôt, sa dangerosité, dans les années 70 et dans les années 80. Je rappelle que les Etats-Unis avaient interdit ce produit dès 1976, précisément pour cette raison.
Il ne s’agit pas d’un accident, mais de décisions administratives prises en connaissance de cause. Même lorsque le produit sera enfin « interdit » en 1990, une dérogation sera encore accordée pour les Antilles jusqu’en 1993.
Sur ce point, les responsabilités dans ce scandale n’ont jamais été clairement reconnues. Et cette lacune ne contribue nullement à apaiser la colère, légitime, des nombreuses victimes.
Enfin, et surtout, le dernier problème est que toutes les victimes n’ont pas obtenu réparation des dommages causés par leur exposition au chlordécone.
Certes, certaines ont pu bénéficier d’un système d’indemnisation : depuis 2021, le cancer de la prostate est reconnu comme maladie professionnelle chez les travailleurs de bananeraies exposés. Et une indemnisation est également possible pour les enfants exposés in utero et qui présentent certaines pathologies.
Mais, il serait hypocrite, et surtout, injuste, de ne pas reconnaitre les pathologies liées dont souffrent les victimes qui ne rentrent dans aucune de ces catégories.
En effet, qu’en est-il des femmes ? Elles ne peuvent, évidemment, pas obtenir de réparation sur le fondement des mécanismes existants.
C’est pourquoi nous saluons sincèrement l’amendement adopté en Commission, fixant comme objectif la recherche de pathologies développées par les femmes en raison d’une exposition au chlordécone. C’est le minimum que nous leur devons.
Le texte pose aussi la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat dans les préjudices subis, devenue en Commission la « part de » responsabilité. Sur ce point, notre Groupe partage l’idée selon laquelle la responsabilité est partagée entre une multitude d’acteurs, y compris au niveau local. Si l’Etat savait, il n’était pas le seul.
Enfin, ayons l’honnêteté de le dire, ce texte a une portée symbolique. « L’Etat s’assigne pour objectif » n’est pas une formule juridiquement très engageante. Aussi, nous voterons cette PPL, mais espérons qu’elle se traduira de façon beaucoup plus concrète.
Ce ne sont pas des promesses dont les victimes ont besoin, mais des actes. Je vous remercie.
SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.